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Balkans

Kostunica hausse le ton

Les gouvernements de Yougoslavie et de Serbie se sont réunis samedi à Bujanovac dans le sud de la Serbie, en présence du président yougoslave Vojislav Kostunica. Une réunion inhabituelle pour un geste à double portée : demander à l'ONU de prendre ses responsabilités face à une guérilla albanaise de plus en plus offensive dans la zone tampon démilitarisée mais aussi rassurer la population serbe.


Les autorités yougoslaves haussent le ton face à la guérilla séparatiste albanaise qui se développe dans trois communes du sud de la Serbie, limitrophes du Kosovo et au peuplement majoritairement albanais - Presevo, Bujanovac et Medvedja.

Les combattants d'une «Armée de libération» de ces trois communes (UCPMB), émanation directe de l'Armée de libération du Kosovo (UCK), officiellement dissoute depuis un an, contrôlent depuis fin novembre 200 km2 de zone montagneuse, aux abords de la frontière administrative avec le Kosovo, et multiplient les opérations contre les unités de la police serbe.

L'UCPMB affirme se battre pour le rattachement de ces trois communes à un Kosovo appelé, selon elle, à devenir indépendant.

Dans le même temps, la population serbe de la région, inquiète pour sa sécurité, dresse depuis une semaine des barrages routiers dans le sud du pays, en dénonçant l'absence de fermeté du gouvernement de Belgrade. Le Parti socialiste de Serbie (SPS) de l'ancien président de la République Slobodan Milosevic, qui compte quelques uns de ces derniers bastions dans le sud du pays, exploite ce ressentiment de la population serbe locale, à moins d'une semaine des élections législatives anticipées du 23 décembre.

La ville de Presevo ne se trouve qu'à quelques kilomètres de l'autoroute menant vers la Macédoine, un axe de circulation majeur pour la Serbie.

Samedi, le gouvernement fédéral yougoslave et le gouvernement de Serbie se sont réunis en séance conjointe exceptionnelle, en présence du président Vojislav Kostunica, pour «exiger du Conseil de sécurité de l'ONU de prendre dans les plus brefs délais des mesures pour le retrait urgent des terroristes albanais de la zone de sécurité terrestre» - c'est-à-dire du no man's land imposé par l'OTAN en 1999, qui sépare sur une largeur de 5 km le Kosovo du reste de la Serbie. «Dans le cas contraire, ajoute la déclaration, la République fédérale de Yougoslavie fera valoir son droit légal et légitime de résoudre le problème en recourant aux mesures autorisées sur le plan international pour la lutte contre le terrorisme».
Cette initiative spectaculaire avait pour but de convaincre l'opinion serbe que le gouvernement ne reste pas inactif, et de démontrer à la communauté internationale l'unanimité qui règnerait dans la classe politique serbe sur ce dossier, dont le Conseil de sécurité de l'Onu doit débattre mardi, sur requête yougoslave.

Renforcement des Albanais modérés au Kosovo

En réalité, la nouvelle majorité serbe est loin de parler d'une même voix, le président du Parti démocratique, Zoran Djindjic exigeant une résolution rapide du problème, au risque de faire de la surenchère sur le président Kostunica.

En faisant de la sorte appel aux Nations Unies, les autorités yougoslaves attendent surtout que les militaires internationaux de la KFOR bloquent, depuis le Kosovo, les accès à la zone contrôlée par les guérilléros. La guérilla contrôle en effet depuis le 21 novembre la route menant de Bujanovac au Kosovo, via le poste frontalier de Konculj, inaccessible aux Serbes. Face aux partisans d'une réaction policière ou militaire d'envergure, qui pourrait déclencher un important exode de civils, le président Kostunica préfère amener la communauté internationale à prendre ses responsabilités, tout en proposant à la population albanaise des avancées juridiques et un programme de développement économique.

La nomination du modéré Nebojsa Covic, un dirigeant de la nouvelle majorité serbe bien perçu par les Albanais, comme représentant spécial du gouvernement dans la zone, est un geste encourageant, mais nombreux sont ceux, Albanais aussi bien que Serbes, qui peuvent être tenté de jouer la carte de l'escalade, afin de déstabiliser Vojislav Kostunica.





par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 19/12/2000