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Serbie

La tortueuse cohabitation yougoslave

Faute de majorité parlementaire, le nouveau président de la Fédération yougoslave doit composer avec les élus du parti de Slobodan Milosevic. Les tractations en coulisses vont bon train.
La classe politique yougoslave n'en finit plus de se complaire dans les combines byzantines. A peine un accord sur la constitution d'une gouvernement provisoire de coalition a-t-il été conclu, lundi après-midi, au niveau de la République de Serbie, que les négociations sur la constitution du gouvernement fédéral yougoslaves ont été interrompues. La constitution prévoit que, si le Président fédéral est serbe, son Premier ministre doit être monténégrin. Or, au Monténégro, seul le Parti socialiste populaire (SNP) a pris part au scrutin du 24 septembre, obtenant donc les 50 sièges de députés au Parlement fédéral qui reviennent à la petite république.

Dès avant le scrutin, Vojislav Kostunica avait indiqué qu'en cas de victoire, il choisirait un dirigeant du SNP comme Premier ministre. Il y a quelques semaines encore, le SNP était un fidèle allié de Slobodan Milosevic, mais ses dirigeants avaient indiqué, au lendemain du 24 septembre, qu'ils pourraient se rallier au nouveau Président. Un accord semblait donc possible, et l'enjeu était de taille pour Vojislav Kostunica, puisque les 50 députés monténégrins détiennent la clé de la majorité parlementaire fédérale. La liste de l'Opposition démocratique (DOS) a devancé celle du Parti socialiste (SPS) en Serbie, mais sans que la DOS ne puisse obtenir, à elle seule, la majorité au sein de l'assemblée fédérale.

Les alliés de Milosevic font monter les enchères

Vojislav Kostunica et la DOS étaient donc prêts à s'entendre avec le SNP, à la seule condition que Momir Bulatovic, président du parti et Premier ministre fédéral sortant, recherché par le Tribunal pénal international de La Haye, ne soit pas reconduit dans sa charge. On évoquait beaucoup, ces derniers jours, les noms des deux vice-présidents du SNP, Predrag Bulatovic et Zoran Zizic, moins compromis avec l'ancien régime et jouissant d'une réputation de souplesse politique. Zoran Zizic a fixé lundi une première condition: si la charge de Premier ministre revient au SNP, c'est à celui-ci, et à lui seul, de désigner son candidat.

Mardi, le SNP a encore fait monter les enchères en exigeant un gouvernement fédéral de coalition, incluant le SPS de Slobodan Milosevic, condition inacceptable pour la DOS, qui semble prête à aller jusqu'au bout du bras-de-fer, en rappelant que, si aucun gouvernement n'est formé dans un délais de 90 jours après l'élection du Parlement, de nouvelles élections doivent être convoquées. D'ici là, le SNP pourrait toutefois s'entendre avec le SPS pour former un gouvernement qui serait majoritaire devant le Parlement, contraignant Vojislav Kostunica à une inconfortable situation de cohabitation. Momir Bulatovic a mis en garde, mardi après-midi, au nom du SNP : "de nouvelles élections signifieraient la fin de la Yougoslavie, car aucun parti monténégrin n'y prendrait part".

Paradoxalement, l'intransigeance du SNP pourrait profiter au Président monténégrin Milo Djukanovic. En boycottant le scrutin du 24 septembre, celui-ci s'est interdit de peser directement sur les évolutions politiques yougoslaves. Mais si la porte est fermée du côté du SNP, Vojislav Kostunica sera contraint de passer sous les fourches caudines des exigences monténégrines. Pour Milo Djukanovic et ses partisans, seul un " partenariat " entre les Républiques de Serbie et du Monténégro est envisageable, en lieu et place de l'actuelle Fédération. Mardi après-midi, Vojislav Kostunica et Milo Djukanovic se sont rencontrés à Podgorica, la capitale du Monténégro. Les stratégies politiques compliquées des leaders monténégrins finiront peut-être par venir à bout d'une Fédération moribonde.



par A Belgrade, Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 17/10/2000