Sénégal
Ces instants où le destin d'un pays oscille
Dans les «Carnets secrets de l'alternance», l'ancien ministre sénégalais de l'intérieur, le général Lamine Cissé livre sa vision des heures qui ont précédé la proclamation de la victoire électorale d'Abdoulaye Wade.
De notre correspondant à Dakar
Il est 23h40 le soir du 19 mars 2000 quand le général Lamine Cissé, ministre de l'intérieur décide d'annoncer au président Diouf qu'il a perdu l'élection présidentielle. «La situation est difficile pour vous et pour votre parti», commence le ministre de l'intérieur. L'entretien téléphonique va durer 20 minutes. Lorsque les deux hommes raccrochent, le président sortant Abdou Diouf a accepté sa défaite. Voici l'épisode central du passionnant livre écrit par le général Lamine Cissé. Un livre qui lève un coin de voile sur le second tour de l'élection présidentielle du 19 mars 2001 qui a vu la victoire de Me Abdoulaye Wade mettant fin ainsi à une opposition de vingt-six ans.
Nommé ministre de l'Intérieur en 1998, le général Lamine Cissé, ancien chef d'état-major général de l'armée sénégalaise, avait pour mission essentielle d'organiser les élections législatives de la même année et l'élection présidentielle de l'an 2000. Personnage attachant, militaire compétent, chevronné et respecté, homme d'esprit friand de facéties et d'anecdotes, le général Lamine Cissé aura été au centre de la vie politique sénégalaise entre 1998 et 2000, focalisant ainsi toutes les passions et autres ressentiments de l'ensemble de la classe politique. Le pouvoir comme l'opposition l'interpellaient et en appelant à sa conscience de militaire afin que les élections se déroulent dans la régularité et la transparence.
Homme de défis et de missions périlleuses parfois, le général Lamine Cissé s'est plu à assumer son rôle d'organisateur des élections et à mettre en valeur son dévouement à la démocratie. En dépit de toutes les attaques dont il a été l'objet de la part de l'opposition qui le jugeait en compromission avec le pouvoir en place, il a su tenir bon et se placer à égale distance des deux camps pour que l'équité et la démocratie triomphent au terme de l'élection présidentielle de 2000.
Cinq coups de fil pour convaincre Diouf
C'est de cela, ainsi que des péripéties de ce temps fort de l'histoire politique sénégalaise, qu'il nous parle dans son succulent ouvrage «Carnet secret d'une alternance». Il nous y révèle les propos et comportements des acteurs que sont Abdou Diouf et Abdoulaye Wade entre les deux tours au soir du 19 mars 2000 et au lendemain de l'annonce de la victoire de l'opposant de toujours.
La mission la plus difficile du général Cissé a sans doute débuté au soir du 19 mars puisque dès 18h50, il avait le redoutable devoir d'amener le président Diouf à accepter et à digérer sa défaite. Le général commence à donner au président les premières tendances à partir des 275 bureaux de vote tests répartis sur tout le Sénégal. Selon le Général CISSE, ces tendances se sont révélées être d'une précision diabolique puisqu'elles donnaient 41,99 % à Abdou Diouf et 58,49 % à Abdoulaye Wade, (Les chiffres officiels et définitifs ont donné 41;51 % à Diouf et 58,49 % à Wade).
Dans ces conditions, l'urgence pour le général Cissé était de faire comprendre au président Diouf avec tact et progressivement qu'il lui fallait intégrer l'idée d'une défaite probable. C'est pourquoi entre 18h50 et 23h40 au soir du 19 mars, le général Cissé a téléphoné au président Diouf à cinq reprises. La tâche du ministre de l'intérieur était d'autant plus ardue qu'il lui fallait faire vite pour couper l'herbe sous les pieds de certains partisans du président sortant qui tentaient de proclamer leur candidat élu. Aussi, révèle le général, non seulement il fallait faire accepter à Abdou Diouf sa défaite mais il fallait également l'amener à la reconnaître publiquement. Pour ce faire le général Cissé a même recouru aux capacités de persuasion de l'ancien premier ministre, Habib Thiam, pour convaincre son ami Diouf d'accepter sa défaite. Le Général est allé même jusqu'à demander à l'aide de camp du président Diouf de lui signaler toutes les personnes reçues par ce dernier dans la soirée du 19 et dans la matinée du 20 mars. Il craignait ainsi que le président, qu'il a trouvé dans une totale solitude, le soir du 19 mars ne soit envahi dans la matinée du 20 mars par des personnes susceptibles de le dissuader d'accepter sa défaite.
En définitive, le général Lamine Cissé finira par convaincre le président Diouf en lui disant «Si vous félicitez votre adversaire comme vous l'avez promis à votre directoire de campagne, vous serez le vainqueur moral de cette élection.» Abdou Diouf finit par abdiquer en téléphonant à son challenger et vainqueur. Le Sénégal venait de basculer dans l'alternance et le soldat au c£ur de la démocratie, pourtant tant décrié notamment à cause des cartes d'électeurs qu'il a fait confectionner en Israël, venait d'éviter au Sénégal de partir dans des dérives incertaines.
