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Côte d''Ivoire

Voyage test pour le premier ministre

La Côte d'Ivoire espère renouer avec les financements extérieurs à l'occasion de la visite à Bruxelles et à Paris du premier ministre Pascal Affi NGuessan. Quatorze mois après le coup d'Etat de décembre 1999, l'économie du pays est exsangue. Et le chef du gouvernement doit convaincre ses interlocuteurs de la fiabilité de ses intentions et de sa volonté de réconciliation, après les violences politiques de ces derniers mois.
Le premier ministre ivoirien a entamé, mercredi 14 février, un voyage crucial qui doit le mener à Bruxelles et à Paris. Un périple qui vise essentiellement à renouer avec les financements extérieurs qui font cruellement défaut à un Etat en pleine banqueroute. «La Côte d'Ivoire a besoin d'à peu près 1000 milliards de FCFA, a indiqué Pascal Affi NGuessan sur RFI. Si malgré cela nous avons entre 300 et 400 milliards de FCFA, cela nous permettrait d'engager notre action de refondation sur une base saine.» Ces chiffres en disent long sur la situation d'un pays traditionnellement considéré comme la locomotive de l'Afrique de l'ouest.

La croissance est négative (-2%), la dette tant intérieure qu'extérieure est exorbitante, les caisses de l'Etat sont vides et l'instabilité politique qui règne depuis le coup d'Etat de décembre 1999 a littéralement gelé l'activité économique. La Côte d'Ivoire est désormais classée parmi les pays à risques par la COFACE (Compagnie financière d'assurance pour le commerce extérieur). Un état des lieux d'autant plus préoccupant que le pays est privé d'aide extérieure depuis de longs mois. Fin 1998, soit un an avant le putsch qui a porté le général Gueï au pouvoir, le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale (BM) et l'Union européenne avaient déjà suspendu leur assistance financière au régime d'Henri Konan Bédié pour «mauvaise gouvernance».

Les réticences de l'Union européenne

Le premier ministre peut aborder son étape parisienne sans trop d'inquiétude, fort du récent engagement français en faveur d'une reprise progressive de sa coopération et des nombreuses déclarations de soutien de l'Elysée comme de Matignon. Il en va autrement de sa première escale à Bruxelles. Les violences politiques de ces derniers mois et les élections législatives de décembre et janvier, boycottées par le RDR d'Alassane Ouattara, en ont refroidi plus d'un à l'Union européenne, où l'on est moins indulgent à l'égard du chef de l'Etat ivoirien.

Outre des engagements sur la bonne gouvernance et les réformes économiques, Bruxelles attend des assurances en matière de droits de l'homme. L'image de la Côte d'Ivoire en la matière a pris un sérieux coup depuis décembre 1999. Et le premier bilan du régime de Laurent Gbagbo, opposant «historique» et successeur du général Gueï, n'est pas fait pour rassurer à l'extérieur. L'hostilité croissante à l'égard des ressortissants étrangers et les multiples excès des forces de sécurité, dénoncés tout récemment par Ligue ivoirienne des droits de l'homme, riment mal avec la volonté de réconciliation affichée par le nouveau chef de l'Etat à son arrivée au pouvoir, fin octobre 2000. D'autant que le RDR, l'un des principaux partis d'opposition, accusé à plusieurs reprises d'avoir voulu déstabiliser les nouvelles autorités, a connu de nombreuses arrestations dans ses rangs. Plusieurs dirigeants du parti, dont le porte-parole Ali Coulibaly, sont emprisonnés. Sa secrétaire générale Henriette Diabaté vient d'être inculpée, dans le cadre des manifestations violentes qui ont lieu à la veille des législatives du 10 décembre dernier, et son président, Alassane Ouattara, de plus en plus marginalisé, est de fait exilé en France.

Du côté du pouvoir, on propose une lecture très différente de la situation. A la suite de Laurent Gbagbo, Pascal Affi NGuessan dément toute ingérence dans les procédures judiciaires en cours, notamment dans le procès des généraux Palenfo et Coulibaly, emprisonnés dans le cadre de l'attaque contre la résidence du général Gueï en septembre 2000, qui doit s'ouvrir le 21 février. «Le gouvernement n'est pas concerné, c'est la justice qui suit son cours», a-t-il déclaré à notre envoyé spécial à Abidjan Claude Cirille. Les dirigeants ivoiriens dénoncent par ailleurs l'angélisme d'une presse internationale jugée trop indulgente à l'égard du parti d'Alassane Ouattara, qu'ils considèrent comme le cerveau des multiples complots dénoncés depuis l'arrivée au pouvoir de Laurent Gbagbo. Et ils entendent convaincre leurs partenaires que c'est justement le RDR qui menace la réconciliation ivoirienne.

Sur ce plan, le premier ministre aura fort à faire pour convaincre à Bruxelles. Mais il espère faire la preuve de sa volonté «d'assainissement» et compte sur le soutien de Paris, dont il souhaite un coup de pouce pour le remboursement des 127 milliards de FCFA d'arriérés dus à la Banque mondiale. Un appui d'autant plus essentiel qu'Abidjan doit honorer cette dette pour reprendre les négociations avec le Fonds monétaire international.



par Christophe  Champin

Article publié le 14/02/2001