3ème jour : jours tranquilles à Ouaga
Le Fespaco en version anglaise, telle s'est déroulée la journée de mercredi à Ouagadougou avec la projection de films anglophones.
Journée anglophone, hier, au Fespaco, avec la projection de Baba Zak, une comédie très pédagogique sur les mésaventures d'une jeune femme mariée de force à un barbon, réalisée par Labi Ladebo. Un autre film de ce réalisateur nigérian (yoruba), Power, a été projeté la veille au soir (celui-là, hors compétition). Après Baba Zak, c'est au tour du Zimbabwe de faire parler de lui avec deux films : Yellow card de John River et Home sweet Home de Michael Raeburn et Heidi Draper. Les deux sont de bonne facture, réalisés par des cinéastes qui ont longtemps vécu aux Etats-Unis. C'est très marqué chez le premier, une comédie de campus sur Tayere, un jeune footballeur surdoué qui se trouve tout à coup face à un dilemme : doit ûil abandonner ses études pour se consacrer à son sport favori ? Parallèlement, Tayere tombe amoureux d'une jeune fille de bonne famille au moment précis où sa fiancée lui annonce qu'elle est enceinte. Un film plutôt efficace et sans problème technique majeur, dont la dimension nettement psychologique tranche dans une programmation d'Afrique francophone où les personnages sont beaucoup plus archétypaux (témoin, Faat Kiné , du Sénégalais Sembène Ousmane).
Chez les festivaliers, la fatigue commence à se faire sentir. Si les séances font toujours salle comble (à tel point qu'il n'est pas rare que les spectateurs retardataires se fassent refouler à l'entrée), beaucoup de réalisateurs se plaignent de la qualité des projections : problèmes de son, image tressautante voire, parfois, comme ce fut le cas hier matin pour Baba Zak, inversion pure et simple de bobines. Que la fin ûheureuse et très consensuelle- du long métrage de Ladi Ladebo intervienne quelque vingt minutes à peine après le début de la projection n'a pas troublé outre mesure le public burkinabè, mais pose tout de même un sérieux problème pour un film qui concourt dans la compétition officielle.
Carnets d'un retour au pays fatal
Dans Home sweet Home, le cinéaste Michael Raeburn revient sur les lieux de son enfance, au Zimbabwe. Entre road movie et journal intime, il se livre aussi à une variation féroce sur les familles, celle de sa compagne Heidi Draper, avec il cosigne son film, et la sienne.
Combien d'ironie peut-on faire passer en trois mots ? Beaucoup, si l'on en croit le titre du dernier film de Michael Raeburn, Home sweet Home. Car bien évidemment, s'il n'est question ici que de la famille, c'est plus sous l'angle du «Je vous hais» cher à André Gide que sous le prisme du doux cocon familial. Dès les premières minutes, le ton du film est donné : un bref panoramique sur la Seine et les quais, suivi de plusieurs plans filmés par une petite caméra de surveillance, qui nous conduisent à l'intérieur d'une péniche, lieu de résidence parisien de Michael Raeburn et de sa compagne, Heidi Draper. L'écran est divisé en quatre parties, dont chacune montre les deux protagonistes sous un profil différent.
Peu à peu, on devine qu'il est question d'un voyage, que Heidi est sur le point de sauter dans un taxi pour l'aéroport, direction New York puis le Connecticut, où elle doit passer les fêtes de Thanksgiving dans sa famille. On devine aussi que Michael est beaucoup moins chaud pour partir avec elle, d'ailleurs il reste littéralement «à quai», pour finalement céder 24 heures plus tard et rejoindre sa compagne américaine dans sa maison natale.
L'idée du film, quelque chose entre le documentaire (sur le thème «Qu'est-ce que la famille américaine ?») et le film de famille (avec toute la part d'auto-analyse sauvage que comporte le genre), apparaît très vite.
L'originalité du propos de Michael Raeburn est de vouloir construire son projet sur deux lignes mélodiques, à la fois antagonistes et complémentaires. Celle, plutôt descendante, de son enfance malheureuse au Zimbabwe, coincé entre une mère italienne hystérique et un père britannique tentant de noyer son spleen et son indéfectible apathie dans la boisson. Celle, ascendante, de Heidi, qui trouve parfois des accents fitzgeraldiens pour raconter son enfance, dans la brume dorée d'une belle maison de la côte Est des Etats-Unis, entre une mère sévère-mais-juste et un père aimant, sans compter une cohorte de cousins, cousines, frères et s£urs avec qui il est bon d'aller savourer une orangeade, sur la plage, le soir entre chien et loup.
Le film, construit sur un enchevêtrement proustien où le présent (celui des retrouvailles de la famille de Heidi, embrassades et toasts, et pèlerinage sur l'usine du grand-père, le tout filmé en caméra vidéo) et le passé (des lieux vides, animés par des dialogues off), les images animées et les photos, et même les différents lieux (Paris, le Connecticut, le Zimbabwe) cohabitent, instillant un malaise diffus dont le spectateur prend peu à peu conscience. Ce malaise ûvolontaire- augmente lorsque les deux lignes se rejoignent et finissent par s'inverser, lorsqu'il apparaît que Michael n'etait pas si malheureux (il parle de ses jeux avec les autres enfants africains du village), que l'enfance de Heidi n'était pas si dorée (il est peu à peu question des problèmes d'argent incessants qui minaient la famille).
