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Serbie

La Serbie se libère de Milosevic

Au lendemain du «meeting de la victoire finale», Belgrade comme toute la Serbie était en train de se libérer définitivement de Slobodan Milosevic et de son pouvoir clanique. Et la Cour constitutionnelle a finalement reconnu la victoire de Vojislav Kostunica.
Les principaux symboles de l'ancien régime ont été investis par les centaines de milliers de manifestants qui avaient convergé sur la capitale yougoslave, en provenance de toutes les régions du pays, afin d'obliger Milosevic à quitter le pouvoir. Belgrade a vécu une nuit de liesse populaire, dans l'attente de la confirmation officielle de la chute du régime. Et l'opposition dirigée par Vojislav Kostunica a aussitôt commencé à prendre effectivement le pouvoir dès l'après-midi du 5 octobre : la « Serbie libérée » s'est dotée d'un nouveau maire de Belgrade, et l'Opposition démocratique serbe (DOS) a créé un état-major de crise pour préparer la première réunion du nouveau Parlement issu des élections du 24 septembre. Parallèlement l'opposition a établi un important contact avec Milan Milutinovic, président de la Serbie et proche de Milosevic, afin de «régler» le sort de Milosevic et épargner au pays un baroud d'honneur qui pourrait vite se transformer en bain de sang.

Pour sa part le nouveau président Kostunica s'est adressé à la foule en liesse pour saluer la «nouvelle Serbie» à la fois démocratique et pacifique, mais aussi libérée tout autant de son président autocrate Milosevic que de son passé communiste et titiste. Dans une intervention à la télévision officielle Kostunica a déclaré aussi que Milosevic ne sera pas livré au TPI de La Haye, qui l'a inculpé de crimes contre l'humanité. «J'ai tellement d'autres choses à faire pour reconstruire notre pays d'une manière démocratique que je n'ai pas le temps de réfléchir au TPI», a-t-il dit, avant de qualifie de tribunal pénal international «d'outil de pression politique de l'administration américaine».
Le soulèvement populaire de la Serbie a été aussitôt salué par toutes les capitales européennes et Washington, ainsi que par Moscou. Mais tous les milieux internationaux ont visiblement été pris de court par les événements de Belgrade. Au lendemain de la victoire de l'opposition la Russie, allié traditionnel de la Serbie, avait essayé de «convoquer» à Moscou l'ancien et le nouveau président fédéral, Milosevic et Kostunica, pour trouver une issue à la confrontation en cours. L'échec de Poutine est à l'image de toute sa politique étrangère : son ministre des Affaires étrangères Igor Ivanov est parti pour Belgrade tôt vendredi matin 6 octobre. A Belgrade déjà libérée il ne pourra que rencontrer le nouveau président et accepter la nouvelle donne politique, tout en regrettant son indécision de la veille. Et, peut-être, tenter de trouver une sortie plus ou moins honorable pour Milosevic.

Les Etats-Unis de Bill Clinton ont fait savoir vendredi qu'ils « ont l'intention de reconnaître » le nouveau pouvoir. Mais le secrétaire d'Etat Madeleine Albright aura du mal à faire oublier aux Serbes et aux Monténégrins non seulement les bombes de l'OTAN de l'année dernière, mais d'abord le soutien que les Etats-Unis ont assuré des années durant à Slobodan Milosevic. Celui-ci était considéré comme un «partenaire incontournable» de tout règlement dans les Balkans, avant de devenir la «boucher de Belgrade» à la veille de la guerre du Kosovo. Ce que Kostunica et l'opposition démocratique serbe ne manqueront pas de rappeler aux responsables de la politique étrangère qui seront nommés au lendemain des élections américaines. Notamment lorsqu'ils discuteront ensemble du sort de la «province serbe» du Kosovo, que les alliés kosovars de Washington veulent par tous les moyens doter d'une indépendance totale.

Quant à l'Union européenne, elle semble déterminée à proposer la levée des sanctions imposées à la Serbie, mais aussi divisée sur la question du sort de Slobodan Milosevic. De plus elle ne peut que regretter elle aussi de n'avoir «découvert» un certain Vojislav Kostunica que deux mois seulement avant les élections du 24 septembre ; et d'avoir jusque-là soutenu plutôt Vuk Draskovic, un vrai-faux opposant qui a régulièrement su retrouver le chemin menant au clan Milosevic, lorsque le maître de Belgrade avait besoin de constituer une gouvernement de coalition. L'Europe peut néanmoins compter sur le crédo européen de Kostunica, qui a constamment su distinguer l'UE de l'OTAN.




par Elio  Comarin

Article publié le 06/10/2000