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Burkina Faso

Un nouveau gouvernement <br>pour juguler la crise

Le nouveau gouvernement burkinabé pourra-t-il sortir le pays de la crise politique et sociale qu'il traverse depuis deux ans ? C'est l'objectif que s'est fixé Ernest Paramanga Yonli, nommé Premier ministre le 6 novembre 2000 en remplacement de Kadré Désiré Ouédraogo. En ouvrant son cabinet à plusieurs partis d'opposition, il entend marquer sa volonté de dialogue. Mais sa tâche s'annonce difficile.
De notre correspondant au Burkina Faso

C'est une équipe de trente-six membres dont un tiers est composé de personnalités de l'opposition. Qualifié de «large ouverture», ce gouvernement est formé de huit partis politiques dont cinq de l'opposition, avec à leur tête l'Alliance pour la démocratie et la Fédération-Rassemblement démocratique africain(ADF-RDA, libéral) de maître Hermann Yaméogo. On note aussi l'entrée d'un second parti sankariste et le maintien des Verts.

Le Premier ministre Ernest Yonli a signé avec les formations prenant part au gouvernement un protocole d'accord pour rechercher ensemble les solutions à la crise politique et sociale que traverse le Burkina. Comme le reconnaît cet accord, la vie nationale au Burkina reste, deux ans après l'assassinat du journaliste Norbert Zongo, encore marquée par une vive tension «avec des conséquences négatives sur la société et l'économie.» Certes, le procès David Ouédraogo, du nom du chauffeur du frère du président Compaoré, a été clôturé en août dernier et les élections municipales sujettes à polémiques ont pu se dérouler en septembre. Mais la tension persiste. La principale affaire qui a déclenché la crise n'ayant pas particulièrement bougé depuis l'enquête d'une commission indépendante qui avait mis en cause des éléments de la garde présidentielle. Pas plus que les autres dossiers de crimes politiques sortis récemment des tiroirs. En février 2000, une commission mise en place par le gouvernement avait dénombré environ 75 crimes de sang, depuis l'indépendance du pays, ayant un lien avec la violence politique. Le dialogue entamé par le pouvoir l'année dernière avec le Collectif contre l'impunité -qui regroupe des associations de droits de l'homme, syndicats et partis politiques pour réclamer justice- a été brutalement rompu en juin 2000. Conséquencesß: le processus de réconciliation nationale préconisé en août 1999 par un collège de sages est grippé et toutes les réformes politiques et institutionnelles entreprises par le pouvoir sont rejetées par l'opposition.

Apaiser la crise sociale

La principale tâche du nouveau gouvernement sera donc de rechercher un consensus en renouant les ponts avec cette organisation qui s'impose comme le principal interlocuteur dans la crise actuelle. C'est d'ailleurs l'un des points d'accord du protocole qui précise que «le gouvernement travaillera à consolider le dialogue social avec l'opposition et la société civileß: mouvements associatifs et syndicats.» Et sans doute pour donner des signes de sa bonne foi, la nouvelle équipe s'engage également à accélérer le traitement des dossiers judiciaires en cours.

Mais le premier défi qui attend Ernest Yonli et son cabinet c'est d'apaiser au plus vite la vive tension sociale créée récemment par la fermeture totale de l'université de Ouagadougou et l'invalidation de l'année 1999-2000. Ces décisions prises le 6 octobre dernier en conseil des ministres à la suite de cinq mois de grève des étudiants pour des revendications sociales, sont sévèrement critiquées par l'opinion. Enseignants, étudiants et élèves ont depuis formé une «union sacrée» contre le pouvoir. Ils multiplient grèves et manifestations dans les lycées et collèges. Le Collectif contre l'impunité dont la majorité des militants sont étudiants a décrété de son côté des «vendredis noirs» (c'est-à-dire des journées sans cours dans les établissements secondaires) pour tout le mois de novembre pour protester contre la décision gouvernementale. La réforme en cours de l'université, décidée en même temps que la fermeture, est déjà rejetée par les syndicats d'enseignants. Bref, le gouvernement doit gérer plusieurs conflits alors qu'il ne lui reste pas assez de temps avant la rentrée universitaire 2000-2001, fixée au 1er décembre. Après avoir utilisé la manière forte, il reste à rechercher, selon les termes du protocole d'accord, les «conditions d'apaisement en vue de la réouverture de l'Université» dans les plus brefs délais.

Comme il l'avait souligné lui même dans ses premières déclarations, beaucoup de tâches urgentes attendent le nouveau Premier ministre et son gouvernement. Il reste à s'interroger sur leurs chances de succès d'autant que l'ouverture à l'opposition n'est pas aussi large qu'il paraît. La principale formation d'opposition, le Parti pour la démocratie et le progrès (PDP, social-démocrate), faute d'accord avec le pouvoir, a refusé tout fauteuil. Aucune autre formation membre du Collectif contre l'impunité ne figure non plus dans le nouveau gouvernement.



par Alpha  Barry

Article publié le 13/11/2000