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Serbie

Face à face tendu entre Milosevic et Kostunica<br>

Ce que l'OTAN n'avait pas obtenu avec ses bombardements, l'opposition démocratique serbe l'a probablement atteint dimanche 25 septembre 2000 : la défaite de Slobodan Milosevic et de son parti, ainsi que l'élection à la tête du pays d'un professeur inconnu il y a quelques mois seulement, Vojislav Kostunica. Mais cela ne signifie pas que cette victoire proclamée (et fêtée dans les rues de Belgrade) dès la nuit du 24 au 25 septembre sera automatiquement traduite dans les faits. Car «Slobo l'inoxydable» a visiblement décidé de ne pas accepter le verdict des urnes.
Celles-ci pourtant ont vite montré l'ampleur de la défaite du président yougoslave. Une défaite reconnue même dans son camp, par l'extrémiste Seselj, qui a constamment fait partie de toutes les coalitions gouvernementales de Slobodan Milosevic. Selon les différentes sources d'information le candidat de l'opposition Kostunica recueillerait entre 53 et 55¯% des voix, tandis que le président sortant Milosevic n'est crédité que de 30 à 35¯% des suffrages. Ces chiffres ont été rendus publics par l'opposition mais aussi par des observateurs indépendants comme par des alliés de Milosevic. Et ils ont été indirectement confirmés par l'OSCE et différents gouvernements occidentaux, qui ont tous salué la défaite de Milosevic.

Le parti socialiste (au pouvoir) a pour sa part annoncé de tout autres résultats, et crédité Milosevic d'environ 45¯%, contre 40¯% seulement pour son principal adversaire. Ce qui pourrait signifier que le dictateur serbe tente par tous les moyens¯-¯fraudes comprises -¯d'aller jusqu'au deuxième tour, afin de pouvoir l'emporter, même de justesse. C'est ce que redoutent de nombreux observateurs européens, qui ont tous dénoncé le caractère peu démocratique du scrutin.

Comme prévu, la récente intervention de l'OTAN a été au c£ur de la campagne électorale et les critiques formulées à l'époque par Kostunica à l'encontre de l'alliance atlantique l'ont finalement aidé à faire face aux attaques de Milosevic. «J'aurais pu passer pour un mercenaire de l'OTAN, a-t-il déclaré à la veille du scrutin à Frano Cetinic de la rédaction serbe et croate de RFI ; mais le régime lui-même avait utilisé à son profit mes critiques pendant l'intervention de l'OTAN en Yougoslavie, de même qu'il reprenait les critiques formulées par Noam Chomsky, Henry Kissinger ou celles de RFI¯! Il aurait voulu que cela s'oublie, mais le peuple de la Serbie ne l'a pas oublié

En réalité Kostunica a constamment pris soin de distinguer la position de l'OTAN (une coalition dominée de facto par les Etats-Unis) de celle de l'Union européenne. Celle-ci a été quelque peu épargnée par le probable vainqueur de Milosevic, en raison notamment des critiques - timides mais réelles - formulées par la suite par certains pays européens, à commencer par la France et la Grande-Bretagne ; mais aussi à cause des positions plus modérées affichées durant le conflit par l'Italie, qui n'avait jamais coupé les ponts avec Belgrade.

Kostunica n'oublie sans doute pas que les Serbes qui l'ont choisi espèrent que grâce à lui le pays pourra enfin mettre un terme à l'isolement dans lequel il a été plongé par Milosevic, notamment depuis le début de la nouvelle guerre des Balkans, en 1991. Une guerre qui a été ponctuée par une série de défaites de l'armée serbe en Slovénie, en Croatie et en Bosnie, et par l'arrivée en Serbie de centaines de milliers de réfugiés en provenance de tous ces pays. «Après le 24 septembre, la Serbie ne sera plus jamais la même, nous a-t-il dit; car pendant ma campagne j'ai acquis la conviction qu'elle n'était déjà plus la même. C'est une conscience nouvelle qui a surgi

Mais cet espoir risque de rester une v£u pieux. «Je m'attends à une résistance, à la contestation des résultats de la part de Milosevic, a-t-il ajouté ; car il n'est pas prêt de les accepter.» C'est aussi le sentiment de nombreux Belgradois pour lesquels Milosevic a certes perdu ces élections, mais rares sont ceux qui croient que la victoire de l'opposition sera reconnue par le pouvoir.

La confrontation entre Milosevic et Kostunica pourrait désormais se dérouler sur la place publique. Un ancien chef d'état-major, Momcilo Perisic, a appelé lundi la population à descendre de nouveau dans les rues pour fêter la victoire de l'opposition. Avant de demander à l'armée et à la police de «remplir leurs devoirs constitutionnels et à protéger les aspirations populaires». Ce qui ne va visiblement pas de soi en Serbie.




par Elio  Comarin

Article publié le 25/09/2000