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Algérie

<i>«Les terroristes ont le dos au mur»</i>

Au moment où le Ramadan s'achève, plus de 300 personnes ont été assassinées en Algérie depuis le début du mois de jeûne, selon un premier bilan établi par la presse. Par ailleurs celle-ci s'insurge contre le comportement d'un ancien terroriste amnistié qui a porté plainte contre un quotidien pour avoir dénoncé les effets pervers de la politique de «concorde nationale» de Bouteflika. Mais, pour le gouvernement algérien, la situation s'est améliorée «de manière incontestable».
Le gouvernement algérien est sorti de son silence. Pour la première fois depuis le week-end sanglant des 16 et 17 décembre derniers, le ministre de l'intérieur Yazid Zerhouni a affirmé lundi 25 décembre que l'Etat était déterminé «à combattre les groupes terroristes qui persistent encore dans leurs actes criminels» et «se comportent en sauvages». Tout en estimant que la situation sécuritaire s'était améliorée «de manière incontestable», selon l'agence de presse officielle (APS), depuis l'arrivée au pouvoir d'Abdelaziz Bouteflika, il y a dix-huit mois. «La situation actuelle montre que ces terroristes ont le dos au mur et mènent des actions défensives. Les actions criminelles visent à faire desserrer l'étau sur les groupes terroristes et nous obliger à ramener l'essentiel des forces de sécurité vers les centres urbains», a-t-il précisé.

Alors que le Ramadan s'achève, plus de 300 personnes ont été tuées en Algérie en un mois, ce qui explique le bilan plutôt optimiste établi par le ministre de l'intérieur : les années précédentes, en effet, les morts se comptaient par milliers durant le mois de jeûne. «Les opérations terroristes et criminelles visent également l'impact médiatique spectaculaire. Mais tout cela n'est que la manifestation des difficultés que rencontrent ces groupes», a ajouté le ministre algérien, avant de démentir la rumeur selon laquelle le président Bouteflika aurait fait l'objet d'une tentative d'attentat. Selon lui, cette fausse information s'inscrivait dans le cadre d'une «action visant à déstabiliser le pays au plan interne et déclassifier l'Algérie dans sa position internationale». «Il est incontestable- a-t-il conclu -que depuis l'élection du président Bouteflika à la magistrature suprême, l'Algérie a réoccupé des espaces sur le plan international. Il ne faut pas être sorcier pour le comprendre et il n'y a pas d'innocence dans le tapage avec lequel cette fausse information a été colportée».

«Le culot du bourreau terroriste»

Cette prise de position polémique intervient au moment où de nombreux médias privés algériens s'insurgent contre Ahmed Neanaïcha, un ancien «émir» islamiste amnistié, qui avait dirigé l'un des maquis les plus redoutés de l'ouest algérien, contrôlé par l'AIS, la branche armée du FIS. Benaïcha avait profité de la politique de «concorde nationale» prônée par Bouteflika, et s'était rendu après avoir été condamné à mort par contumace pour assasinat de policiers, de gendarmes et de civils dans la région de Chlef (200 km à l'ouest d'Alger). Amnistié en janvier, en compagnie de quelque 1.500 autres combattants, il vient de porter plainte contre le directeur d'un important quotidien, El Khabar, s'estimant diffamé par un article intitulé : «Le terrorisme et le butin des émirs de guerre».

Dans cet article on pouvait lire notamment que «la décennie du terrorisme barbare n'a pas laissé que des victimes, veuves et orphelins. Cette sale guerre a produit des centaines de riches qui investissent les butins récoltés à travers le racket et le vol des biens publics et privés». Ahmed Benaicha s'est d'autant plus senti directement mis en cause que cet article était illustré par une photo le montrant en train de manipuler un pistolet-mitrailleur.

La presse algérienne a aussitôt tiré la sonnette d'alarme et parlé de «dérapage dangereux» des effets secondaires de la politique officielle de réconciliation nationale. Le directeur du quotidien mis en cause, Ali Djerri, s'est dit «choqué de voir qu'un grand terroriste très connu en Algérie» ait pu le traduire en justice, alors que lui-même a été victime d'un attentat en 1992 à Constantine. Pour le quotidien El Watan, «c'est le monde à l'envers». Dans un article intitutlé «le culot du bourreau», il écrit : «un sinistre criminel qui aurait dû être, dans un état normalement constitué, condamné à mort et passé par les armes ou pour le moins croupir dans une prison pour le restant de ses jours, ose attaquer en justice un journal qui a écrit sur le terrorisme islamiste. L'information donne le vertige». Quant au Matin, sous le titre «l'incroyable audace d'un assassin», il affirme : Oui, Benaïcha a osé. Benaîcha est et restera, lui et ses acolytes, un violeur et un égorgeur d'enfants».



par Elio  Comarin

Article publié le 26/12/2000