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Immigration

Le dilemme des clandestins

En deux nuits, plus de 500 sans-papiers ont été arrêtés en Andalousie, à l'extrême-sud de la péninsule ibérique. Depuis le début de l'année, l'Espagne doit faire face à une vague d'immigration clandestine sans précédent.
Ils viennent du Maroc ou encore d'Afrique sub-saharienne et ont décidé de quitter leur pays. Immigrants clandestins, ils prennent la direction de l'Espagne dans l'espoir d'y trouver une vie meilleure. Depuis le début de la semaine, des centaines d'hommes et de femmes sont ainsi venus s'échouer sur les plages andalouses, passage obligée des clandestins en provenance d'Afrique. Mais la plupart du temps, le voyage tourne court. Impossible d'aller plus loin, la police est sur ses gardes.

Dans la nuit de mardi à mercredi, 104 immigrants ont ainsi été interceptés par la garde civile espagnole. La veille, 415 clandestins avaient déjà été interpellés alors qu'ils venaient juste de débarquer, épuisés par un voyage éprouvant. Jamais la police n'avait arrêté autant de monde en une journée.

Pourtant, ces arrestations n'ont désormais rien d'exceptionnel. En neuf mois, les policiers ont arrêté plus de 10 000 clandestins. Ce chiffre est près de deux fois supérieur au bilan de l'année 1999. 5 492 immigrants avaient alors été interpellés. Et les conditions de passage de l'Afrique vers l'Espagne sont toujours aussi dramatiques. Plus de soixante personnes ont trouvé la mort en tentant de traverser le détroit de Gibraltar contre vingt et une l'an dernier.

Le jeu des mafias

En un an, les données de l'immigration clandestine ont donc changé. Les autorités espagnoles doivent faire face à un phénomène nouveau, l'arrivée massive de ressortissants en provenance de l'Afrique sub-saharienne. En 1999, seules 142 personnes de cette origine avaient été interpellées. Mais cette année, la police a déjà procédé à 2 234 arrestations de ce type. Cependant, la majorité des clandestins est toujours d'origine marocaine. La région d'Algésiras, qui fait face aux côtes marocaines, est d'ailleurs la plus touchée par le phénomène. Et pour tous ces immigrés, l'Espagne n'est qu'une escale, le temps d'être identifiés par les services de police. En deux jours seulement, près de la moitié des personnes interpellées lundi ont ainsi été renvoyée vers le Maroc.

Pour le préfet d'Andalousie, l'afflux de clandestins d'origine sub-saharienne n'est pas un hasard. Pour lui, les mafias en sont responsables. José Torres Hurtado explique en effet qu'elles profitent des textes régissant l'immigration et de la porosité des frontières marocaines pour attirer les immigrants. Pourtant, le gouvernement de José Maria Aznar a récemment durci les lois sur l'immigration. Les modalités d'expulsion ont été facilitées par la mise en place de nouvelles dispositions. Dans le même temps, les sans-papiers doivent désormais passer un minimum de cinq ans en Espagne pour être régularisés. Auparavant, cette période s'étalait sur deux ans.

L'Espagne doit donc faire face à un véritable problème de société. Déjà, en février, de graves émeutes racistes avaient secoué la région d'El Ejido, au sud du pays. Fin septembre, 157 sans papiers avaient entamé une grève de la faim à Almeria et Ceuta, deux villes également situées dans le sud. C'est d'ailleurs dans cette situation explosive que Mgr Gaillot, l'évêque français célèbre pour ses interventions en faveur des sans papiers, s'est rendu à Almeria ce mardi. Il comptait s'entretenir avec 59 clandestins réfugiés dans une église de la ville. Mais la police l'a empêché de pénétrer à l'intérieur du lieu saint.



par Michel  KHELIFA

Article publié le 06/10/2000