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Serbie

Le parti de Milosevic menacé dans ses fiefs

Les électeurs serbes devaient confirmer, avec le vote de samedi, leur rejet du régime de Slobodan Milosevic, abattu par les journées révolutionnaires d'octobre dernier, y compris dans les fiefs traditionnels du parti de l'ancien président.
De notre envoyé spécial dans le sud de la Serbie

A la veille des élections de samedi, les sondages ne créditaient que de 10 a 15% des suffrages le Parti socialiste de Serbie (SPS) de l'ex-chef de l'Etat. Même dans ses bastions traditionnels, le SPS est menacé par le ralliement général à l'opposition démocratique (DOS) et au nouveau président fédéral Vojislav Kostunica. Le SPS a conservé le contrôle de la municipalité de Vranje, lors des élections du 24 septembre. Mais dans cette ville de 60 000 habitants, située à l'extrême sud de la Serbie, la liste de la DOS est assurée du vote des électeurs tsiganes (un dixième de la population). Pourtant, jusqu'en octobre dernier, ils votaient tous pour le Parti socialiste. «Les Rom ne peuvent pas se permettre d'être contre le pouvoir. Auparavant, nous votions pour le SPS, qui nous garantissait la sécurité et quelques emplois. Maintenant, nous allons tous voter pour la DOS», explique Mirus, un jeune Rom, qui fait partie depuis un mois de la direction locale d'un parti affilié à la DOS, alors qu'il possédait, il y a encore un mois, la carte du SPS.

Les Roms ne sont pas les seuls à avoir transféré leur allégeance politique. Dans les alentours de Vranje, le SPS contrôle toujours six des sept municipalités du district de Pcinjski, où le revenu par habitant ne s'élève qu'à un tiers du revenu moyen en Serbie. Surdulica, une agglomération de 30 000 âmes, peut prétendre, avec quelques autres, au titre de «commune la plus pauvre de Yougoslavie».

«Les cadres du SPS ne disposent pas d'une culture d'opposition»

Ici, les élus, exclusivement issus des rangs du SPS, envisagent une démission collective, en arguant que le sud est trop pauvre pour se permettre d'être dans l'opposition. «Dans le sud de la Serbie, on vote d'abord pour le pouvoir, explique le journaliste Radoman Iric, correspondant à Vranje. Maintenant que le pouvoir a changé de camp, beaucoup d'électeurs trouvent naturel de soutenir le président Kostunica.» La DOS devrait bénéficier de cet important réservoir de voix «légitimistes» sur lesquelles le SPS a pu compter durant des années. «D'ailleurs, ajoute Radoman Iric, les cadres du SPS ne disposent pas d'une culture d'opposition. Les élections de samedi vont accélérer la décomposition du parti, même dans le sud.» De fait, les défections se sont multipliées dans les rangs du SPS. Ainsi, Zoran Lilic, ancien président fédéral yougoslave, tombé en disgrâce en 1997, a créé son propre parti, en essayant de se distancier du vieil appareil discrédité. Le congrès du SPS, en novembre dernier, s'est traduit par une véritable purge dans la direction du Parti, où beaucoup d'anciens dirigeants ne sont plus visibles. A Belgrade, le nouveau siège du Parti est un immeuble fonctionnel et modeste, où plus un seul portrait de Slobodan Milosevic n'est visible.

Si le parti de Milosevic ressemble de plus en plus à une coquille vide, l'appareil d'Etat reste pourtant largement contrôlé par les hommes mis en place par l'ancien maître de Belgrade. «Jusqu'à présent, la DOS n'a eu ni le temps ni les moyens politiques de s'attaquer à cet appareil de pouvoir, et notamment à des secteurs stratégiques comme l'armée ou la police», poursuit le journaliste de Vranje. «Après les élections de samedi commencera véritablement la mise en place d'un nouveau système politique et étatique. Nous aurons enfin les moyens d'engager les réformes.»






par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 22/12/2000