Cameroun
Le printemps des ondes
Le paysage audiovisuel camerounais est en plein chamboulement. Après des années d'hésitation, le gouvernement s'est résolu à libéraliser les ondes, en avril dernier. Radios et télévisions privées s'engouffrent dans la brèche, alors que la FM s'ouvre officiellement à RFI et à d'autres diffuseurs internationaux.
De notre envoyé spécial à Yaoundé
Construit sur les hauteurs du Mont Fébé, l'auditorium Jean-Paul II, offre une vue imprenable sur Yaoundé. La bâtisse immaculée surmontée d'une immense antenne est visible à plusieurs kilomètres à la ronde. Il n'y pas si longtemps, sa seule présence était considérée comme une provocation par le pouvoir. C'est en effet de là que Radio Reine, la toute première radio libre du pays, diffuse sur la capitale camerounaise et ses environs depuis 1997. «Nous avons émis pendant deux ans et demi dans l'illégalité», s'amuse l'abbé Jean-Marie Bodo. Lorsque ce religieux atypique inaugure Radio Reine le 18 octobre 1997, les diffuseurs privés ne sont pas officiellement autorisés à émettre au Cameroun, en dehors de structures communautaires. Une loi sur la communication de 1990 est censée libéraliser le paysage audiovisuel local. Mais elle est restée dans un tiroir, en attente d'un décret d'application, qui n'a été pris qu'en avril 2000, à la faveur d'un changement à la tête du ministère de la Communication.
Plusieurs officiels sont pourtant présents à la cérémonie de lancement, dont Andzé Tsoungui, très rigide ministre de l'Administration territoriale de l'époque. Il faut dire que l'abbé Bodo, qui dispose de solides appuis au Vatican et de quelques amitiés bien placées, a de l'entregent et n'est censé diffuser que des programmes religieux. Féru de journalisme, l'ecclésiastique n'entend pourtant pas en rester là. Il introduit petit à petit quelques émissions, puis des bulletins d'information en français et en anglais. «On ne savait pas s'ils allaient nous faire taire», reconnaît-il. Mais il a un argument de poids. Fin 1997, il a offert ses locaux pour les premières véritables négociations entre le parti au pouvoir, le RDPC, et les opposants radicaux du Front social démocratique (SDF). Ce qui tempère la méfiance des dirigeants camerounais. Dans un pays où le poste national colle fidèlement au discours officiel, Radio Reine n'en est pas moins considérée par les conservateurs comme une tribune pour l'opposition. «Mais au fil du temps, tout le monde s'est rendu compte que nous recherchons un certain équilibre», souligne Valentin Zinga, rédacteur en chef.
Les joies du zapping
La dizaine de journalistes et techniciens qui compose l'équipe de la jeune radio s'enorgueillit en tous cas d'avoir initié un mouvement inimaginable il y a peu au Cameroun. Jusqu'en janvier 2000, les radios internationales aussi n'y avaient officiellement pas droit de cité, même si les habitants de Douala, la capitale économique, pouvaient déjà capter RFI, diffusée depuis la Guinée Equatoriale. En fait, l'apparition de Radio Reine a encouragé le gouvernement à mettre en place une réglementation pour éviter une prolifération anarchique.
Avec la libéralisation officielle des ondes, en avril 2000, les Camerounais ont découvert les plaisirs du «zapping» radiophonique. A Yaoundé, les petites soeurs de Radio Reine, s'appellent Radio Lumière, Radio Bonne nouvelle, Radio Vénus et Radio Siantou. Elles sont soumises à rude concurrence depuis l'arrivée sur la bande FM de RFI, en janvier, qui devrait être rejointe prochainement par BBC et Africa N°1.
Le mouvement est plus lent à Douala. La capitale économique a joué un rôle pionnier en matière de liberté de la presse, au début des années 90, avec l'apparition de nombreux titres privés. En matière radiophonique, elle semble un peu à la traîne, même si elle accueille la toute première télévision camerounaise privée, TVMAX.
En revanche, le fondateur de Radio Reine a des ambitions. Il entend couvrir l'ensemble du Cameroun. Et s'il parvient à ses fins, le coup sera dur pour la radio nationale. Déjà concurrencée sur son propre terrain avec l'apparition de programmes comme «médiathèque», une émission politique dominicale de Radio Reine, la CRTV va devoir s'adapter au nouveau contexte si elle veut éviter l'hémorragie d'auditeurs. Et de journalistes. Comme on pouvait s'y attendre, un grand nombre d'entre eux ont logiquement franchi le pas, en offrant leurs services au secteur privé. La révolution de l'audiovisuel camerounais a bien commencé.
