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Serbie

Une «révolution pacifique» qui commence

Après les étudiants, les mineurs, les ouvriers et les chomeurs. Des milliers de Serbes ont commencé à paralyser le pays, à Belgrade comme ailleurs, dans le but d'obliger Milosevic à reconnaître sa défaite. Une "révolution pacifique" saluée par les pays voisins.
«Notre révolution est pacifique, sage, civilisée et démocratique. Le peuple a faim, mais il reste calme, et l'attitude de la police a changé». Au soir de la première journée de désobéissance civile, Vojislav Kostunica - désormais considéré comme le vrai président yougoslave - a tenu a préciser le sens d'une démarche populaire qui vise à renverser le régime autocratique de Slobodan Milosevic. Mais sans faire appel à la violence.

Alors que de plus en plus de catégories sociales basculaient dans une grève générale qui ne fait sans doute que commencer, Kostunica a une nouvelle fois donné une dimension nationale - sinon nationaliste - à ce combat, en critiquant à la fois Washington et Moscou. «La politique des autorités américaines d'aujourd'hui, qu'elles encensent Milosevic comme elles l'ont fait dans le passé, ou qu'elles menacent de le traduire devant le TPI de la Haye comme elles le font aujourd'hui, constitue de fait un soutien pour Milosevic», a déclaré Kostunica, avant d'ajouter : «Mais je pense que ce soutien sera de courte durée».

Quant à la Russie de Poutine, pourtant allié traditionnel (et indispensable) de la Serbie, elle se voit reprocher une «politique indécise et réticente». «On peut la décrire comme un pas en avant puis un pas en arrière. Les Russes n'ont pas de position précise et concrète sur la situation en Yougoslavie», a dit Kostunica. Quelques heures plus tôt le président avait rendu public un communiqué officiel dans lequel il déclarait que «la Russie, amie sincère de la Yougoslavie ne peut rester inactive», et ajoutait : «Je suis prêt en tant que président de la Russie à recevoir à Moscou dans les prochains jours les deux candidats arrivés au deuxième tour, pour discuter des moyens de sortir de la situation actuelle». Une proposition qui ne semble pas avoir suscité beaucoup d'enthousiasme du côté des deux principaux intéressés.
Kostunica a pour sa part enregistré lundi 2 octobre le soutien de deux importants pays voisins : la Croatie et la Bulgarie. Les deux présidents respectifs Mesic et Stoïanov ont lancé un appel commun au «respect de la volonté des citoyens serbes exprimée par les résultats des élections, ce qui mettra fin aussi bien au régime de Milosevic qu'à sa politique». On assiste, en réalité depuis la semaine dernière, à une sorte d'«effet Kostunica» sur de nombreux pays voisins, qui ne s'attendaient sans doute pas qu'un simple professeur de droit, inconnu il y a quelques mois seulement, puisse devenir le fédérateur d'une opposition très divisée, tout en maintenant ses prises de position nationalistes et souvent anti-américaines. Sa liberté de parole étonne d'autant plus les voisins de la Serbie que la quasi totalité des régimes au pouvoir ailleurs en Europe centrale et orientale ont souvent adopté des attitudes très pro-américaines et ont maintes fois exprimé leur volonté de rejoindre l'Alliance atlantique. Ce qui est à exclure dans le cas de la Serbie.

De son côté Slobodan Milosevic a répété qu'il compte bien aller au deuxième tour. Et l'emporter. Mais il a pris soin d'effectuer une importante purge au sein de la police, qui a en grande partie pris fait et cause pour l'opposition et n'est presque jamais intervenue contre les manifestants, dans les différents villes du pays. Il a notamment mit fin aux fonctions du responsable de la sécurité de l'Etat serbe, Rade Markovic, et à celles du commandant des unités spéciales de la police, Zivko Trajkovic.



par Elio  Comarin

Article publié le 02/10/2000