Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

L''affaire Elf

Sirven joue la montre

Dès la reprise, lundi 12 mars, du procès dans lequel il devait être interrogé pour la première fois, l'ancien n°2 d'Elf a engagé une bataille procédurale, demandant le renvoi ou l'annulation. Il a indiqué qu'il refuserait de répondre au tribunal tant que l'instruction de l'affaire des frégates de Taïwan, toujours en cours, ne serait pas terminée.
Alfred Sirven tente de gagner du temps. L'homme-clé de l'affaire Elf, celui dont l'arrestation aux Philippines, le 2 février dernier, avait relancé les spéculations sur un dossier explosif, a décidé de jouer la procédure. Plus d'un mois après son éphémère apparition devant le tribunal correctionnel de Paris, et en l'absence d'indications de la part de ses avocats, on s'interrogeait sur sa stratégie. Mutisme ? Grand déballage ? Manoeuvres dilatoires ?

L'ancien directeur des affaires générales de la compagnie pétrolière française n'a pas tardé à la dévoiler. Dès le début de l'audience, Alfred Sirven, par l'intermédiaire de ses défenseurs, a demandé l'annulation ou le renvoi du procès. Il réclame que les poursuites soient déclarées nulles ou prescrites, et demande que le tribunal soit déclaré incompétent. Il conteste aussi la régularité de deux mandats d'arrêt internationaux lancés contre lui. Si ces arguments n'étaient pas retenus, il demande que le procès soit renvoyé, estimant, selon ses avocats, n'avoir pas «disposé d'un délai raisonnable pour préparer sa défense» dans ce dossier «qui comporte 13 tomes, soit plus de 8 500 pièces».

Costume sombre et cravate bleue

La présidente du tribunal, Sophie Portier, a suspendu l'audience pour une durée d'une heure, le temps que le procureur examine les demandes écrites déposées par les trois avocats de l'ancien fugitif. A l'issue de la suspension, ceux-ci ont entamé leurs plaidoiries sur les différentes requêtes, Me Jean-Claude Gastaud dénonçant notamment «une certaine désinvolture procédurale (à). Votre tribunal n'est pas saisi. Vous n'avez pas de base légale». Le procureur a ensuite requis le rejet de ces demandes, avant que l'audience ne soit à nouveau suspendue pour permettre au tribunal de délibérer.

Le teint bronzé malgré plus d'un mois de détention préventive, souriant, portant un costume sombre et une cravate bleue, Alfred Sirven est apparu calme. Lors de son entrée, il a serré la main de Christine Deviers-Joncour, l'ex-maîtresse de Roland Dumas, saluant également l'ancien Pdg d'Elf Loïk Le Floch-Prigent, et André Tarallo, l'ancien patron Afrique de la compagnie pétrolière.

En tant que n°2 d'Elf entre 1989 et 1993, Alfred Sirven est soupçonné d'avoir détourné plusieurs milliards de francs des caisses du groupe. Le tribunal doit notamment faire la lumière sur les 64,5 milliards de francs versés à Christine Deviers-Joncour sous forme de commissions, salaires, avantages et cadeaux divers. Décevant ceux qui attendaient d'emblée des révélations spectaculaires, la première journée d'audience s'enlisait, en fin d'après-midi, dans des querelles de procédure.



par Philippe  Quillerier-Lesieur (avec AFP)

Article publié le 12/03/2001