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Serbie

Natasa Kandic : «<i>Pas de compromis sur le cas Milosevic</i>»

Directrice du Fonds du droit humanitaire, une organisation serbe de défense des droits de l'homme. Natasa Kandic défend notamment les droits des prisonniers albanais détenus en Serbie, mais aussi ceux des minorités non-albanaises du Kosovo victimes de la violence ethnique. Elle s'est entretenue, mardi 23 janvier, durant une heure et demi avec le procureur du Tribunal pénal international, Carla del Ponte.
RFI : Qu'attendez-vous de la visite de Carla del Ponte à Belgrade ?
Natasa Kandic :Ma rencontre avec Mme del Ponte a été une réunion de travail, notre but est de faciliter le travail du Tribunal pénal international (TPI) en Yougoslavie. J'attends une attitude responsable de la part des dirigeants de notre pays. Au lieu de faire le procès du travail passé du TPI, il vaudrait mieux reprendre les choses à zéro, comme si le Tribunal venait d'être créé, et définir les modalités de collaboration de notre pays avec cette instance des Nations unies. Mme del Ponte m'a clairement indiqué que tout compromis était impossible sur l'arrestation des criminels présumés recherchés par le Tribunal, et notamment Slobodan Milosevic. Nous avons également évoqué le rôle des médias, qui continuent trop souvent à présenter en termes négatifs le travail du TPI. Le ton de la radio-télévision serbe (RTS) n'a pas beaucoup changé à ce sujet depuis la chute de Slobodan Milosevic, et Mme del Ponte attend d'organisations comme la notre que nous contribuions à faire évoluer le regard de la société serbe.

RFI : Avez-vous évoqué le dossier des Albanais du Kosovo toujours détenus en Serbie?
N.K. :
Pas directement. Environ 600 personnes sont toujours détenues, dans des conditions qui ne se sont pas améliorées. Les prisonniers albanais sont systématiquement battus et maltraités dans les prisons serbes. Dans la prison centrale de Belgrade et dans celle de Sremska Mitrovica, les détenus dorment toujours sur le sol de béton. Parmi ces 600 détenus, 350 sont accusés de terrorisme, les autres «d'activités hostiles» à l'Etat. Tous les procès n'ont pas été menés à terme, mais nous attendons désormais que de nombreuses accusations de terrorisme soient requalifiées en appel par la Cour Suprême. Après cette requalification, les prisonniers pourraient bénéficier de la loi d'amnistie qui est en cours de préparation. Le président du Parlement fédéral Dragoljub Micunovic s'est fermement engagé sur l'adoption de cette loi d'amnistie. L'opinion serbe réagit mal à ce dossier, qu'elle tend à lier au sort des 1000 Serbes du Kosovo toujours portés disparus, mais le gouvernement entend bien dissocier ces deux problèmes.

RFI :Quelle est l'attitude du TPI envers les violations actuelles des droits de l'homme au Kosovo?
N.K. :
Nous avons discuté avec Mme del Ponte de la possibilité d'étendre le mandat du TPI, de manière à ce qu'il puisse se saisir des crimes commis au Kosovo depuis l'entrée des troupes internationales en juin 1999, c'est-à-dire essentiellement des violences contre les minorités non-albanaises. Pour l'instant, la compétence du Tribunal s'arrête à la fin de la guerre, en juin 1999, mais si le Tribunal pouvait aussi se saisir des violences commises contre les Serbes et les autres groupes minoritaires, comme les Roms, sa crédibilité serait grandement renforcée auprès de l'opinion serbe. Le moment est venu pour que la Serbie et la Yougoslavie révisent complètement leur attitude envers la juridiction internationale. Un éventuel échec de la visite de Mme del Ponte aurait de très lourdes conséquences politiques en Serbie.



par Propos recueillis par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 25/01/2001