Liban
Khiam: les prisonniers témoignent
Un documentaire, Khiam, consacré aux prisonniers de la plus célèbre et terrible prison du sud-Liban est diffusé ce dimanche en clôture des Journées cinématographiques de Beyrouth.
Comment vivre seul dans une cellule de 1,80 m sur 80 cm, comment vivre à six dans une cellule de 2,25 sur 2,25 m près de dix ans? Neeman, Soha, Rajae, Afif, Sonia, Kifah répondent à cette question. Tous ont été détenus à Khiam, le camp de détention du sud-Liban contrôlé par l'armée du Liban-sud, la milice libanaise auxiliaire d'Israël dans l'ex-zone occupée par l'Etat hébreu. Leurs récits sont devenus Khiam, un documentaire réalisé par deux jeunes cinéastes libanais Joana Hadjithomas et Khalil Joreige. Un film sur Khiam, sur le conflit israélo-arabe mais aussi sur la détention: 52 minutes de témoignages pour parler de cette vie de prisonniers. Un film réalisé sans aucune image du camp. Juste les visages de ces anciens prisonniers qui parlent, un à un, à la caméra, assis sur leur chaise.
Le film a été tourné à l'été 1999, un an avant la fermeture du camp, pour sensibiliser l'opinion publique internationale à la libération de ces détenus enfermés sans jugement. Il n'y avait alors pas d'images du camp. Seuls les rapports d'Amnesty international, les récits des détenus libérés ou de la Croix-Rouge qui n'accédera au camp qu'en 1995, dix ans après sa création, permettaient d'imaginer Khiam. Les auteurs prendront le parti pris de ne pas utiliser les images rapportées depuis le retrait israélien. Pour conserver l'impact de la parole, plus forte ici que l'image. C'est le récit des détenus qui mène le spectateur à Khiam.
«En prison, j'avais un emploi du temps surchargé»
«Etre détenu c'est faire un voyage d'un pays à un autre, entrer dans une autre société», dit Neeman. Le voyage commence par la représentation du camp dans leur imaginaire avant l'incarcération. Comme peut se l'imaginer le spectateur, celui qui n'a jamais été détenu. «Khiam on en a évidemment entendu parler, comme quelque chose d'obscur et de mystérieux avec beaucoup de torture. Mais on ne peut le comprendre que si l'on pénètre à l'intérieur», dit Afif. «Je ne savais rien de Khiam», poursuit Kifah. La parole des détenus s'enchaîne et se répond, six paroles pour une seule voix. Qui nous fait entrer dans l'univers de la détention et de la torture. Afif: «L'électricité, le fouet, les coups, ils t'enveloppent d'une couverture ou on te bande les yeux. En arrivant à Khiam, tu ne vois personne», Soha: «Seulement des fantômes marchant devant moi, je ne vois pas les yeux, seulement le sac qui couvre la tête».
L'entrée, l'interrogatoire, les tortures, le cachot ûune cellule de 80 x 80 cmû et puis l'adaptation à cette nouvelle société. La vie à Khiam. Il y a d'abord la parole. Dans leur cellule, ils font connaissance avec la famille de chacun. Et puis ils apprennent à rêver: «rêve de l'un, rêve de l'autre, la matinée passe grâce au rêve», dit Afif. Les mots inspirés du rêve nourrissent les sujets de discussion. «Que fait-on après la parole?». Réponse: on crée ce dont on a besoin. Tout est interdit. Ni aiguille, ni peigne, ni crayon, ni papier, juste une cellule avec un matelas, une couverture et son habit de détenu.
Une queue de pomme, la tige de l'écorce d'orange, l'emballage du fromage deviennent un stylo, une aiguille. La cendre de cigarette, le savon, l'encre; leur couverture ou vêtement, la laine. La vie prend forme autour de ces objets qui permettent de créer d'autres objets. Comment le perfectionner, comment ramasser dans la cour le moindre matériau à l'insu des gardiens?
