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Serbie

La victoire des réformistes

Les alliés du président Yougoslave Vojislav Kostunica ont remporté, comme prévu, la majorité au parlement serbe. Selon les premiers résultats officiels, l'opposition démocratique (DOS) devrait obtenir 179 des 250 sièges.
De notre envoyé spécial à Belgrade

Le raz de marée annoncé en faveur de l'Opposition démocratique de Serbie (DOS) a bien eu lieu, même si, avec 65% des suffrages, la coalition favorable au nouveau président fédéral yougoslave Vojislav Kostunica se situe en dessous des pronostics. La participation relativement peu élevée - 59% des inscrits - explique en bonne partie cette prestation un peu plus faible que prévue. «Les électeurs de la DOS étaient trop assurés de la victoire, et ils ne se sont pas assez mobilisés», expliquait samedi soir un expert du CESID, l'organisme indépendant de contrôle des élections.

La DOS devrait cependant obtenir 179 des 250 sièges du parlement serbe, répartis à la proportionnelle, une majorité des deux-tiers qui lui donnera les coudées franches pour entreprendre les réformes attendues par la population. Le leader du Parti démocratique, Zoran Djindjic, devrait rapidement devenir premier ministre de la Serbie. Le Parti socialiste (SPS) de l'ancien président Slobodan Milosevic est, bien sûr, le grand perdant de la journée d'hier. Avec 13% des voix, la formation qui a dominé la Serbie durant dix ans n'obtiendrait que trente-cinq sièges dans le futur parlement. Les dirigeants du SPS ont reconnu leur défaite dès samedi soir, l'imputant aux médias, qui auraient systématiquement favorisé la DOS.

Maintien surprise de l'extrême droite

La surprise de cette journée électorale vient de la bonne tenue de l'extrême droite nationaliste, puisque le Parti radical serbe de Vojislav Seselj, longtemps allié fidèle de Slobodan Milosevic, obtient plus de 8% des suffrages et devrait disposer de trente-huit mandats dans la nouvelle assemblée, où une autre formation extrémiste, le Parti de l'unité serbe, fera également son entrée. En revanche, aucune autre force politique ne passe la barre des 5%, indispensable pour avoir des élus. Le Mouvement serbe du renouveau (SPO) de l'écrivain Vuk Draskovic, longtemps la principale formation de l'opposition serbe mais qui avait refusé de s'intégrer à la DOS, risque ainsi de disparaître de la scène politique.

Le maintien de cette coalition de dix-huit partis va désormais constituer la principale inconnue de la politique serbe. La DOS regroupe des courants idéologiques très différents, entre une aile conservatrice, très religieuse et volontiers monarchiste, et une aile démocrate de centre gauche, conduite par Zoran Djindjic, auxquelles s'ajoutent deux petites formations se réclamant de la social-democratie. «La DOS s'est constituée dans l'opposition à Slobodan Milosevic. L'unité était indispensable pour le chasser du pouvoir, analyse un journaliste belgradois. Maintenant qu'il s'agit de gouverner le pays, les choses seront différentes. La scène politique serbe devrait rapidement se recomposer, avec une opposition de gauche conduite par les partisans de Milosevic, un centre mené par Zoran Djindjic, et une droite se réclamant du président fédéral Kostunica.»

Autre risque majeur de tensions : les rivalités de pouvoir, qui ne manqueront pas de surgir entre Vojislav Kostunica et Zoran Djindjic. A la tête de la Serbie, ce dernier va désormais disposer de la réalité du pouvoir, tandis que les compétences du président fédéral sont constitutionnellement très limitées. Les relations avec le Monténégro - la petite république qui constitue, avec la Serbie, la Fédération yougoslave - constituent également un enjeu majeur. Zoran Djinjdic et le président monténégrin Milo Djukanovic risquent désormais d'avoir le même intérêt à renforcer les compétences de leurs républiques respectives, au détriment du centre fédéral. Si beaucoup d'observateurs pensent qu'un conflit ne tardera pas a devenir inévitable entre Vojislav Kostunica et Zoran Djindjic, certains se rassurent en croyant que les deux hommes ont encore pour un moment besoin l'un de l'autre. A priori, aucune échéance électorale n'est prévue avant longtemps en Serbie et la DOS doit désormais se mettre au travail.



par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 24/12/2000