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Serbie

Votes à bulletins très secrets

Si la répression du pouvoir yougoslave s'est exercée en priorité sur les médias indépendants du pays, des journalistes occidentaux ont été expulsés ou n'ont pu obtenir de visa à la veille des élections du dimanche 24 septembre. Tous les témoins gênants ont été écartés.
Les autorités yougoslaves ont eu à c£ur de garantir jusqu'à l'extrême le secret de l'isoloir¯: c'est l'isoloir lui-même qui a été mis au secret. Après avoir refusé la venue d'observateurs de l'Union européenne et de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), le pouvoir s'en est pris vendredi et samedi à des journalistes occidentaux. La journaliste portugaise Lumena Raposo du quotidien de Lisbonne Diario de Noticias, qui devait couvrir les élections, a été expulsée vendredi. Le reporter danois Finn Joergensen, envoyé spécial de l'agence danoise Ritzau et correspondant des agences de presse nordiques FNB (Finlande), NTB (Norvège) et TT (Suède) a été arrêté pour «travail illégal». Il a été jugé samedi après-midi avec un confrère canadien. Tous deux ont été condamnés à une amende de 3¯200 dinars (53,7 euros) et ont été relâchés samedi soir par la police, sans avoir reçu l'assurance d'être autorisés à couvrir les élections.

Par ailleurs, une équipe de France 3 arrivée sur place le jeudi 22 septembre a été priée de quitter le territoire yougoslave avant le jour du scrutin. «La police des étrangers a réimposé sur nos visas d'entrée un visa de séjour du 23 au 24 septembre, sans autre explication», a déclaré la journaliste Memona Hintermann. Une semblable mésaventure est arrivée au journaliste de LCI Laurent Delhomme ainsi qu'à un Tchèque et deux Italiens. David Millward, correspondant permanent du Daily Telegraph à Belgrade et un journaliste de la chaîne publique allemande ZDF ont également été expulsés.

Paradoxalement, d'autres journalistes occidentaux ont été autorisés à resterà Si la logique de ces mesures n'apparaît donc pas de manière flagrante, la participation du pays d'origine au conflit du Kosovo ne semblant pas en être le critère unique, le but visé par le régime est clair¯: empêcher un contrôle efficace de la régularité des élections et masquer les fraudes. Ainsi, au Monténégro, c'est l'armée fédérale yougoslave qui assure la «sécurité» du déroulement du scrutin en surveillant les bureaux de vote. «Vous pouvez juger par vous même jusqu'à quel point nous pouvons parler d'élections libres et justes si l'armée est présente dans les bureaux de vote», a déclaré le président monténégrin Milo Djukanovic.

Internet brise la censure

Du côté des médias et des organisations yougoslaves, la situation n'a fait qu'empirer depuis le début de la campagne électorale, et les candidats de l'opposition ont eu des difficultés pour se faire entendre. La répression des journalistes indépendants se poursuit. Ainsi, Miroslav Filipovic, condamné à sept ans de prison pour délit d'opinion, incarcéré le 22 mai, hospitalisé le 8 août pour de sérieux problèmes cardiaques, vient d'être transféré à la prison militaire de Nis. Par la voix de son secrétaire général, Robert Ménard, Reporters sans frontières (RSF) s'est indignée de cette décision¯: «Non content d'avoir fait condamner un journaliste à une peine d'emprisonnement de sept ans pour la simple expression d'une opinion, le pouvoir yougoslave met également ses jours en danger.»

Le Centre pour des élections libres et la démocratie (Cesid), une ONG yougoslave, a été écarté des bureaux de vote au prétexte qu'il serait «un relais de la propagande de l'Ouest».

Nombre de Yougoslaves vont désormais chercher des informations sur des sites Internet indépendants. Les utilisateurs du réseau mondial seraient passés de 40¯000 en 1997 à plus de 400¯000 aujourd'hui. Les pages sont ensuite imprimées et diffusées de main en main, les journaux d'opposition ne pouvant pas toujours répondre à la demande du public en raison du rationnement du papier. De nombreux sites, parfois consultables en anglais, donnent des informations directes sur ce qui se passe sur le terrain. Un des plus consultés est celui de la radio indépendante B92 (www.freeb92.net). Egalement en version bilingue, le site du Cesid (www.cesid.org.yu) donne en temps réel les résultats des dépouillements. Autre groupement d'organisations militant pour des élections libres, Izlaz 2000, à l'adresse suivante¯: www.izlaz2000.org, (lisible en anglais). L'hebdomadaire Vreme est également présent, en serbe, sur le Net (www.vreme.com). Et si l'on désire goûter à la propagande du pouvoir, le site de l'agence officielle yougoslave Tanjug (www.tanjug.co.yu) en donne un bon aperçu.




par Jean-Philippe  Delalandre

Article publié le 25/09/2000