Construit sur les hauteurs du Mont Fébé, l'auditorium Jean-Paul II, offre une vue imprenable sur Yaoundé. La bâtisse immaculée surmontée d'une immense antenne est visible à plusieurs kilomètres à la ronde. Il n'y pas si longtemps, sa seule présence était considérée comme une provocation par le pouvoir. C'est en effet de là que Radio Reine, la toute première radio libre du pays, diffuse sur la capitale camerounaise et ses environs depuis 1997. «Nous avons émis pendant deux ans et demi dans l'illégalité», s'amuse l'abbé Jean-Marie Bodo. Lorsque ce religieux atypique inaugure Radio Reine le 18 octobre 1997, les diffuseurs privés ne sont pas officiellement autorisés à émettre au Cameroun, en dehors de structures communautaires. Une loi sur la communication de 1990 est censée libéraliser le paysage audiovisuel local. Mais elle est restée dans un tiroir, en attente d'un décret d'application, qui n'a été pris qu'en avril 2000, à la faveur d'un changement à la tête du ministère de la Communication.
Plusieurs officiels sont pourtant présents à la cérémonie de lancement, dont Andzé Tsoungui, très rigide ministre de l'Administration territoriale de l'époque. Il faut dire que l'abbé Bodo, qui dispose de solides appuis au Vatican et de quelques amitiés bien placées, a de l'entregent et n'est censé diffuser que des programmes religieux. Féru de journalisme, l'ecclésiastique n'entend pourtant pas en rester là. Il introduit petit à petit quelques émissions, puis des bulletins d'information en français et en anglais. «On ne savait pas s'ils allaient nous faire taire», reconnaît-il. Mais il a un argument de poids. Fin 1997, il a offert ses locaux pour les premières véritables négociations entre le parti au pouvoir, le RDPC, et les opposants radicaux du Front social démocratique (SDF). Ce qui tempère la méfiance des dirigeants camerounais. Dans un pays où le poste national colle fidèlement au discours officiel, Radio Reine n'en est pas moins considérée par les conservateurs comme une tribune pour l'opposition. «Mais au fil du temps, tout le monde s'est rendu compte que nous recherchons un certain équilibre», souligne Valentin Zinga, rédacteur en chef.
Les joies du zapping
La dizaine de journalistes et techniciens qui compose l'équipe de la jeune radio s'enorgueillit en tous cas d'avoir initié un mouvement inimaginable il y a peu au Cameroun. Jusqu'en janvier 2000, les radios internationales aussi n'y avaient officiellement pas droit de cité, même si les habitants de Douala, la capitale économique, pouvaient déjà capter RFI, diffusée depuis la Guinée Equatoriale. En fait, l'apparition de Radio Reine a encouragé le gouvernement à mettre en place une réglementation pour éviter une prolifération anarchique.
Avec la libéralisation officielle des ondes, en avril 2000, les Camerounais ont découvert les plaisirs du «zapping» radiophonique. A Yaoundé, les petites soeurs de Radio Reine, s'appellent Radio Lumière, Radio Bonne nouvelle, Radio Vénus et Radio Siantou. Elles sont soumises à rude concurrence depuis l'arrivée sur la bande FM de RFI, en janvier, qui devrait être rejointe prochainement par BBC et Africa N°1.
Le mouvement est plus lent à Douala. La capitale économique a joué un rôle pionnier en matière de liberté de la presse, au début des années 90, avec l'apparition de nombreux titres privés. En matière radiophonique, elle semble un peu à la traîne, même si elle accueille la toute première télévision camerounaise privée, TVMAX.
En revanche, le fondateur de Radio Reine a des ambitions. Il entend couvrir l'ensemble du Cameroun. Et s'il parvient à ses fins, le coup sera dur pour la radio nationale. Déjà concurrencée sur son propre terrain avec l'apparition de programmes comme «médiathèque», une émission politique dominicale de Radio Reine, la CRTV va devoir s'adapter au nouveau contexte si elle veut éviter l'hémorragie d'auditeurs. Et de journalistes. Comme on pouvait s'y attendre, un grand nombre d'entre eux ont logiquement franchi le pas, en offrant leurs services au secteur privé. La révolution de l'audiovisuel camerounais a bien commencé.
par Christophe Champin
Article publié le 12/02/2001