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Serbie

Milosevic a perdu, mais il ne s'avoue pas vaincu

Slobodan Milosevic et ses alliés mesurent désormais leur défaite, mais les partisans du vainqueur, Vojislav Kostunica, craignent que le régime fomente des troubles en Serbie ou au Monténégro pour justifier le maintien au pouvoir de Milosevic.
Le régime de Belgrade doit désormais se résoudre à envisager la défaite de Slobodan Milosevic. Dans cette hypothèse, le Parti socialiste de Serbie peut cependant calculer qu'il conservera de toute manière le contrôle des institutions de la république de Serbie, dont le Parlement n'était pas soumis à renouvellement, et dont le Président, Milan Milutinovic, est un fidèle parmi les fidèles de Slobodan Milosevic.

De même, la coalition du SPS, de la Gauche unie yougoslave (JUL) et du Parti socialiste populaire (SNP, l'opposition pro-Milosevic au Monténégro) devrait effectivement conserver le contrôle du Parlement fédéral. L'opposition s'attribue actuellement 59 des 108 sièges réservés à la Serbie au sein du Parlement fédéral, 44 revenant à la coalition SPS-JUL, 3 au Parti radical serbe de Vojislav Seselj, le parti musulman du Sandjak et l'Union des Hongrois de Voïvodine obtenant également chacun un mandat. En revanche, les 50 sièges réservés au Monténégro devraient tous revenir au SNP, puisque les partisans du président réformateur monténégrin Milo Djukanovic avaient choisi de boycotter la consultation.

Au Monténégro, le candidat Milosevic et les listes du SNP au scrutin législatif obtiennent près de 90 % des voix des 25 % d'électeurs qui se sont rendus aux urnes. De la sorte, et même en se basant sur les chiffres fournis par l'opposition serbe, les partisans de Slobodan Milosevic devraient disposer de 94 des 158 sièges des deux chambres du Parlement fédéral. Le SNP monténégrin disposera probablement du groupe parlementaire le plus conséquent au sein du Parlement fédéral, et le choix monténégrin du boycott pourrait ainsi se révéler catastrophique pour l'opposition démocratique yougoslave.

Un président illégitime

Cet épisode pèsera forcément sur les relations entre les démocrates serbes et les autorités monténégrines. Quelques jours avant le scrutin, le président Milo Djukanovic avait affirmé souhaiter la défaite de Slobodan Milosevic, tout en rappelant que, pour les Monténégrins, si Vojislav Kostunica était élu, il resterait un président «illégitime», puisque illégitime était le scrutin, selon le dogme officiel de Podgorica.

En cas de victoire de Vojislav Kostunica, le Premier ministre fédéral Momir Bulatovic et des proches du régime rappellent également que le président Milosevic entend aller au terme de son mandat, conservant sa charge jusqu'en juillet 2001. Il est pourtant fort probable que la pression populaire le contraindra à renoncer au pouvoir bien plus tôt. Selon la plupart des observateurs indépendants de Belgrade, la défaite personnelle de Slobodan Milosevic aurait un effet catalyseur, entraînant une dislocation rapide de tout le système de pouvoir mis en place par le SPS. Le parti peut-il vraiment prendre ce risque?

La dernière parade pour le régime serait de fomenter des troubles qui entraîneraient une suspension du processus électoral. Dans cette hypothèse, certains redoutent des manifestations violentes à Belgrade, mais surtout un coup de force au Monténégro. En l'attente de la publication des résultats, les policiers monténégrins équipés de fusils d'assaut et de casques de combat avaient fortement pris position mardi après-midi dans la capitale Podgorica. Le quotidien Vijesti, proche du gouvernement réformateur monténégrin titrait mardi matin en caractères gras :«la Yougoslavie n'existe plus au Monténégro». Les dix journées qui vont s'écouler avant le second tour risquent fort d'être la période de tous les dangers pour la petite république.



par A Podgorica, Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 26/09/2000