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Serbie

L'inconnue monténégrine

Après avoir chassé Milosevic du pouvoir, Vojislav Kostunica doit s'attaquer à un dossier prioritaire qui concerne l'avenir de la fédération yougoslave: celui des relations entre la Serbie et le Monténégro.
La «réconciliation entre la Serbie et le Monténégro» constitue «la tâche des tâches» pour Vojislav Kostunica, ainsi qu'il l'a déclaré dimanche à l'agence Tanjug. On notait pourtant une absence de taille, lors de la prestation de serment du nouveau président yougoslave, samedi soir au Centre Sava de Belgrade, celle du président monténégrin Milo Djukanovic. Celui-ci s'est bien évidemment félicité de la chute de Slobodan Milosevic, mais il n'entend pas, pour autant, reconnaître la légitimité du nouvel élu. Dès avant le scrutin du 24 septembre, Milo Djukanovic avait averti que, pour les Monténégrins, puisque ces élections étaient «illégitimes», le nouvel élu ne pourrait pas non plus se targuer de la moindre légitimité. Aujourd'hui, il se déclare prêt à négocier avec M. Kostunica «non pas comme président de Yougoslavie, mais comme représentant d'un nouveau courant démocratique en Serbie».

Les relations entre les deux républiques qui constituent la Fédération yougoslave, la Serbie et le Monténégro, étaient arrivés à un point particulièrement critique après les modifications constitutionnelles du mois de juillet dernier, qui ont déclenché le processus électoral que les partisans de Milo Djukanovic ont choisi de boycotter. Le 24 septembre, seuls les sympathisants du Parti socialiste populaire (SNP), l'opposition pro-serbe au Monténégro, se sont rendus aux urnes, et la participation n'a atteint que 25% des électeurs inscrits.

Le SNP a donc obtenu les 50 sièges de représentants au Parlement fédéral qui reviennent au Monténégro. Ce parti, jusqu'à présent lié au Parti socialiste de Serbie (SPS) de Slobodan Milosevic, envisage désormais de retourner son alliance, en soutenant Vojislav Kostunica, qui devrait probablement choisir comme Premier ministre fédéral le vice-président du SNP, Predrag Bulatovic, le président du Parti et Premier ministre sortant, Momir Bulatovic û les deux hommes n'ont pas de relations de parenté directe - étant trop compromis avec l'ancien régime. En choisissant le boycott, les partisans de Milo Djukanovic se sont eux-mêmes empêchés de jouer un rôle direct sur la nouvelle scène politique yougoslave.

«La grande erreur stratégique de Milo Djukanovic a été de tout prévoir, sauf le départ de Slobodan Milosevic», explique un analyste de Podgorica. «Le Monténégro a vécu ces dernières sur une véritable rentre due à son positionnement politique. Cette époque est révolue». Les pays occidentaux finançaient en effet à fonds perdus la petite république. Seule l'aide américaine permettait au Monténégro d'entretenir sur le pied de guerre une «police» forte de près de 25 000 hommes. Plus rien ne justifie une telle mobilisation, et Milo Djukanovic risque de se retrouver très vite dans l'impossibilité de financer une telle garde prétorienne. Les dirigeants monténégrins vont proposer à la nouvelle majorité fédérale d'entamer des négociations sur la base de la «plate-forme pour de nouvelles relations entre la Serbie et le Monténégro», qu'ils avaient proposé en août 1999.

Samedi soir, des membres de la très importante communauté monténégrine de Belgrade se retrouvent pour fêter entre amis la chute de Slobodan Milosevic. «Au moins, il n'y aura pas de guerre», se réjouissent les uns, tandis que les autres analysent que «le Monténégro a perdu une occasion inespérée de gagner son indépendance, en juillet dernier, juste après les changements constitutionnel». La normalisation des relations entre les deux républiques sera longue et la négociation difficile, d'autant plus que Milo Djukanovic et Vojislav Kostunica se connaissent mal et s'estiment peu. Des signes encourageants sont pourtant déjà perceptibles : depuis dimanche, les contrôles douaniers à la frontière serbo-monténégrine ont été levés, et l'économiste Vladan Djinkic, membre éminent du G-17, le groupe d'experts très proches de Vojislav Kostunica, a promis une levée très rapide du blocus que la Serbie appliquait au Monténégro.



par A Belgrade, Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 09/10/2000