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Serbie

Scrutins sous haute tension en Yougoslavie

Slobodan Milosevic, véritable incarnation de la fédération Yougoslave, sera-t-il battu lors des différents scrutins du dimanche 24 septembre ? Cette seule perspective, largement confirmée par les derniers sondages, ne fait que renforcer la crainte d'un recours à des fraudes électorales massives et à d'éventuelles manipulations et provocations organisées par le régime. Alors que la KFOR indique avoir déjoué une tentative d'attentat au Kosovo, pilotée par des militaires serbesà
A l'approche des différents scrutins du dimanche 24 septembre û élections fédérales présidentielle et législatives en Yougoslavie, élections municipales en Serbie (Kosovo exclu) û, la perspective crédible d'une victoire de l'opposition porte l'atmosphère générale de paranoïa à son paroxysme. Certes, l'enjeu est de taille. Il dépasse largement le maintien au pouvoir du premier président de la république fédérale de Yougoslavie élu au suffrage universel en 1997, qui a lui-même provoqué cette élection afin d'asseoir sa légitimité après l'intervention de l'OTAN au Kosovo. C'est la survie de tout un système qui se jouera lors des différents scrutins prévus pour le dimanche 24 septembre. Celui d'un Etat centralisé, dont toutes les structures publiques, l'économie et les principaux médias sont contrôlés par l'homme fort du régime via son parti, le SPS (partie socialiste de Serbie). Plus encore, une victoire de l'opposition pourrait accélérer le processus de désagrégation de la structure fédérale yougoslave, engagé avec les déclarations d'indépendance de la Slovénie et de la Croatie en 1991, puis la guerre en Bosnie, en donnant des ailes à la république du Monténégro qui revendique fermement sa sortie de la Fédération et appelle au boycott des différents scrutins (tout en autorisant leur organisation).

Dans ce contexte, la simple présence de Slobodan Milosevic ce mercredi 20 septembre à Berane devant 15 000 personnes lors d'un meeting électoral organisé par le seul parti monténégrin appelant à la participation aux élections, le parti socialiste populaire (SNP) qui soutient sa candidature à la présidence de la Fédération, apparaît comme une provocation. Les autorités du Monténégro avaient en effet proclamé leur intention de se conformer aux décisions du Tribunal pénal international (TPI), qui a condamné Slobodan Milosevic pour crimes de guerre au Kosovo, et étaient censées procéder à l'arrestation du leader serbe dès sa venue dans la république. Gageons qu'il n'en sera rien, tant les risques d'affrontement sont réels : la police yougoslave du Monténégro, qui compte des criminels de droit commun ainsi que d'anciens combattants serbes de Bosnie entraînés non pour des missions de maintien de l'ordre mais pour s'emparer au plus vite des sites stratégiques dans la perspective d'un renversement du régime du président pro-occidental Milo Djukanovic, fait face aux forces mises en place par la république dissidente pour s'opposer à toute tentative de putsch de Belgrade. Le moindre incident, volontaire ou non, pourrait dégénérer en affrontement direct et la république du Monténégro appelle déjà la communauté internationale à intervenir en cas de conflit.

Le boycott des Kosovars albanais

Ainsi, au Kosovo, les craintes de violences se précisent. L'administrateur de l'ONU dans cette province autonome de Serbie, Bernard Kouchner, a indiqué mardi que la KFOR avait déjoué une tentative d'attentat pilotée par des agents des forces spéciales serbes. Des explosifs, des détonateurs et des armes automatiques ont été saisis. Rappelons que l'ONU, qui qualifie ces élections fédérales au Kosovo de «farce» et de «provocation», refuse d'en faciliter l'organisation mais tentera tout de même d'assurer la sécurité de la population de la province pendant le vote qui sera très vraisemblablement boycotté par les albanais de souche. Selon la commission électorale de Serbie, 300 bureaux de vote devraient être installés au Kosovo, mais l'ONU refuse de mettre à disposition les bâtiments publics qu'elle administre.

Les derniers sondages confirment que Vojislav Kostunica, candidat du DOS û coalition formée par 18 partis d'opposition, à l'exception du Mouvement serbe du renouveau (SPO) de Vuk Draskovic qui présente sont propre candidat à la présidentielle û, devrait largement l'emporter. Le candidat d'opposition est ainsi créditée de 45 % des intentions de vote, contre 38 % à Milosevic. Le maire de Belgrade, Vojislav Mihailovic, candidat du SPO, recueillerait moins de 5 % des suffrages exprimés, tandis que le taux d'abstention et d'indécis est encore estimé à 30 %. Aux législatives et aux municipales, le DOS l'emporterait respectivement par 37 % et 34 %, contre 21 % à la coalition gouvernementale formée par le Parti socialiste de Milosevic (SPS) et la Gauche Yougoslave (JUL) dirigée par son épouse, Mira Markovic. Le parti ultra-nationaliste de Vojislav Seselj, le Parti radical de Serbie (SRS) qui soutient le régime, obtiendrait moins de 10 % lors de ces deux scrutins. Le SPO de Vuk Draskovic serait pratiquement marginalisé, avec seulement 3 %.

Dans ces circonstances défavorables au régime, on comprend mieux la crainte généralisée d'un recours à des moyens plus radicaux. Cependant, la coalition au pouvoir et les partis d'opposition partagent la même volonté de maintenir le Kosovo dans le giron de la Serbie et la même condamnation des frappes de l'OTAN durant le conflit. Assurément, la Yougoslavie risque de nouveau d'entrer dans une période de turbulences. C'est la semaine de tous les dangersà



par Jean-Philippe  Delalandre

Article publié le 20/09/2000