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Afghanistan

L'oeuvre de la «<i>bêtise humaine</i>»

Les bouddhas géants de Bamiyan, en Afghanistan, ont été détruits par les talibans qui ont mis leurs menaces à exécution, en dépit de l'indignation générale. De retour de Kaboul, Pierre Lafrance, l'émissaire de l'Unesco, dénonce «la bêtise humaine».
Un tas de pierresà voilà ce qui reste des deux bouddhas géants sculptés dans la falaise de Bamiyan. Pour la première fois depuis plus de deux semaines, lorsque les talibans ont commencé la destruction des £uvres qu'ils jugent impies et contraires à l'islam, les journalistes étrangers ont été autorisés lundi 25 mars à se rendre dans la vallée de Bamiyan. Leur constat est sans appel : des deux monuments de 53 et de 34 mètres de haut taillés dans la pierre entre le IIe et le Veme siècle, et qui constituaient l'une des principales attractions touristiques d'Afghanistan, il ne reste qu'un bout d'épaule.

Pour réduire en poussière 1 500 ans d'histoire, vingt jours ont été nécessaires aux talibans : dynamites, roquettes et canons de blindés ont détruit ces £uvres. «La mission de la dernière chance n'a pas réussi à arrêter la folie destructrice des talibans. Ce qui s'est passé à Bamiyan, c'est le drame d'un fanatisme religieux qui a prospéré. Un crime contre la culture ne peut rester impuni», a déploré mardi, au cours d'une conférence de presse à Paris, Koïchiro Matsuura, le directeur général de l'Unesco. «En Egypte, à Abu Simbel, l'Unesco a sauvé les temples, à Dubrovnik, on avait fait arrêter les bombardements sur la ville». Mais en Afghanistan, l'échec a été total.

«Iconoclastes enragés»

Consterné, l'ambassadeur Pierre Lafrance, émissaire de l'Unesco en Afghanistan, prend à son tour la parole. «C'était une mission impossible, il était très difficile de raisonner en terme de sagesse politique», explique-t-il. «Le problème était de faire reculer la bêtise mais je crois qu'il ne faut pas baisser les bras, il faut continuer à mobiliser l'intelligence islamique, internationale, contre cette explosion de barbarie. La bêtise humaine est là et sans arrêt, il faut la combattre, surtout lorsqu'elle se réclame des idéaux les plus nobles».

Pierre Lafrance ne peut que constater lµéchec de sa mission, rendue difficile en pleine fête religieuse du mouton, l'Aïd El Kebir. Il dénonce les «iconoclastes enragés» qui, au nom de la charia, n'hésitent pas à commettre des «crimes contre la recherche et la science par devoir sacré de destruction». L'ambassadeur compare même la destruction opérée par les talibans à l'anéantissement des civilisations pré-colombiennes par les Espagnols lors de la Conquista ou aux dégâts provoqués pendant la Révolution française. «La fureur doit s'arrêter», dit-il.

La situation «humaine» est également inquiétante, explique Pierre Lafrance qui insiste sur la nécessité d'une aide d'urgence notamment en matière d'éducation. «Il faut voir dans quelle misère humaine et intellectuelle se trouve l'Afghanistan».

La démolition des £uvres a été ordonnée par le chef suprême des talibans, le mollah Mohammad Omar qui a publié un décret en faveur de la destruction de toutes les statues du pays afin de «prévenir l'idolâtrie». Mais selon Pierre Lafrance, la communauté internationale ne doit pas en rester là et maintenir une forme de pression tout en ne «répondant pas à la bêtise par la bêtise et au tabou par le tabou».



par Sylvie  Berruet

Article publié le 27/03/2001