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Serbie

Risques de fraudes à l'abri des regards

Alors que l'opposition à Slobodan Milosevic s'attend à des fraudes électorales massives visant à lui voler sa victoire û annoncée par tous les sondages d'opinion û lors des scrutins du dimanche 24 septembre, les autorités yougoslaves viennent de s'opposer à la venue des observateurs mandatés par l'Union européenne.
La réponse est non : la délégation que l'Union européenne espérait envoyer sur le terrain pour suivre le déroulement des élections de dimanche, composée de 20 parlementaires des Etats membres, vient de se voir refuser l'autorisation de se rendre en Yougoslavie. Deux parlementaires français, le député Michel Vauzelle et le sénateur Xavier de Villepin, devaient participer à cette mission d'observation sur la sincérité de scrutins grandement exposés à la menace de fraudes massives organisées par les partisans d'un régime dictatorial sur le point d'être battu. «Aucun visa n'a été accordé (à) L'Union européenne en tirera les conséquences», a déclaré la présidence française. La venue de représentants de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a également été écartée. Alors que 14 dirigeants occidentaux au pouvoir durant la campagne de l'OTAN au Kosovo en 1999 û dont Bill Clinton, Jacques Chirac, Tony Blair ou Madeleine Albright û viennent d'être «condamnés» à 20 ans de prison par un tribunal de Belgrade au cours d'un procès destiné à alimenter la propagande nationaliste du régime, les autorités yougoslaves saisissent le prétexte de ce conflit pour refuser la venue d'observateurs de pays y ayant pris part. Seuls des représentants chinois, russes et indiens ont apparemment été autorisés à se rendre sur place¯: l'agence officielle Tanjug vient ainsi d'annoncer l'arrivée de 210 «observateurs étrangers». Les Occidentaux, qui ont fermement mis en garde le régime contre toute fraude électorale, seront donc contraints d'assurer un contrôle à distance.

L'opposition démocratique de Serbie (DOS) craint une «énorme manipulation» et affirme détenir des preuves selon lesquelles «entre 600¯000 et un million de bulletins de vote de plus que nécessaire ont été imprimés». En outre, l'organisation du scrutin û une unique fiche électorale à signer pour quatre bulletins de vote à déposer û facilite les manipulations et les commissions électorales sont contrôlées par le parti au pouvoir. Le DOS, coalition soutenant la candidature de Vojislav Kostunica à l'élection présidentielle, affirme cependant être en mesure de contrôler le déroulement du scrutin dans la plupart des 10¯000 bureaux de vote.

Cependant, même reconnue par le régime, une victoire de l'opposition ne provoquerait pas le départ immédiat de Slobodan Milosevic. Momir Bulatovic, Premier ministre fédéral, a déclaré sur la chaîne de télévision monténégrine Elmag que «conformément à la Constitution», Slobodan Milosevic irait jusqu'au terme de son mandat en juillet 2001 et qu'il nommerait un nouveau Premier ministre. Les textes ne prévoient pourtant qu'un délai de quinze jours pour l'entrée en fonction d'un nouveau président. La seule alternative à la fraude électorale ne serait-elle que le coup d'Etat rampant¯? Si tout semble indiquer sa prochaine défaite, personne en Yougoslavie ne peut imaginer que Milosevic puisse préparer sa sortie : il ne fait que préparer son maintien au pouvoir, et ceci par tous les moyens. Mais l'opposition n'est pas prête, elle non plus, à renoncer à sa très probable victoire.




par Jean-Philippe  Delalandre

Article publié le 22/09/2000