Exploit de cette adaptation, le temps vient à manquer: «J'avais un emploi du temps chargé et pratiquement pas de moment de loisirs» dit Neeman. En dix ans de détention, il a fabriqué 3000 aiguilles. A sa sortie, il dira: «Le camp, c'est la plus belle liberté». Un chapelet fait avec des noyaux d'olive, une rose en laine colorée, un jeu d'échec au crochet, des aiguillesà le film se termine sur ces objets exposés en janvier 1999 à Paris. Ils ont été sortis dans la clandestinité. Pour conserver la mémoire de cette tranche de vie. Après la détention. Lorsqu'il est difficile d'imaginer avoir pu réaliser des objets d'art.
Le programme et l'histoire du festival
Le film a été tourné à l'été 1999, un an avant la fermeture du camp, pour sensibiliser l'opinion publique internationale à la libération de ces détenus enfermés sans jugement. Il n'y avait alors pas d'images du camp. Seuls les rapports d'Amnesty international, les récits des détenus libérés ou de la Croix-Rouge qui n'accédera au camp qu'en 1995, dix ans après sa création, permettaient d'imaginer Khiam. Les auteurs prendront le parti pris de ne pas utiliser les images rapportées depuis le retrait israélien. Pour conserver l'impact de la parole, plus forte ici que l'image. C'est le récit des détenus qui mène le spectateur à Khiam.
«En prison, j'avais un emploi du temps surchargé»
«Etre détenu c'est faire un voyage d'un pays à un autre, entrer dans une autre société», dit Neeman. Le voyage commence par la représentation du camp dans leur imaginaire avant l'incarcération. Comme peut se l'imaginer le spectateur, celui qui n'a jamais été détenu. «Khiam on en a évidemment entendu parler, comme quelque chose d'obscur et de mystérieux avec beaucoup de torture. Mais on ne peut le comprendre que si l'on pénètre à l'intérieur», dit Afif. «Je ne savais rien de Khiam», poursuit Kifah. La parole des détenus s'enchaîne et se répond, six paroles pour une seule voix. Qui nous fait entrer dans l'univers de la détention et de la torture. Afif: «L'électricité, le fouet, les coups, ils t'enveloppent d'une couverture ou on te bande les yeux. En arrivant à Khiam, tu ne vois personne», Soha: «Seulement des fantômes marchant devant moi, je ne vois pas les yeux, seulement le sac qui couvre la tête».
L'entrée, l'interrogatoire, les tortures, le cachot ûune cellule de 80 x 80 cmû et puis l'adaptation à cette nouvelle société. La vie à Khiam. Il y a d'abord la parole. Dans leur cellule, ils font connaissance avec la famille de chacun. Et puis ils apprennent à rêver: «rêve de l'un, rêve de l'autre, la matinée passe grâce au rêve», dit Afif. Les mots inspirés du rêve nourrissent les sujets de discussion. «Que fait-on après la parole?». Réponse: on crée ce dont on a besoin. Tout est interdit. Ni aiguille, ni peigne, ni crayon, ni papier, juste une cellule avec un matelas, une couverture et son habit de détenu.
Une queue de pomme, la tige de l'écorce d'orange, l'emballage du fromage deviennent un stylo, une aiguille. La cendre de cigarette, le savon, l'encre; leur couverture ou vêtement, la laine. La vie prend forme autour de ces objets qui permettent de créer d'autres objets. Comment le perfectionner, comment ramasser dans la cour le moindre matériau à l'insu des gardiens?
Exploit de cette adaptation, le temps vient à manquer: «J'avais un emploi du temps chargé et pratiquement pas de moment de loisirs» dit Neeman. En dix ans de détention, il a fabriqué 3000 aiguilles. A sa sortie, il dira: «Le camp, c'est la plus belle liberté». Un chapelet fait avec des noyaux d'olive, une rose en laine colorée, un jeu d'échec au crochet, des aiguillesà le film se termine sur ces objets exposés en janvier 1999 à Paris. Ils ont été sortis dans la clandestinité. Pour conserver la mémoire de cette tranche de vie. Après la détention. Lorsqu'il est difficile d'imaginer avoir pu réaliser des objets d'art.
Le programme et l'histoire du festival
par Caroline DONATI
Article publié le 04/03/2001