Fespaco 2001
Le Fespaco se réveille
La piscine de l'Indépendance offre un condensé assez représentatif de l'ambiance du festival, une atmosphère de bazar bon enfant où se croise et se parle un public très hétéroclite.
La piscine de l'Indépendance, point stratégique du Fespaco, offre un condensé assez représentatif de l'ambiance du festival à ce jour, et de ce qu'il a de meilleur: entre une Flag (la marque de bière locale) et un Coca, encourager les rencontres informelles, favoriser les contacts, permettre aux réalisateurs de rencontrer producteurs, bailleurs de fonds, programmateurs de chaînes de télévision, distributeurs, juristesà C'est au bord de la piscine que se règlent les vieux comptes qui font les bons ennemis, que se nouent et se dénouent les alliances et parfois, les contrats. Une atmosphère de bazar bon enfant où se croise et se parle ûparfois- un public très hétéroclite: délégation nigériane, particulièrement étoffée cette année. «Nous sommes la mafia du cinéma nigérian», dit en riant Ladi Ladebo, dont un film, Baba Zak est en compétition officielle), Pierre Chevalier, qui dirige l'Unité de fiction d'Arte, et qui a produit ces dernières années plusieurs films africains, dont La vie sur terre du mauritanien Abderrahmane Sissoko et, plus récemment, Dar es Salam, du Tchadien Issa Serge Coelo, sorti de la compétition officielle pour cause de non réception de bobines, le réalisateur n'ayant jamais pu embarquer sur le vol à destination de Ouagadougou, responsables de M-Net, la télévision sud-africaine (qui a fusionné voici trois ans avec le groupe Canal + et est à ce jour la plus importante chaîne payante du continent africain, venus présenter trois courts métrages du Nigeria, d'Ethiopie et de Tanzanie (A barber's wisdom, The father et Surrender) refusés en compétition officielle. Car il y a aussi un Fespaco off, celui des réalisateurs écartés de la sélection officielle (pas toujours à raison) et qui viennent bobines sous le bras montrer leur film au public africain. C'est aussi le cas du jeune réalisateur sénégalais Malick Sy, qui présentera demain jeudi son documentaire, un 52 minutes sur le réalisateur burkinabè Idrissa Ouedraogo, au Centre culturel français, qui héberge aussi le Mica -marché du film). Preuve que la désorganisation, en relâchant les mailles du filet, et en permettant à ces recalés de la compétition officielle de présenter quand même leurs films n'a pas que du mauvais.
La Traite vue du côté des Africains
Cinquième long métrage de l'Ivoirien Roger Gnoam Mbala (Ablakon, Bouka, Au nom du Christ), Adangamman traite d'un sujet doublement douloureux, donc doublement sulfureux: la Traite des Noirs au XVIIe siècle. Doublement sulfureux puisque, d'un point de vue purement cinématographique, ce thème a été très rarement traité par les réalisateurs africains. Par ailleurs, l'imagerie traditionnelle a toujours voulu que la Traite ait été organisée par les Blancs (ce qui n'est évidemment pas faux) mais en occultant autant que possible le rôle pourtant non négligeable que beaucoup de chefs africains jouèrent dans ce drame qui saigna l'Afrique pour plusieurs siècles. La première image d'Adangamman donne le ton: un visage d'homme saisi dans un filet comme un vulgaire animal, et des mains qui lui posent de force une sorte de muselière, ou plutôt un baillon de fer. Ces mains sont noires, et c'est la première surprise du film. Nous voici donc embarqués pour le XVIIe siècle, en pleine brousse africaine. Un village semble avoir échappé par miracle à la chasse d'esclaves du puissant roi Adanggaman, tyran assoiffé d'or et de pouvoir, et amateur de rhum à ses heures perdues. Le vieux N'Go, qui dirige son foyer avec autorité et esprit de caste, tente d'imposer à son fils Ossei une jeune fille de famille riche, alors que celui-ci est amoureux d'une esclave. Ossei refuse de se soumettre à l'autorité parentale, se fait tabasser par une poignée de sbires aux ordres de son père et finit par s'enfuir du village la nuit où celui-ci se fait attaquer par les amazones d'Adanggaman, qui tuent les hommes et emmènent en captivité femmes et enfants. Pour Ossei, c'est le début d'une longue errance, à la recherche de sa mère, devenue une esclave d'Adanggaman. Si on peut critiquer le film de Roger Gnoam Mbala pour son rythme très étale et ses ruptures de tonalité qui laissent parfois penser que plusieurs mois se sont écoulés entre deux scènes (on passe ainsi sans transition du drame le plus complet à une ambiance idyllique de pré-Eden africain: bizarre), on peut aussi admirer l'ambition et le courage du réalisateur qui s'attaque sans ambages ûet avec un évident sens visuel- à l'un des sujets les plus difficiles à illustrer de l'histoire de l'Afrique.
La Traite vue du côté des Africains
Cinquième long métrage de l'Ivoirien Roger Gnoam Mbala (Ablakon, Bouka, Au nom du Christ), Adangamman traite d'un sujet doublement douloureux, donc doublement sulfureux: la Traite des Noirs au XVIIe siècle. Doublement sulfureux puisque, d'un point de vue purement cinématographique, ce thème a été très rarement traité par les réalisateurs africains. Par ailleurs, l'imagerie traditionnelle a toujours voulu que la Traite ait été organisée par les Blancs (ce qui n'est évidemment pas faux) mais en occultant autant que possible le rôle pourtant non négligeable que beaucoup de chefs africains jouèrent dans ce drame qui saigna l'Afrique pour plusieurs siècles. La première image d'Adangamman donne le ton: un visage d'homme saisi dans un filet comme un vulgaire animal, et des mains qui lui posent de force une sorte de muselière, ou plutôt un baillon de fer. Ces mains sont noires, et c'est la première surprise du film. Nous voici donc embarqués pour le XVIIe siècle, en pleine brousse africaine. Un village semble avoir échappé par miracle à la chasse d'esclaves du puissant roi Adanggaman, tyran assoiffé d'or et de pouvoir, et amateur de rhum à ses heures perdues. Le vieux N'Go, qui dirige son foyer avec autorité et esprit de caste, tente d'imposer à son fils Ossei une jeune fille de famille riche, alors que celui-ci est amoureux d'une esclave. Ossei refuse de se soumettre à l'autorité parentale, se fait tabasser par une poignée de sbires aux ordres de son père et finit par s'enfuir du village la nuit où celui-ci se fait attaquer par les amazones d'Adanggaman, qui tuent les hommes et emmènent en captivité femmes et enfants. Pour Ossei, c'est le début d'une longue errance, à la recherche de sa mère, devenue une esclave d'Adanggaman. Si on peut critiquer le film de Roger Gnoam Mbala pour son rythme très étale et ses ruptures de tonalité qui laissent parfois penser que plusieurs mois se sont écoulés entre deux scènes (on passe ainsi sans transition du drame le plus complet à une ambiance idyllique de pré-Eden africain: bizarre), on peut aussi admirer l'ambition et le courage du réalisateur qui s'attaque sans ambages ûet avec un évident sens visuel- à l'un des sujets les plus difficiles à illustrer de l'histoire de l'Afrique.
par Elisabeth Lequeret
Article publié le 28/02/2001
