Indonésie
Wahid menacé de destitution
Le Parlement indonésien se réunit ce jeudi pour décider de l'issue à donner au rapport d'une commission d'enquête portant sur deux scandales financiers qui éclaboussent le président Wahid. Moins de deux semaines après la chute du Philippin Estrada accusé de corruption, certains opposants politiques du chef de l'Etat voudraient répéter le scénario en Indonésie.
Un an et demi après son élection, le président Wahid s'apprête à vivre l'un des moments les plus délicats de son mandat avec l'ouverture ce jeudi d'une session plénière du Parlement appelée à statuer son implication dans deux affaires de corruption. Depuis son arrivée à la tête de ce vaste archipel déchiré par les violences et les man£uvres politiciennes, Abdurrahman Wahid a maintes fois croisé le fer avec une Assemblée de plus en plus critique. Cette fois-ci, les accusations ont pris la forme d'un rapport d'enquête de 36 pages détaillant ce qui est connu ici comme le «Buloggate» et le «Bruneigate».
Le premier scandale porte sur le détournement de quelque 4 millions de dollars des fonds de pension d'un organisme d'Etat, le Bulog. Un associé d'affaires et masseur du président s'est fait remettre la somme au nom du chef de l'Etat arguant de la nécessité de financer des projets humanitaires dans la province troublée d'Aceh, au nord de Sumatra. Une partie de cet argent a finalement atterri sur les comptes de proches du président.
Depuis le début, Wahid a clamé son innocence et assuré que son masseur avait agi à son insu. Mais sa défense s'est retournée contre lui. Pour prouver sa bonne foi, il a assuré ne pas avoir besoin de l'argent du Bulog pour aider la population d'Aceh car il disposait déjà d'un chèque de 2 millions de dollars remis par le sultan du Brunei. Ces révélations ont alors déclenché le Bruneigate. Le chèque n'a en effet jamais été déclaré et les fonds ne seraient pas parvenus dans la province.
Machination politique
La commission d'enquête qui a remis son rapport lundi estime que Wahid est «impliqué» dans le premier scandale et juge ses explications «inconsistantes» dans le second. C'est maintenant aux députés de décider de la suite à donner à ce rapport. S'ils l'acceptent, ce peut être la première étape vers une procédure de destitution qui, contrairement à ce qui s'est passé aux Philippines, pourrait prendre plusieurs mois. Certains députés se disent prêts à remettre le rapport à une cour de justice si les preuves contre le chef de l'Etat sont accablantes ce qui semble assez peu probable. On s'attend plus généralement à une «réprimande», un avertissement donné au président. Mais c'est plutôt la confusion qui demeure sur l'issue d'une procédure qui constitue une première.
Le président Wahid et ses proches dénoncent une machination politique. De fait, le dossier semble maigre et surtout les députés les plus agressifs ont eux-mêmes sous l'ère Suharto et Habibie trempé dans des affaires douteuses. La coalition des adversaires du chef de l'Etat rassemble d'ailleurs essentiellement des représentants de la vieille garde politique, qui n'ont aucun intérêt à des réformes, et les représentants de partis musulmans radicaux.
L'affaire est cependant suffisamment sérieuse pour que le président ait interrompu ses activités afin de suivre les débats au Parlement. Il est aussi apparu à la télévision pour réaffirmer aux 200 millions d'Indonésiens qu'il n'a rien à voir avec ces deux scandales avant de multiplier les réunions à huis clos avec sa vice-présidente Megawati et les responsables de la police et de l'armée. Tout dépend en effet de l'arithmétique politique dans l'enceinte du Parlement et de la sécurité dans les rues de la capitale. Le soutien du parti de Megawati Soekarnoputri qui dispose du plus grand nombre de sièges à l'assemblée sera déterminant. Le parti du président ne détient en effet que 10% des sièges. Megawati reste discrète mais semble décidée à le soutenir. Plusieurs de ses députés risquent toutefois de ruer dans les brancards.
L'autre formation à surveiller est le Golkar, l'ancien véhicule politique du président Suharto, qui constitue le deuxième parti. Ses élus savent cependant qu'il y a un risque à renverser le président. Ils sont encore trop liés à l'ancien régime pour constituer une alternative acceptable. Et surtout les partisans de Wahid, notamment les Banser, la milice de son mouvement musulman, ont promis de venir par milliers le défendre. Le risque de violences existe toujours en Indonésie. Les compromis de dernière minute aussi.
