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Sida

Les laboratoires accusent, les malades attendent

En Afrique du Sud, 39 laboratoires pharmaceutiques attaquent en justice la loi sud-africaine qui autoriserait, si elle était appliquée, le recours à des médicaments génériques (donc moins chers) pour soigner notamment les malades du sida.
De notre correspondante en Afrique du Sud

Un millier de manifestants a défilé le 5 mars, dans les rues de Pretoria, à l'ouverture du procès des industries pharmaceutiques contre l'Etat. «Le capitalisme, un système malade», «Des traitements gratuits pour tous»... Les banderoles de soutien au gouvernement ont été déployées par le Congrès des syndicats sud-africains (Cosatu), et la principale organisation non gouvernementale (ONG) sud-africaine de lutte contre le Sida, la Campagne d'action pour le traitement (TAC). Egalement présentes, les ONG française et britannique Médecins sans frontières (MSF) et Oxfam, dont les équipes ont été renforcées en Afrique du Sud, pour livrer, en marge du procès, une bataille d'abord et avant tout médiatique.

La première journée d'audience a débattu de la participation de TAC au procès, soutenue par le gouvernement et refusée par l'Association des industries pharmaceutiques (PMA). Les 42 membres de cette organisation, parmi lesquels figurent de grands groupes tels que les laboratoires Roche, Ingelheim Boehringer et GlaxoSmithKline, contestent depuis trois ans une clause de la nouvelle loi sur les médicaments votée en 1997 par le Parlement sud-africain. Ce texte, qui n'est pas entré en vigueur, autorise le ministre sud-africain de la Santé à procéder à des importations parallèles de médicaments et à approvisionner les hôpitaux publics en produits génériques (copies bon marché des médicaments fabriqués sous brevet).

Si la loi porte sur tous les types de médicaments, la controverse s'est focalisée, en Afrique du Sud, sur les traitements du sida. Faute de pouvoir accéder aux produits génériques fabriqués en Thaïlande, au Brésil et en Inde, le pays du monde où le virus HIV fait le plus de ravages n'a pas les moyens de traiter ses malades (plus de 10 % de la population totale). Zackie Achmat, meneur des militants de TAC, s'insurge contre les différentiels de prix. «Un an de trithérapie, affirme-t-il, coûte entre 20 000 et 30 000 dollars par patient, aux prix pratiqués par le secteur privé en Afrique du Sud. L'Inde a proposé au gouvernement de fournir des produits génériques qui ne coûteraient que 600 dollars par an et par patient. Pour nous, le problème ne porte pas sur le coût des médicaments, un argument derrière lequel les industries se retranchent, mais sur leur prix. Depuis trois ans que la loi est bloquée par le procès, 400 000 personnes sont mortes du Sida en Afrique du Sud».

Le gouvernement paraît sûr de son fait. Les accords Trips sur la propriété intellectuelle négociés par l'Organisation mondiale du commerce (OMC) permettent des dérogations à la protection des brevets, explique-t-on au ministère de la Santé. «Si nous perdons ce procès, nous condamnons des milliers de pauvres gens à la maladie et à la mort, s'est cependant inquiété Blade Nzimande, le secrétaire général du SACP, en tête de la manifestation de Pretoria. Nous ne pouvons pas, compte tenu de l'état de notre système de santé et de notre niveau de développement économique, payer les médicaments aux tarifs en vigueur aux Etats-Unis». Dans ce combat juridique, qui met aux prises la morale et les enjeux financiers, les industries pharmaceutiques ne seront pas forcément perdantes. Le dénouement des audiences, qui s'achèveront le 13 mars prochain, laisse planer le suspense.



par Anne K.  SE

Article publié le 06/03/2001