Serbie
Kostunica en Bosnie<br>
Le nouveau président yougoslave, Vojislav Kostunica, se rendra à Moscou dans les prochains jours. Ce sera la troisième visite de Kostunica à l'étranger après son passage à Biarritz à l'occasion du sommet de l'Union européenne et son déplacement ce dimanche en Bosnie-Herzégovine.
Pour la première fois depuis 1992, un président fédéral yougoslave s'est rendu à Sarajevo. Vojislav Kostunica a eu de brefs entretiens avec des représentants du gouvernement bosniaque, confirmant sa volonté de veiller au respect des accords de Dayton, qui avaient mis fin à la guerre à l'automne 1995. Les pressions des diplomaties occidentales sont sûrement pour beaucoup dans cette visite événement, alors que le nouveau président yougoslave n'avait l'intention que de se rendre à Trebinje, en Herzégovine orientale, un fief des nationalistes serbes, pour participer aux cérémonies marquant le retour des restes du poète Jovan Ducic. A Sarajevo, beaucoup ont trouvé que la visite de Vojislav Kostunica avait été bien brève, en regrettant que le président ne trouve pas les mots d'excuse que beaucoup de Bosniaques attendaient. Par contre, à Trebinje, la fête a été réussie.
Des milliers de fidèles venus des régions serbes de Bosnie, mais aussi du Monténégro voisin et de Serbie avaient fait le pèlerinage de Trebinje, ainsi que le gouvernement de la République serbe de Bosnie au grand complet, de nombreux intellectuels et académiciens de Belgrade. Le patriarche de l'Eglise serbe orthodoxe, Mgr Pavle, a présidé les cérémonies et célébré la liturgie dans une nouvelle église construite sur les hauteurs qui dominent Trebinje. L'édifice est une copie en miniature du célèbre sanctuaire de Gracanica, au Kosovo. Le président Vojislav Kostunica a salué Liljana Karadzic, l'épouse de l'ancien leader des Serbes de Bosnie, recherché par la justice internationale. La visite du président yougoslave risque ainsi d'être perçue comme un geste de soutien aux courants serbes les plus nationalistes, à quelques jours des élections générales prévues en Bosnie le 15 novembre. Les sondages laissent prévoir une victoire des formations nationalistes, notamment en République serbe, et les cérémonies de Trebinje risquent d'entraîner une vive radicalisation du débat pré-électoral en Bosnie.
"Ici, c'est une ville serbe"
« Cette cérémonie est l'événement le plus important dans l'histoire de notre ville depuis la fin de la guerre», s'exclame Dusko, un commerçant de Trebinje. «Jovan Ducic avait, le premier, dénoncé l'illusion yougoslave, qui ne pouvait apporter que des souffrances au peuple serbe. Avec Vojislav Kostunica, une ère nouvelle va commencer : nous n'aurons plus honte d'être serbes». Beaucoup des intellectuels qui se sont retrouvés à Trebinje soutenaient Slobodan Milosevic lorsque celui-ci exaltait le nationalisme. Ils sont désormais convaincus d'avoir trouvé en Vojislav Kostunica un nouveau prétendant au titre de « sauveur du peuple serbe ». Croyant orthodoxe convaincu, le nouveau président yougoslave entend effectivement se poser en défenseur du srpsto, la mythique unité du peuple serbe, une attitude qui n'est pas forcément compatible avec ses obligations internationales.
Toute la journée, les marchands d'icônes et de littérature pieuse ont fait des affaires en or à Trebinje. A côté d'£uvres du poète Ducic, l'un d'eux propose une traduction du Protocole des sages de Sion, et des ouvrages dénonçant la « menace maçonique ». Quatre soldats de l'armée de République serbe aident à installer un stand, à l'emplacement précis où se dressait autrefois une mosquée du XVIIIe siècle, détruite en 1992. La population musulmane de Trebinje a, en effet, été systématiquement expulsée dès les débuts de la guerre. Sur la façade d'un immeuble du centre-ville, un graffiti rappelle : « ici, c'est une ville serbe. Est-ce que c'est clair ? » Nul ne saurait effectivement en douter.
Des milliers de fidèles venus des régions serbes de Bosnie, mais aussi du Monténégro voisin et de Serbie avaient fait le pèlerinage de Trebinje, ainsi que le gouvernement de la République serbe de Bosnie au grand complet, de nombreux intellectuels et académiciens de Belgrade. Le patriarche de l'Eglise serbe orthodoxe, Mgr Pavle, a présidé les cérémonies et célébré la liturgie dans une nouvelle église construite sur les hauteurs qui dominent Trebinje. L'édifice est une copie en miniature du célèbre sanctuaire de Gracanica, au Kosovo. Le président Vojislav Kostunica a salué Liljana Karadzic, l'épouse de l'ancien leader des Serbes de Bosnie, recherché par la justice internationale. La visite du président yougoslave risque ainsi d'être perçue comme un geste de soutien aux courants serbes les plus nationalistes, à quelques jours des élections générales prévues en Bosnie le 15 novembre. Les sondages laissent prévoir une victoire des formations nationalistes, notamment en République serbe, et les cérémonies de Trebinje risquent d'entraîner une vive radicalisation du débat pré-électoral en Bosnie.
"Ici, c'est une ville serbe"
« Cette cérémonie est l'événement le plus important dans l'histoire de notre ville depuis la fin de la guerre», s'exclame Dusko, un commerçant de Trebinje. «Jovan Ducic avait, le premier, dénoncé l'illusion yougoslave, qui ne pouvait apporter que des souffrances au peuple serbe. Avec Vojislav Kostunica, une ère nouvelle va commencer : nous n'aurons plus honte d'être serbes». Beaucoup des intellectuels qui se sont retrouvés à Trebinje soutenaient Slobodan Milosevic lorsque celui-ci exaltait le nationalisme. Ils sont désormais convaincus d'avoir trouvé en Vojislav Kostunica un nouveau prétendant au titre de « sauveur du peuple serbe ». Croyant orthodoxe convaincu, le nouveau président yougoslave entend effectivement se poser en défenseur du srpsto, la mythique unité du peuple serbe, une attitude qui n'est pas forcément compatible avec ses obligations internationales.
Toute la journée, les marchands d'icônes et de littérature pieuse ont fait des affaires en or à Trebinje. A côté d'£uvres du poète Ducic, l'un d'eux propose une traduction du Protocole des sages de Sion, et des ouvrages dénonçant la « menace maçonique ». Quatre soldats de l'armée de République serbe aident à installer un stand, à l'emplacement précis où se dressait autrefois une mosquée du XVIIIe siècle, détruite en 1992. La population musulmane de Trebinje a, en effet, été systématiquement expulsée dès les débuts de la guerre. Sur la façade d'un immeuble du centre-ville, un graffiti rappelle : « ici, c'est une ville serbe. Est-ce que c'est clair ? » Nul ne saurait effectivement en douter.
par A Trebinje, Jean-Arnault Dérens
Article publié le 23/10/2000