Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Fièvre aphteuse

Vaccination : plus d'inconvénients que d'avantages

L'Union européenne, confrontée à l'épizootie de fièvre aphteuse qui sévit en Grande-Bretagne, se refuse à revenir à la vaccination des animaux, suspendue en 1992. Des arguments de tous ordres, pratiques, sanitaires, économiques, sont avancés pour justifier cette position. Ainsi, les inconvénients liés à la vaccination seraient très supérieurs aux avantages.
En 1992, les instances européennes décidaient la suspension de la vaccination des animaux d'élevage contre la fièvre aphteuse. A cette époque, en effet, on considérait la maladie comme éradiquée car aucun cas n'avait été recensé depuis dix ans. Les économies réalisées en cessant de pratiquer la vaccination se sont élevées, depuis lors, à environ 1 milliard d'euros. Depuis, la réapparition de la fièvre aphteuse dans l'un des pays membres de l'Union européenne, la Grande-Bretagne, a amené les autorités à se poser à nouveau la question de la vaccination du bétail.

Lors de la réunion des ministres de l'Agriculture lundi 19 mars, la décision a été prise de ne pas recourir à la vaccination, même limitée, gardant cette option en toute dernière extrémité, au cours où il serait impossible de juguler l'épizootie. Plusieurs raisons expliquent que l'Union européenne répugne à utiliser ce moyen de lutte contre la fièvre aphteuse.

Dans la pratique, l'UE dispose d'une réserve de 30 millions de doses de vaccin pour un cheptel de 300 millions d'animaux sensibles à la maladie. Alors que, pour l'instant, seule la Grande-Bretagne et une ferme française ont été touchées. Sur ces 30 millions de doses, moins de 10 millions sont utilisables, sachant que le vaccin n'est efficace que pour une souche de fièvre aphteuse et pas pour les autres. De plus, des scientifiques estiment qu'à ce stade de l'épizootie la vaccination serait inutile. Pas d'argument, non plus, en faveur de la protection de la santé humaine. La fièvre aphteuse n'affecte que très rarement l'homme et encore sous forme bénigne.

L'hypothèse a été avancée de vacciner les animaux à risque dans un périmètre proche des exploitations où ont été détectés des cas de maladie. Selon l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), la vaccination autour des foyers est envisageable là où le nombre d'animaux atteints est tellement important que leur abattage systémique est impossible. En tout état de cause, la vaccination ne remplace pas l'éradication de la maladie par abattage car les animaux vaccinés peuvent être infectés par le virus et en rester porteur. Pour maintenir l'immunité il faut revacciner tous les six mois. Soit autant de fois des millions de doses à fournir.

Les exportations en danger

Difficile à réaliser, d'une efficacité limitée, la vaccination présente en outre un inconvénient majeur de nature, pour les instances européennes, à emporter à lui seul la conviction : les pays qui vaccinent leur cheptel contre la fièvre aphteuse se ferment durablement les portes de l'exportation. La plupart des pays n'autorisent les importations de viande que de pays indemnes de fièvre aphteuse et n'appliquant pas la vaccination. Actuellement, la viande européenne est sous embargo dans de nombreux pays du monde mais cette mesure pourrait être levée rapidement après la fin de l'épizootie et l'abattage des animaux à risque. En revanche, après vaccination, les animaux peuvent encore être transporteurs du virus et les exportations sont impossibles pendant plusieurs années.

Or, dans l'Union européenne, la production de viande et de produits laitiers représente 40% des recettes agricoles dont 10% pour la viande bovine et autant pour le porc. Les exportations européennes de viande et de produits laitiers vers le continent américain s'élèvent à 455 millions d'euros et à 4 milliards d'euros par an vers la Russie. Parmi les gros importateurs de produits agricoles figure l'Egypte qui absorbe 20% des exportations européennes de viande. Déjà touchée par l'embargo qu'elle espère provisoire, l'UE entend bien ne pas mettre en danger durablement ces considérables marchés à l'export. L'enjeu est tel que le commissaire européen au Commerce Pascal Lamy met en doute le zèle avec lequel certains pays ont décrété la suspension des importations européennes. Aux Etats-Unis, en effet, la Fédération des exportateurs de viande voit déjà une possibilité de profiter de l'opportunité pour augmenter ses exportations.



par Francine  Quentin

Article publié le 20/03/2001