Quatrième jour: Rentrer ou ne pas rentrer (au pays)?
les thématiques de ce 17e Fespaco se précisent. La situation des africains émigrés en France est au c£ur de beaucoup de films.
Pendant que le festival poursuit doucement son petit bonhomme de chemin (hier jeudi, les cinéastes ont provoqué une réunion avec le délégué général, Baba Hama), les thématiques de ce 17e Fespaco se précisent. La situation des africains émigrés en France est au c£ur de beaucoup de films, courts métrages comme Tourbillons, d'Alain Gomis, qui conte en douze minutes les affres d'un jeune Sénégalais qui décide un beau jour de rentrer au pays. La première scène du film donne le ton: entré dans une agence de voyage parisienne, le héros demande un aller simple pour Dakar, «le plus vite possible». «Demain?» répond, affable, l'employée. Lueur de panique dans le regard du jeune homme, qui bredouille alors un vague «Non, euh, plutôt dans une semaine...» En quelques secondes, tout le déchirement, toutes les hésitations, tout l'enjeu aussi d'une telle décision (surtout venant de la part d'un jeune de la deuxième génération) est exposé avec acuité. La même problématique est à l'£uvre dans Anna, l'enchantée, documentaire de la Congolaise Monique Phoba, qui vit depuis six ans au Bénin, et a décidé de filmer le retour au pays d'une jeune chanteuse prometteuse (on la présente comme la future Angélique Kidjo) qui, après quelques mois passés dans une école de chant à Rouen, est rappelée au pays par son père sous un prétexte fallacieux. Une scène d'une violence sourde la montre, en train de déjeuner avec sa mère et sa s£ur, qui lui reproche d'avoir pris «les manières des Blancs». L'affaire des sans Papiers de l'église Saint Ambroise a elle aussi beaucoup marqué le Malien Cheick Omar Cissoko, qui utilise dans son film Battu des images d'archives, montées en parallèle avec une scène d'expulsion par la police des petits mendiants de Dakar, parallèle évidemment lourd de sens. Dans une veine infiniment plus légère, c'est sur les mésaventures d'un «sans papiers» blanc (un Français venu à Cotonou pour affaires, et qui se trouve en cinq minutes dépossédé de sa voiture, de son argent et deà ses papiers). Une comédie qui aligne les clichés, mais qui a au moins le mérite de montrer les sublimes paysages du sud du pays, dans la région de Bobodioulasso. Une bouffée d'air pur et de fraîcheur pour nombre de festivaliers, las d'avaler à longueur de journée la poussière rouge du Faso.
Pour une poignée de CFA
Ils vivent à Libreville, ils font du rap, un peu, beaucoup, passionnément, mais savent bien que sans argent, ils n'arriveront jamais à rien. Ce sont les quatre héros du premier long métrage du Gabonais Imunga Ivanga.
Dolé, c'est l'argent. Il est au c£ur des préoccupations de tous les protagonistes du premier long métrage d'Imunga Ivanga. Ceux qui en ont l'utilisent pour asseoir leur autorité (et nourrir, chemin faisant, une horde de courtisansà). Ceux qui n'en ont pasà Eh bien ceux qui n'en ont pas sont prêts à tout pour en avoir. Tout? Tout, y compris dévaliser le bureau du PMU voisin. Mais puisque, dans le crime comme ailleurs, une carrière ne s'improvise pas, le film démarre par un tout petit vol, celui d'un ghetto blaster, dans la boutique du Libanais du coin. Vol indispensable, puisque les quatre héros du film tentent d'imposer leur musique ûdu rap-, sans trop de succès il est vrai. Y parviendront-ils? Le film laisse le mystère planer. L'objectif du réalisateur est ailleurs: après une première séquence assez réussie où l'on voit nos quatre Daltons gabonais répéter sans grand enthousiasme sur les toits de Libreville en rêvant au jour où leur nom brillera en haut de l'affiche, l'action se resserre autour du plus jeune d'entre eux, Mougler.
Mougler est au c£ur de multiples intrigues, résumées en autant de vignettes plus ou moins laconiques: il y a sa copine Caurie, sa mère, à la santé fragile, et qui tente malgré tout de faire bouillir la marmite, son père, absent (une vague silhouette avinée que Mougler croisera un soir affalé le long d'un taillis), son oncle, qui tente de le ramener dans le droit chemin (garagiste) sans trop d'espoir. Et puis les copains, avec qui on partage bons plans et mauvais coups, moment d'espoir et d'abattement, combines (la tentative de cambriolage d'une station service donne lieu à une scène à mourir de rire) et, parfois, déprime. On voit très vite où veut en venir Imunga Ivanga: faire à la fois une comédie et un drame, un objet à surmoi auteuriste et un témoignage sur le Gabon contemporain (vu comme un pays pourri -de l'intérieur et de l'extérieur- par l'argent), épingler le petit peuple gabonais mais sans sombrer dans la caricature, et en laissant, comme on dit, «à chacun sa chance».