On regrette alors, simplement, que le réalisateur ait cru bon de doublonner chacune de ses plans, ou presque, par des commentaires qui tuent toute ambiguïté. Pourquoi, après cette confession de Heidi, qui avoue soudain à mi-voix que son père s'est suicidé après avoir tué sa mère, avoir ajouté ce commentaire «J'ai eu une enfance stressante» ? En donnant ainsi à ses images un double tour de vis, c'est tout le film qui s'alourdit, et finalement s'affaisse comme sous le poids d'un surplus de sens trop lourd pour lui. Dommage.
Chez les festivaliers, la fatigue commence à se faire sentir. Si les séances font toujours salle comble (à tel point qu'il n'est pas rare que les spectateurs retardataires se fassent refouler à l'entrée), beaucoup de réalisateurs se plaignent de la qualité des projections : problèmes de son, image tressautante voire, parfois, comme ce fut le cas hier matin pour Baba Zak, inversion pure et simple de bobines. Que la fin ûheureuse et très consensuelle- du long métrage de Ladi Ladebo intervienne quelque vingt minutes à peine après le début de la projection n'a pas troublé outre mesure le public burkinabè, mais pose tout de même un sérieux problème pour un film qui concourt dans la compétition officielle.
Carnets d'un retour au pays fatal
Dans Home sweet Home, le cinéaste Michael Raeburn revient sur les lieux de son enfance, au Zimbabwe. Entre road movie et journal intime, il se livre aussi à une variation féroce sur les familles, celle de sa compagne Heidi Draper, avec il cosigne son film, et la sienne.
Combien d'ironie peut-on faire passer en trois mots ? Beaucoup, si l'on en croit le titre du dernier film de Michael Raeburn, Home sweet Home. Car bien évidemment, s'il n'est question ici que de la famille, c'est plus sous l'angle du «Je vous hais» cher à André Gide que sous le prisme du doux cocon familial. Dès les premières minutes, le ton du film est donné : un bref panoramique sur la Seine et les quais, suivi de plusieurs plans filmés par une petite caméra de surveillance, qui nous conduisent à l'intérieur d'une péniche, lieu de résidence parisien de Michael Raeburn et de sa compagne, Heidi Draper. L'écran est divisé en quatre parties, dont chacune montre les deux protagonistes sous un profil différent.
Peu à peu, on devine qu'il est question d'un voyage, que Heidi est sur le point de sauter dans un taxi pour l'aéroport, direction New York puis le Connecticut, où elle doit passer les fêtes de Thanksgiving dans sa famille. On devine aussi que Michael est beaucoup moins chaud pour partir avec elle, d'ailleurs il reste littéralement «à quai», pour finalement céder 24 heures plus tard et rejoindre sa compagne américaine dans sa maison natale.
L'idée du film, quelque chose entre le documentaire (sur le thème «Qu'est-ce que la famille américaine ?») et le film de famille (avec toute la part d'auto-analyse sauvage que comporte le genre), apparaît très vite.
L'originalité du propos de Michael Raeburn est de vouloir construire son projet sur deux lignes mélodiques, à la fois antagonistes et complémentaires. Celle, plutôt descendante, de son enfance malheureuse au Zimbabwe, coincé entre une mère italienne hystérique et un père britannique tentant de noyer son spleen et son indéfectible apathie dans la boisson. Celle, ascendante, de Heidi, qui trouve parfois des accents fitzgeraldiens pour raconter son enfance, dans la brume dorée d'une belle maison de la côte Est des Etats-Unis, entre une mère sévère-mais-juste et un père aimant, sans compter une cohorte de cousins, cousines, frères et s£urs avec qui il est bon d'aller savourer une orangeade, sur la plage, le soir entre chien et loup.
Le film, construit sur un enchevêtrement proustien où le présent (celui des retrouvailles de la famille de Heidi, embrassades et toasts, et pèlerinage sur l'usine du grand-père, le tout filmé en caméra vidéo) et le passé (des lieux vides, animés par des dialogues off), les images animées et les photos, et même les différents lieux (Paris, le Connecticut, le Zimbabwe) cohabitent, instillant un malaise diffus dont le spectateur prend peu à peu conscience. Ce malaise ûvolontaire- augmente lorsque les deux lignes se rejoignent et finissent par s'inverser, lorsqu'il apparaît que Michael n'etait pas si malheureux (il parle de ses jeux avec les autres enfants africains du village), que l'enfance de Heidi n'était pas si dorée (il est peu à peu question des problèmes d'argent incessants qui minaient la famille).
On regrette alors, simplement, que le réalisateur ait cru bon de doublonner chacune de ses plans, ou presque, par des commentaires qui tuent toute ambiguïté. Pourquoi, après cette confession de Heidi, qui avoue soudain à mi-voix que son père s'est suicidé après avoir tué sa mère, avoir ajouté ce commentaire «J'ai eu une enfance stressante» ? En donnant ainsi à ses images un double tour de vis, c'est tout le film qui s'alourdit, et finalement s'affaisse comme sous le poids d'un surplus de sens trop lourd pour lui. Dommage.
Article publié le 01/03/2001