Une certitude demeure, le bilan de 15 mois de présidence d'Abdurrahman Wahid a déçu. La lutte contre la corruption en est à ses balbutiements, les poursuites judiciaires contre les Suharto inexistantes, la crise économique toujours là tandis que les affrontements ethniques, religieux, séparatistes continuent à secouer de nombreuses provinces. Ce sont les défis à relever pour éviter que la procédure de jeudi ne tourne au vinaigre.
Le premier scandale porte sur le détournement de quelque 4 millions de dollars des fonds de pension d'un organisme d'Etat, le Bulog. Un associé d'affaires et masseur du président s'est fait remettre la somme au nom du chef de l'Etat arguant de la nécessité de financer des projets humanitaires dans la province troublée d'Aceh, au nord de Sumatra. Une partie de cet argent a finalement atterri sur les comptes de proches du président.
Depuis le début, Wahid a clamé son innocence et assuré que son masseur avait agi à son insu. Mais sa défense s'est retournée contre lui. Pour prouver sa bonne foi, il a assuré ne pas avoir besoin de l'argent du Bulog pour aider la population d'Aceh car il disposait déjà d'un chèque de 2 millions de dollars remis par le sultan du Brunei. Ces révélations ont alors déclenché le Bruneigate. Le chèque n'a en effet jamais été déclaré et les fonds ne seraient pas parvenus dans la province.
Machination politique
La commission d'enquête qui a remis son rapport lundi estime que Wahid est «impliqué» dans le premier scandale et juge ses explications «inconsistantes» dans le second. C'est maintenant aux députés de décider de la suite à donner à ce rapport. S'ils l'acceptent, ce peut être la première étape vers une procédure de destitution qui, contrairement à ce qui s'est passé aux Philippines, pourrait prendre plusieurs mois. Certains députés se disent prêts à remettre le rapport à une cour de justice si les preuves contre le chef de l'Etat sont accablantes ce qui semble assez peu probable. On s'attend plus généralement à une «réprimande», un avertissement donné au président. Mais c'est plutôt la confusion qui demeure sur l'issue d'une procédure qui constitue une première.
Le président Wahid et ses proches dénoncent une machination politique. De fait, le dossier semble maigre et surtout les députés les plus agressifs ont eux-mêmes sous l'ère Suharto et Habibie trempé dans des affaires douteuses. La coalition des adversaires du chef de l'Etat rassemble d'ailleurs essentiellement des représentants de la vieille garde politique, qui n'ont aucun intérêt à des réformes, et les représentants de partis musulmans radicaux.
L'affaire est cependant suffisamment sérieuse pour que le président ait interrompu ses activités afin de suivre les débats au Parlement. Il est aussi apparu à la télévision pour réaffirmer aux 200 millions d'Indonésiens qu'il n'a rien à voir avec ces deux scandales avant de multiplier les réunions à huis clos avec sa vice-présidente Megawati et les responsables de la police et de l'armée. Tout dépend en effet de l'arithmétique politique dans l'enceinte du Parlement et de la sécurité dans les rues de la capitale. Le soutien du parti de Megawati Soekarnoputri qui dispose du plus grand nombre de sièges à l'assemblée sera déterminant. Le parti du président ne détient en effet que 10% des sièges. Megawati reste discrète mais semble décidée à le soutenir. Plusieurs de ses députés risquent toutefois de ruer dans les brancards.
L'autre formation à surveiller est le Golkar, l'ancien véhicule politique du président Suharto, qui constitue le deuxième parti. Ses élus savent cependant qu'il y a un risque à renverser le président. Ils sont encore trop liés à l'ancien régime pour constituer une alternative acceptable. Et surtout les partisans de Wahid, notamment les Banser, la milice de son mouvement musulman, ont promis de venir par milliers le défendre. Le risque de violences existe toujours en Indonésie. Les compromis de dernière minute aussi.
Une certitude demeure, le bilan de 15 mois de présidence d'Abdurrahman Wahid a déçu. La lutte contre la corruption en est à ses balbutiements, les poursuites judiciaires contre les Suharto inexistantes, la crise économique toujours là tandis que les affrontements ethniques, religieux, séparatistes continuent à secouer de nombreuses provinces. Ce sont les défis à relever pour éviter que la procédure de jeudi ne tourne au vinaigre.
par A Djakarta, Marie-Pierre VEROT
Article publié le 31/01/2001