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Balkans

Les « esclaves du sexe » de l'OTAN

On les appelle les esclaves du Kosovo. Elles sont le plus souvent Moldaves, Ukrainiennes, Bulgares ou Roumaines. La forte présence internationale dans la province serbe donne encore plus d'ampleur au trafic de femmes contraintes à la prostitution.
>Tana de Zulueta, auteur d'un rapport sur la prostitution dans les Balkans, 7'56

La télévision allemande ARD a diffusé dimanche 17 décembre un document sur les réseaux de prostitution au Kosovo. Une jeune Bulgare de 16 ans a raconté avoir été vendue à un bordel de Tetovo, dans le sud de la province.

Jusque-là, rien de vraiment étonnant. L'existence de réseaux de prostitution, tenus par des Albanais, et impliquant des jeunes femmes de toute l'ancienne zone d'influence soviétique préoccupe d'ailleurs l'OSCE, l'Office international des migrations et diverses ONG qui se spécialisent dans le rapatriement des jeunes femmes. Le phénomène est apparu au Kosovo depuis l'arrivée des 40000 soldats de la force multinationale de paix (KFOR) et des milliers d'employés de la Mission des Nations Unies (MINUK).

Le document devient polémique lorsque la jeune fille raconte que des centaines de soldats allemands ont fait partie de ses clients. Dans ce même film, un soldat allemand de la KFOR a reconnu avoir fréquenté la maison close de Tetovo et avoir été le client de la jeune fille, mineure. Le ministre allemand de la défense n'a pas confirmé ces informations mais dit être au courant d'un problème général de prostitution dans les Balkans.

Le trafic de femmes, dans tout ce qu'il a de plus violent, prend une grande ampleur dans les Balkans. L'apparition subite de ce problème, directement liée à l'arrivée d'une clientèle masculine, occidentale et riche a même conduit l'OIM, Organisation Internationale pour les Migrations, à lancer en mai 2000 une campagne de sensibilisation en direction des membres de la communauté internationale au Kosovo. Le slogan : « Vous payez pour une nuit, elle paye avec sa vie ».

Des camps de préparation à la prostitution

Au Kosovo, les maisons closes et boîtes de nuit ont poussé comme des champignons. Près de 50% des victimes de ce trafic sont originaires de Moldavie. Selon l'OIM, 70% d'entre elles ne se sont jamais prostituées avant d'arriver au Kosovo. Et dans presque tous les cas elles subissent le passage par des « camps » où elles sont « préparées à la prostitution ».

Selon l'UNIFEM, organisme des Nations Unis qui s'occupe des questions relatives aux femmes, toutes les conditions existent pour que le trafic de femmes explose : population déplacée, crise économique, filières mafieuses, désir d'émigration...

Certaines femmes sont enlevées, mais les autres viennent de leur plein gré. Elles ne connaissent cependant pas les conditions dans lesquelles elles vont travailler. Leurs passeports sont confisqués. Le passeur les revend et elles tombent entre les mains de proxénètes qui leur réclament de travailler « pour payer les frais ». Certaines viennent en tant que danseuses. Un spécialiste des questions de prostitution révèle que les proxénètes « les achètent de 3000 à 4000 DM ». Selon une étude de l'OSCE, « quelques 200 000 femmes et jeunes filles sont victimes de la traite des blanches chaque année » dans les 54 Etats membres actifs de l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe.



par Laure  Hinckel

Article publié le 19/12/2000