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L''affaire Elf

Champ libre pour les juges

Laurent Fabius, le ministre français de l'Economie et des Finances a levé le 6 octobre le secret-défense qui pesait sur des documents relatifs au versement de commissions occultes à l'étranger par le groupe pétrolier Elf.
Tout a commencé en août dernier quand le juge Van Ruymbeke (qui enquête sur des versements de la compagnie pétrolière à l'étranger entre 1989 et 1993) s'est rendu à la direction générale des douanes, à Paris, pour consulter le dossier Elf. A sa grande surprise, le directeur général, François Auvigne, a invoqué le secret-défense pour lui barrer l'accès à ces documents. Le juge avait alors contesté cette classification car les documents qu'il souhaitait consulter concernaient des contrats civils et non militaires. Il était donc reparti bredouille !

Le 6 octobre, Laurent Fabius, le ministre français de l'Economie et des Finances a décidé de lever le secret-défense pesant sur les archives relatives aux commissions versées à l'étranger par le groupe pétrolier. Il a ainsi suivi l'avis de la Commission consultative du secret de la Défense nationale (CCSDN).

Après cette annonce, Me Olivier Metzner, l'avocat de l'ancien PDG d'Elf, Loïk Le Floch-Prigent, s'est « réjoui » de la décision de Laurent Fabius. « Ces documents vont confirmer ce que disait Le Floch-Prigent, à savoir que les commissions versées étaient connues de l'Etat, du ministère des Finances et de l'Elysée » a-t-il déclaré.

700 millions de francs de commissions occultes

Grâce à ce nouvel accès, Renaud Van Ruymbeke, Eva Joly et Laurence Vichnievski, les juges chargés de l'affaire, vont pouvoir continuer leurs investigations sur ce dossier tentaculaire. Ces précieux documents pourraient révéler l'existence de commissions occultes ou officielles versées à l'occasion d'autres contrats. Selon les dernières évaluations des trois magistrats, les seuls dossiers Leuna et Ertoil ont donné lieu à des versements de plus de 700 millions de francs de commissions : 330 pour Leuna et 400 pour Ertoil. Elf avait repris en 1991 la compagnie de raffinage espagnole Ertoil et racheté la raffinerie allemande Leuna ainsi que le réseau de distribution d'essence Minol en 1992.

Rappelons que dans le volet Leuna, des membres du gouvernement de l'ex-chancelier allemand, Helmut Khol et de la CDU, l'Union chrétienne démocrate allemande, sont soupçonnés d'avoir bénéficié des largesses d'Elf-Aquitaine. Helmut Khol a toujours démenti ces accusations mais l'enquête a démontré que l'essentiel des 330 millions de francs a été réparti entre deux intermédiaires : l'Allemand Dieter Holzer et un ancien officier des services secrets français.

Alors que le secret-défense était levé, un nouveau mandat d'arrêt international était lancé contre Alfred Sirven, ancien numéro deux d'Elf, dans un autre volet du dossier, celui des frégates vendues par Thomson à Taiwan en 1991. Ce mandat, qui vaut mise en examen a été délivré pour « tentative d'escroquerie » au préjudice du groupe d'industrie électronique. Il s'agit du quatrième mandat d'arrêt international visant Alfred Sirven, en fuite depuis trois ans.



par Clarisse  Vernhes

Article publié le 09/10/2000