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Serbie

Carla del Ponte à Belgrade

Le procureur général du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), Carla del Ponte, est arrivée mardi à Belgrade. Il y a quelques mois encore, c'était pourtant les dirigeants des pays occidentaux qui étaient symboliquement jugés en Serbie, pour avoir bombardé le pays au printemps 1999.
De notre correspondant à Belgrade

Depuis, les événements du 5 octobre ont mis fin au long règne de Slobodan Milosevic, et la «nouvelle Yougoslavie» veut à tout prix s'ouvrir sur le monde. Pourtant, le nouveau président fédéral Vojislav Kostunica n'a accepté qu'à contre-coeur de recevoir Mme Del Ponte, et n'a pas de mots assez durs pour stigmatiser la «partialité» supposée du Tribunal de La Haye.

Pour Vojislav Kostunica, la coopération avec le TPIY «n'est pas une priorité» et le président n'envisage qu'une réouverture du bureau du Tribunal à Belgrade. «Tout le reste sera examiné à la loupe, à la lumière de notre législation et de notre constitution», a-t-il récemment rappelé. Le président Kostunica s'indigne que Mme Del Ponte refuse d'ouvrir une enquête sur les bombardements de l'OTAN contre la RFY en 1999. « La révélation de l'infamie sur l'utilisation de munitions à l'uranium appauvri est une affaire grave et sera un test pour le Tribunal de La Haye », estime le président.

Que faire de Milosevic ?

Autre point de litige entre les autorités yougoslaves et le Tribunal de La Haye, le sort de Slobodan Milosevic, recherché par le TPIY. Vojislav Kostunica considère que la constitution interdit l'extradition de citoyens yougoslaves vers un Etat étranger et qu'en conséquence il est hors de question de livrer au TPIY l'ancien président Milosevic.

Cette position est loin de faire l'unanimité au sein de la nouvelle majorité serbe elle-même. Le ministre fédéral de la Justice, Momcilo Grubac, estime ainsi que le TPIY n'est pas un Etat, ce qui permettrait d'envisager une extradition, alors que les autorités du Tribunal font valoir que celui-ci a la suprématie sur les lois des Etats membres de l'ONU, qui sont tenus de modifier leur constitution pour se conformer à leurs obligations internationales. Mme Del Ponte entend communiquer au président Kostunica la liste de certaines personnalités serbes figurant sur la liste secrète des inculpés. Selon le quotidien Glas Javnosti, le chef du Parti de l'Unité serbe, une formation ultra-nationaliste qui a fait son entrée au Parlement lors des élections du 23 décembre, pourrait figurer sur cette liste. Ce dernier refuse de reconnaître aucune espèce de légitimité au TPIY.

Si l'hostilité de Vojislav Kostunica à l'égard du Tribunal de La Haye est probablement partagée par la majorité de l'opinion serbe, cette dernière a mal accueilli la récente rencontre du nouveau président yougoslave avec son prédécesseur, Slobodan Milosevic. Celui-ci aurait été reçu en tant que chef de l'opposition, mais ce geste a failli provoquer une crise grave au sein de la DOS, la nouvelle majorité serbe. Des voix de plus en plus nombreuses s'élèvent en effet pour dénoncer l'anti-occidentalisme de Vojislav Kostunica. «Le président prétend que le Tribunal de La Haye serait à la solde des USA», s'indigne ainsi le philosophe Obrad Savic, animateur du Cercle de Belgrade, un haut-lieu de la contestation intellectuelle. «Mais le le Tribunal a été créé par les Nations Unies, et si nous voulons que la Yougoslavie redevienne membre à part entière de la communauté internationale, nous devons reconnaître cette juridiction sans arrière-pensées».



par A Belgrade, Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 23/01/2001