Aujourd'hui, en «réserve de la Nation et de la République», le général Cissé s'attaque à d'autres bastions. Il vient d'être porté à la tête de l'OIDEC (Observatoire International de la Démocratie et de la gestion des Crises et Conflits).
Il est 23h40 le soir du 19 mars 2000 quand le général Lamine Cissé, ministre de l'intérieur décide d'annoncer au président Diouf qu'il a perdu l'élection présidentielle. «La situation est difficile pour vous et pour votre parti», commence le ministre de l'intérieur. L'entretien téléphonique va durer 20 minutes. Lorsque les deux hommes raccrochent, le président sortant Abdou Diouf a accepté sa défaite. Voici l'épisode central du passionnant livre écrit par le général Lamine Cissé. Un livre qui lève un coin de voile sur le second tour de l'élection présidentielle du 19 mars 2001 qui a vu la victoire de Me Abdoulaye Wade mettant fin ainsi à une opposition de vingt-six ans.
Nommé ministre de l'Intérieur en 1998, le général Lamine Cissé, ancien chef d'état-major général de l'armée sénégalaise, avait pour mission essentielle d'organiser les élections législatives de la même année et l'élection présidentielle de l'an 2000. Personnage attachant, militaire compétent, chevronné et respecté, homme d'esprit friand de facéties et d'anecdotes, le général Lamine Cissé aura été au centre de la vie politique sénégalaise entre 1998 et 2000, focalisant ainsi toutes les passions et autres ressentiments de l'ensemble de la classe politique. Le pouvoir comme l'opposition l'interpellaient et en appelant à sa conscience de militaire afin que les élections se déroulent dans la régularité et la transparence.
Homme de défis et de missions périlleuses parfois, le général Lamine Cissé s'est plu à assumer son rôle d'organisateur des élections et à mettre en valeur son dévouement à la démocratie. En dépit de toutes les attaques dont il a été l'objet de la part de l'opposition qui le jugeait en compromission avec le pouvoir en place, il a su tenir bon et se placer à égale distance des deux camps pour que l'équité et la démocratie triomphent au terme de l'élection présidentielle de 2000.
Cinq coups de fil pour convaincre Diouf
C'est de cela, ainsi que des péripéties de ce temps fort de l'histoire politique sénégalaise, qu'il nous parle dans son succulent ouvrage «Carnet secret d'une alternance». Il nous y révèle les propos et comportements des acteurs que sont Abdou Diouf et Abdoulaye Wade entre les deux tours au soir du 19 mars 2000 et au lendemain de l'annonce de la victoire de l'opposant de toujours.
La mission la plus difficile du général Cissé a sans doute débuté au soir du 19 mars puisque dès 18h50, il avait le redoutable devoir d'amener le président Diouf à accepter et à digérer sa défaite. Le général commence à donner au président les premières tendances à partir des 275 bureaux de vote tests répartis sur tout le Sénégal. Selon le Général CISSE, ces tendances se sont révélées être d'une précision diabolique puisqu'elles donnaient 41,99 % à Abdou Diouf et 58,49 % à Abdoulaye Wade, (Les chiffres officiels et définitifs ont donné 41;51 % à Diouf et 58,49 % à Wade).
Dans ces conditions, l'urgence pour le général Cissé était de faire comprendre au président Diouf avec tact et progressivement qu'il lui fallait intégrer l'idée d'une défaite probable. C'est pourquoi entre 18h50 et 23h40 au soir du 19 mars, le général Cissé a téléphoné au président Diouf à cinq reprises. La tâche du ministre de l'intérieur était d'autant plus ardue qu'il lui fallait faire vite pour couper l'herbe sous les pieds de certains partisans du président sortant qui tentaient de proclamer leur candidat élu. Aussi, révèle le général, non seulement il fallait faire accepter à Abdou Diouf sa défaite mais il fallait également l'amener à la reconnaître publiquement. Pour ce faire le général Cissé a même recouru aux capacités de persuasion de l'ancien premier ministre, Habib Thiam, pour convaincre son ami Diouf d'accepter sa défaite. Le Général est allé même jusqu'à demander à l'aide de camp du président Diouf de lui signaler toutes les personnes reçues par ce dernier dans la soirée du 19 et dans la matinée du 20 mars. Il craignait ainsi que le président, qu'il a trouvé dans une totale solitude, le soir du 19 mars ne soit envahi dans la matinée du 20 mars par des personnes susceptibles de le dissuader d'accepter sa défaite.
En définitive, le général Lamine Cissé finira par convaincre le président Diouf en lui disant «Si vous félicitez votre adversaire comme vous l'avez promis à votre directoire de campagne, vous serez le vainqueur moral de cette élection.» Abdou Diouf finit par abdiquer en téléphonant à son challenger et vainqueur. Le Sénégal venait de basculer dans l'alternance et le soldat au c£ur de la démocratie, pourtant tant décrié notamment à cause des cartes d'électeurs qu'il a fait confectionner en Israël, venait d'éviter au Sénégal de partir dans des dérives incertaines.
Aujourd'hui, en «réserve de la Nation et de la République», le général Cissé s'attaque à d'autres bastions. Il vient d'être porté à la tête de l'OIDEC (Observatoire International de la Démocratie et de la gestion des Crises et Conflits).
par A Dakar, Pape TOURE
Article publié le 08/03/2001