Evidemment, c'est le film tout entier qui coule bientôt, plombé par ces multiples désirs. Reste une poignée de très belles scènes, qui à elles seule méritent le détour. Celle de l'agonie de la mère, qui donne avant de mourir son alliance à Carrie. Dans le même temps, un long travelling latéral montre Mougler, courant comme un fou avec son butin (un sac de médicaments qu'il a enfin pu se procurer), arriver en nage devant la porte de la chambre où sa mère vient de mourir, et où l'attend Carrie. Carrie le regarde, elle l'étreint, et tout à coup, le garçon se met à boxer le chambranle de la porte (il a compris). Tout cela sans un mot, sans un cri, sans une larme. A cette seconde, le film échappe brutalement à son ambition sociologique, et c'est magnifique.
Pour une poignée de CFA
Ils vivent à Libreville, ils font du rap, un peu, beaucoup, passionnément, mais savent bien que sans argent, ils n'arriveront jamais à rien. Ce sont les quatre héros du premier long métrage du Gabonais Imunga Ivanga.
Dolé, c'est l'argent. Il est au c£ur des préoccupations de tous les protagonistes du premier long métrage d'Imunga Ivanga. Ceux qui en ont l'utilisent pour asseoir leur autorité (et nourrir, chemin faisant, une horde de courtisansà). Ceux qui n'en ont pasà Eh bien ceux qui n'en ont pas sont prêts à tout pour en avoir. Tout? Tout, y compris dévaliser le bureau du PMU voisin. Mais puisque, dans le crime comme ailleurs, une carrière ne s'improvise pas, le film démarre par un tout petit vol, celui d'un ghetto blaster, dans la boutique du Libanais du coin. Vol indispensable, puisque les quatre héros du film tentent d'imposer leur musique ûdu rap-, sans trop de succès il est vrai. Y parviendront-ils? Le film laisse le mystère planer. L'objectif du réalisateur est ailleurs: après une première séquence assez réussie où l'on voit nos quatre Daltons gabonais répéter sans grand enthousiasme sur les toits de Libreville en rêvant au jour où leur nom brillera en haut de l'affiche, l'action se resserre autour du plus jeune d'entre eux, Mougler.
Mougler est au c£ur de multiples intrigues, résumées en autant de vignettes plus ou moins laconiques: il y a sa copine Caurie, sa mère, à la santé fragile, et qui tente malgré tout de faire bouillir la marmite, son père, absent (une vague silhouette avinée que Mougler croisera un soir affalé le long d'un taillis), son oncle, qui tente de le ramener dans le droit chemin (garagiste) sans trop d'espoir. Et puis les copains, avec qui on partage bons plans et mauvais coups, moment d'espoir et d'abattement, combines (la tentative de cambriolage d'une station service donne lieu à une scène à mourir de rire) et, parfois, déprime. On voit très vite où veut en venir Imunga Ivanga: faire à la fois une comédie et un drame, un objet à surmoi auteuriste et un témoignage sur le Gabon contemporain (vu comme un pays pourri -de l'intérieur et de l'extérieur- par l'argent), épingler le petit peuple gabonais mais sans sombrer dans la caricature, et en laissant, comme on dit, «à chacun sa chance».
Evidemment, c'est le film tout entier qui coule bientôt, plombé par ces multiples désirs. Reste une poignée de très belles scènes, qui à elles seule méritent le détour. Celle de l'agonie de la mère, qui donne avant de mourir son alliance à Carrie. Dans le même temps, un long travelling latéral montre Mougler, courant comme un fou avec son butin (un sac de médicaments qu'il a enfin pu se procurer), arriver en nage devant la porte de la chambre où sa mère vient de mourir, et où l'attend Carrie. Carrie le regarde, elle l'étreint, et tout à coup, le garçon se met à boxer le chambranle de la porte (il a compris). Tout cela sans un mot, sans un cri, sans une larme. A cette seconde, le film échappe brutalement à son ambition sociologique, et c'est magnifique.
Article publié le 02/03/2001
