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Serbie

Milosevic reconnaît sa défaite

Après avoir rencontré le ministre russe des affaires étrangères et constaté le ralliement à Kostunica de l'armée yougoslave, l'ancien «maître de Belgrade» a reconnu sa défaite; mais il ne quitte pas pour autant la scène politique.
C'est par une explosion de joie que Belgrade a salué vendredi soir l'annonce faite par Slobodan Milosevic qu'il quittait - par la petite porte - le pouvoir qu'il avait su garder par tous les moyens dix années durant. Et la capitale, comme les autres villes du pays, a aussitôt entamé une longue nuit de fête, ponctuée par les klaxons des voitures et les coups de sifflet à tue-tête de centaines de milliers de manifestants qui avaient de la peine à croire que l« Slobo l'inoxydable était vraiment fini ». Et pourtant le maître de Belgrade venait même de féliciter Vojislav Kostunica de sa victoire, avant d'ajouter : « J'ai l'intention de me reposer un peu, de passer plus de temps avec ma famille, particulièrement avec mon petit-fils Marko, et de continuer après à renforcer mon parti ». Autant dire qu'il ne quitte pas tout à fait la scène politique : en réalité cette retraite lui a été imposée par ceux-là mêmes qui l'ont porté au pouvoir et soutenu jusqu'au bout : l'armée et les forces de sécurité, sur le plan intérieur, et la Russie sur la scène internationale.

Peu de temps avant cette annonce, le général Pavkovic, chef d'état-major yougoslave avait lui aussi basculé dans le camp du vainqueur, en déclarant : «les membres de l'armée respectant scrupuleusement la Constitution n'ont pas participé aux luttes politiques, sont prêts à accepter la volonté des citoyens et toutes les décisions des organes électoraux». En fait le général Pavkovic avait alors déjà rencontré le nouveau président Kostunica et déclaré que le président «fera tout pour surmonter les problèmes en suspens d'une manière civilisée pour que le pays retrouve une situation économique et politique normales». Des déclarations faites peu après que ce même général ait rencontré le ministre russe des Affaires étrangères Igor Ivanov, qui s'était précipité à Belgrade pour féliciter Kostunica et « régler » le cas Milosevic. Igor Ivanov a ensuite rencontré longuement l'ex-président yougoslave dans sa résidence belgradoise et l'a sans doute convaincu à renoncer à un baroud d'honneur sans lendemain. Car entre temps l'Etat yougoslave tout entier avait peu à peu basculé dans le camp du vainqueur des élections du 24 septembre. De plus, le pouvoir serbe venait lui aussi d'abandonner Milosevic à son sort : le ralliement du président du parlement de Serbie Dragan Tomic, sur lequel Milosevic comptait pour mettre sur pied une sorte de contre-pouvoir face à Kostunica, a sans doute été déterminant.

Vojislav Kostunica, pour sa part, avant d'être investi officiellement président de la Yougoslavie le samedi 7 octobre, a répondu en direct aux questions des téléspectateurs, et s'est félicité du soutien reçu de nombreux responsables politiques européens, à commencer par le président Jacques Chirac et le premier ministre français Lionel Jospin : «Je pense que cela était nécessaire pour que nous nous fassions à l'idée qu'une transition du pouvoir est en cours, qu'elle doit être pacifique, et en ce sens, j'ai eu des rencontres avec des responsables militaires, avec M. Milosevic, et je m'attends, surtout après l'appel que j'ai reçu du président du parlement serbe Dragan Tomic, à ce que ces contacts se poursuivent».

La « révolution pacifique et démocratique » voulue par Kostunica, et qui avait été déclenchée par les jeunes du mouvement Otpor, a reçu entre temps un autre appui indispensable : celui de l'église orthodoxe, qui dispose toujours d'un pouvoir réel notamment chez les paysans.



par Elio  Comarin

Article publié le 07/10/2000