Serbie
Le «pèlerinage» contesté de Kostunica
Le président fédéral yougoslave Vojislav Kostunica devra-t-il de commettre son premier faux pas diplomatique à un poète mort voilà 57 années ?
De notre correspondant en Yougoslavie
Originaire de Trebinje, en Herzégovine, opposant de toujours à la Yougoslavie, en laquelle il voyait «le plus grand malheur du peuple serbe», Jovan Ducic avait pris fait et cause pour la cause nationaliste tchétnik durant la Seconde Guerre mondiale, malgré son exil aux Etats-Unis. Avant de mourir, en 1943, le poète avait exprimé le souhait d'être inhumé dans son pays natal, mais le retour des restes de ce nationaliste serbe n'aurait guère été bien vu à l'époque de Tito. La guerre en Bosnie-Herzégovine devait, par la suite, encore empêcher la réalisation de ce projet. Un riche homme d'affaire américain d'origine serbe a financé le rapatriement des restes du poète, qui sera inhumé dimanche dans sa commune natale.
Depuis l'arrivée de la dépouille mortelle jeudi après-midi à l'aéroport, les médias serbes donnent le plus grand écho à l'événement, présenté comme une «réconciliation du peuple serbe avec sa culture et son histoire», par-delà «l'épisode» communiste que la chute de Slobodan Milosevic aurait enfin achevé. Une veillée d'hommage a été organisé jeudi soir dans la capitale, le patriarche de l'Eglise serbe orthodoxe, Mgr Pavle, a célébré une première liturgie vendredi matin, et la dépouille a pris la route du Monténégro, où des offices doivent être célébrés, samedi, à Podgorica et dans le monastère d'Ostrog, près de Niksic. Ce rallye commémoratif s'achèvera dimanche à Trebinje, en présence de nombreux intellectuels, du patriarche Pavle et du président Kostunica.
Le débat politique se radicalise en Bosnie-Herzégovine
Trebinje, en Herzégovine orientale, fait partie de la République serbe, l'une des deux «entités» qui constituent la Bosnie-Herzégovine depuis les accords de Dayton. Durant la guerre de 1992-1995, la ville a été entièrement «nettoyée» de sa population musulmane, les vieilles mosquées rasées. Les autorités bosniaques ont donc réagi vigoureusement à la visite du président yougoslave, qui ne leur avait pas été officiellement notifiée. Vojislav Kostunica n'a répondu que très tardivement aux mises en cause formulées par le conseiller diplomatique de la présidence bosniaque, Mirza Hajric. Dans une lettre adressée vendredi après-midi au ministre bosniaque des Affaires étrangères, Jadranko Prlic, le président yougoslave a expliqué que sa visite aurait un caractère rigoureusement privé, culturel et religieux, et ne saurait remettre en cause les relations futures entre la Bosnie-Herzégovine et la Yougoslavie. Cette précision a été rendue publique après une rencontre, à Belgrade, entre Vojislav Kostunica et Wolfgang Petritsch, le haut représentant international en Bosnie.
Même si un incident diplomatique majeur parvient, au final, à être évité, le déplacement de Vojislav Kostunica ne manquera pas de rappeler que le nouveau président a toujours été partisan de l'union des «terres serbes», et qu'il pourrait être tenté d'effectuer une lecture très spécieuse des accords de Dayton, en insistant sur les « relations privilégiées » qui doivent unir la République serbe et la Fédération yougoslave. La fine fleur de l'intelligentsia nationaliste serbe a prévu de faire le pèlerinage de Trebinje. Ces mêmes intellectuels soutenaient, il y a dix ans, le nationalisme de Slobodan Milosevic, et beaucoup d'entre eux croient avoir trouvé, en Vojislav Kostunica, un nouveau «sauveur du peuple serbe». Les cérémonies de Trebinje ont déjà provoqué une forte radicalisation du débat politique en Bosnie-Herzégovine, à quelques semaines des élections générales du 15 novembre, décisives pour l'avenir du pays.
Originaire de Trebinje, en Herzégovine, opposant de toujours à la Yougoslavie, en laquelle il voyait «le plus grand malheur du peuple serbe», Jovan Ducic avait pris fait et cause pour la cause nationaliste tchétnik durant la Seconde Guerre mondiale, malgré son exil aux Etats-Unis. Avant de mourir, en 1943, le poète avait exprimé le souhait d'être inhumé dans son pays natal, mais le retour des restes de ce nationaliste serbe n'aurait guère été bien vu à l'époque de Tito. La guerre en Bosnie-Herzégovine devait, par la suite, encore empêcher la réalisation de ce projet. Un riche homme d'affaire américain d'origine serbe a financé le rapatriement des restes du poète, qui sera inhumé dimanche dans sa commune natale.
Depuis l'arrivée de la dépouille mortelle jeudi après-midi à l'aéroport, les médias serbes donnent le plus grand écho à l'événement, présenté comme une «réconciliation du peuple serbe avec sa culture et son histoire», par-delà «l'épisode» communiste que la chute de Slobodan Milosevic aurait enfin achevé. Une veillée d'hommage a été organisé jeudi soir dans la capitale, le patriarche de l'Eglise serbe orthodoxe, Mgr Pavle, a célébré une première liturgie vendredi matin, et la dépouille a pris la route du Monténégro, où des offices doivent être célébrés, samedi, à Podgorica et dans le monastère d'Ostrog, près de Niksic. Ce rallye commémoratif s'achèvera dimanche à Trebinje, en présence de nombreux intellectuels, du patriarche Pavle et du président Kostunica.
Le débat politique se radicalise en Bosnie-Herzégovine
Trebinje, en Herzégovine orientale, fait partie de la République serbe, l'une des deux «entités» qui constituent la Bosnie-Herzégovine depuis les accords de Dayton. Durant la guerre de 1992-1995, la ville a été entièrement «nettoyée» de sa population musulmane, les vieilles mosquées rasées. Les autorités bosniaques ont donc réagi vigoureusement à la visite du président yougoslave, qui ne leur avait pas été officiellement notifiée. Vojislav Kostunica n'a répondu que très tardivement aux mises en cause formulées par le conseiller diplomatique de la présidence bosniaque, Mirza Hajric. Dans une lettre adressée vendredi après-midi au ministre bosniaque des Affaires étrangères, Jadranko Prlic, le président yougoslave a expliqué que sa visite aurait un caractère rigoureusement privé, culturel et religieux, et ne saurait remettre en cause les relations futures entre la Bosnie-Herzégovine et la Yougoslavie. Cette précision a été rendue publique après une rencontre, à Belgrade, entre Vojislav Kostunica et Wolfgang Petritsch, le haut représentant international en Bosnie.
Même si un incident diplomatique majeur parvient, au final, à être évité, le déplacement de Vojislav Kostunica ne manquera pas de rappeler que le nouveau président a toujours été partisan de l'union des «terres serbes», et qu'il pourrait être tenté d'effectuer une lecture très spécieuse des accords de Dayton, en insistant sur les « relations privilégiées » qui doivent unir la République serbe et la Fédération yougoslave. La fine fleur de l'intelligentsia nationaliste serbe a prévu de faire le pèlerinage de Trebinje. Ces mêmes intellectuels soutenaient, il y a dix ans, le nationalisme de Slobodan Milosevic, et beaucoup d'entre eux croient avoir trouvé, en Vojislav Kostunica, un nouveau «sauveur du peuple serbe». Les cérémonies de Trebinje ont déjà provoqué une forte radicalisation du débat politique en Bosnie-Herzégovine, à quelques semaines des élections générales du 15 novembre, décisives pour l'avenir du pays.
Article publié le 21/10/2000