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Mondialisation

Davos s'achète une conduite

Le Forum économique mondial de Davos qui vient de s'achever en Suisse a dû subir les questionnements, mise en gardes et cris d'alarme lancés de Porto Alegre (Brésil) où pour la première fois les anti-mondialisation tenaient leur propre sommet.
S'il n'est pas possible d'étouffer la contestation, alors peut-être est-il possible de l'acheter ? Ainsi pourrait-on résumer de manière un peu brutale les enseignements du 31e Forum économique mondial qui vient de fermer ses portes à Davos. La réunion annuelle qui faisait jusqu'alors figure de cénacle des hérauts du capitalisme triomphant a été confrontée (après les violentes manifestations de l'an passé) à une nouvelle attaque des militants anti-mondialisation. A des milliers de kilomètres de distance, à Porto Alegre au Brésil, ils ont réussi à imposer aux hommes d'Etat et aux chefs d'entreprises réunis à Davos une partie de leurs thèmes de débat.

Les promoteurs de la réunion de Davos avaient certes pris les devants en affichant comme thème principal de cette édition 2001 «réduire la fracture» mais ils ont dû multiplier les gestes en direction des contestataires réunis au Brésil. «Nous ne pouvons pas ignorer les protestations, a expliqué Jean-Marie Messier, le PDG de Vivendi Universal, ces mouvements vont devenir plus forts, plus organisés et nous devrons construire un dialogue».

Les quelque 300 sessions du Forum qui ont eu lieu en l'espace de quatre jours à Davos ont eu une tonalité bien différente de l'euphorie concernant les développement d'Internet qui avait dominé les débats l'an passé. Sur fond de ralentissement, voire de récession en vue, pour l'économie américaine et de stagnation au Japon, une expression revenait dans toutes les bouches «le retour de bâton contre la mondialisation».

Les multinationales donnent des gages

Les grands groupes symboles de cette mondialisation ont donc cherché à donner des gages de leur attention aux problèmes sociaux. Bill Gates (Microsoft) à appelé ces pairs à se mobiliser contre les ravages du sida en Afrique. Les responsables du groupe financier Goldman Sachs ont vanté l'implication de leurs employés dans des projets d'aide sociale. Le patron d'Electricité de France a proposé que les entreprises soient notées en fonction de critères sociaux et environnementaux comme elles le sont déjà en fonction de critères financiers. Une attitude dont Carletin Fiorina (Hewlett Packard) a résumé la philosophie : «Les intérêts des entreprises seront sacrifiés si nous ne parvenons pas à combler les fossés rapidement».

Des gestes considérés comme totalement insuffisants à Porto Alegre au Brésil où les militants anti-mondialisation était réunis sous le thème : «un autre monde est possible». Quelque 900 organisations se sont retrouvées dans une ambiance de carnaval pendant quatre jours. En rappelant que la dette des pays en voie de développement avait quadruplé au cours des vingt dernières années, les participants ont prôné une nouvelle fois la mise en place de la taxe Tobin sur les mouvements de capitaux.

Le Français José Bové est devenu la figure emblématique de ce premier Forum social mondial après que la justice brésilienne a menacé de l'expulser pour sa participation à l'opération de destruction d'un champ de maïs transgénique de la firme américaine Monsanto. «Nous sommes tous des Bové», ont scandé 5000 participants lors de la fête de clôture du Forum de Porto Alegre.

Les participants de ce rendez-vous brésilien ont multiplié les critiques contre la mondialisation néo-libérales et ses conséquences et ils ont établi le programme de leurs prochains rendez-vous. A Cancun (Mexique) en février, à Gènes (Italie) en juillet, à Washington (Etats-Unis) en septembre. Décision a également été prise de tenir un nouveau contre-sommet de Davos l'an prochain, toujours à Porto Alegre.

La réaction des anti-mondialisation est «une réaction à un excès», estime pour sa part le M. commerce international de l'ONU, le Brésilien Rubens Ricupero, qui ajoute : «au début de la mondialisation, il y a eu une exagération de l'importance du profit et une sorte d'idolâtrie du marché, on avait même un peu bafoué les préoccupation des gens : précarité croissante de l'emploi, croissance des inégalités».

Le Forum de Davos prépare déjà sa prochaine édition qui aura lieu encore dans la station de ski des Grisons. Elle laissera plus de place au dialogue et cherchera à «intégrer les voix critiques», prévoit le maître d'£uvre de la réunion, le Suisse Klaus Schwab.




par Philippe  Couve

Article publié le 01/02/2001