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Serbie

L'armée souffle le chaud et le froid

A la veille du scrutin fédéral de dimanche, les généraux de l'armée yougoslave multiplient les déclarations, soufflant alternativement le chaud et le froid.
Le chef d'état-major, le général Nebojsa Pavkovic a déclaré que dimanche serait le «Jour J» pour l'armée, avant d'expliquer jeudi soir à la télévision monténégrine, en compagnie de l'amiral Milan Zec, chef de la Flotte de guerre, que l'armée respecterait le choix des électeurs et une éventuelle victoire de Vojislav Kostunica, le candidat de l'opposition serbe.

Confirmant les spéculations du ministre fédéral de l'Information Goran Matic, qui s'attend à une intrusion «d'agents déstabilisateurs de l'OTAN et de l'Amérique» dans le pays au soir de l'élection - certains ayant même prévu, selon le ministre, de se déguiser en soldats yougoslaves ou en policiers serbes -, l'armée sera placée en état d'alerte, notamment dans le port monténégrin de Bar, pour prévenir un risque de débarquement de la flotte américaine, qui croise dans l'Adriatique. Le président réformateur monténégrin Milo Djukanovic a invité les soldats yougoslaves à ne pas quitter leurs casernes, mais nul ne sait quelle allure prendra, dimanche, le déploiement de force. Au Monténégro, où le gouvernement appelle au boycott du scrutin, il est probable que la police militaire veillera à la sécurité des bureaux de vote.

Nul ne peut garantir l'attitude de l'armée

L'armée a appelé soldats et officiers à accorder leurs suffrages au candidat Slobodan Milosevic. Le quotidien monténégrin Vijesti a même fait état de mesures de rétorsion qui seraient prévues contre les officiers refusant de «bien» voter. Le haut commandement militaire, fidèle à l'héritage «yougoslave», est en fait moins acquis au Parti socialiste de Serbie (SPS) du président Milosevic qu'à l'Union de la gauche yougoslave (JUL), de son épouse Mira Markovic. La JUL, qui se veut une formation «néo-communiste» et «anti-nationaliste», attachée, en paroles, à l'héritage yougoslave, est beaucoup plus proche de l'idéologie du commandement, au sein duquel elle dispose d'importants réseaux.

Encore traumatisée par sa défaite face à l'OTAN, qui faisait suite à l'éclatement de la Fédération et aux guerres perdues de Croatie et de Bosnie, l'armée a toujours conservé un réflexe de méfiance envers Slobodan Milosevic. Depuis dix ans, le haut commandement a été soumis à des purges récurrentes : les nouveaux promus, immanquablement présentés comme des hommes-liges du maître de Belgrade, ne tardaient pas à prendre leurs distances et à être, à leur tour, mis sur la touche. Le général Momcilo Perisic, chef de l'état-major jusqu'en novembre 1998 et maintenant président du petit Mouvement pour une Serbie démocratique (opposition) est le plus connu de ces généraux devenus dissidents.

Si l'armée vote pour Milosevic, c'est parce qu'elle le perçoit, une fois de plus, comme le dernier garant de l'unité yougoslave, opposé aux «sécessionistes» monténégrins. En cas d'affrontements à l'issue du scrutin, nul ne peut garantir l'attitude de l'armée. Humiliée par l'arrogance de la police, véritable garde prétorienne de Slobodan Milosevic, qui connaît des soldes bien plus élevées que dans l'armée, l'armée pourrait, selon certains analystes, être tentée de jouer sa propre partition. Selon un observateur de Belgrade, l'armée disposerait de 100 000 hommes, et la police de Serbie du double, étant entendu que cette police dispose de tous les armements conventionnels, à l'exception de l'aviation.

Ce n'est qu'au Monténégro que la position de l'armée est certaine : elle s'opposera par tous les moyens au risque de sécession, en s'appuyant sur les volontaires du Septième bataillon, la milice des volontaires monténégrins anti-indépendantistes.




par A Podgorica, Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 22/09/2000