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Nations unies

Kofi Annan en piste pour un second mandat

Sous la pression amicale de 53 pays africains, Kofi Annan s'est porté candidat à sa propre succession au secrétariat général de l'ONU. Ce Ghanéen de 62 ans fait la quasi-unanimité aux Nations unies. Selon la tradition, le plus haut poste de l'ONU devrait cette fois revenir à un asiatique. Mais aucun candidat de poids n'a émergé.
De notre correspondant à New York

Le jugement de deux éminents diplomates américains résume le parcours accompli par Kofi Annan. Il sera «plus secrétaire et moins général», promettait voilà quatre ans la secrétaire d'Etat Madelaine Albright, après avoir brutalement débarqué Boutros Boutros-Ghali. C'est «une rock-star internationale de la diplomatie», assurait récemment Richard Holbrooke, ambassadeur à l'ONU sous Clinton. Et d'ajouter : «Il est l'homme du moment et j'espère que les Asiatiques comprendront». La tradition voudrait que le plus haut poste de l'ONU revienne à tour de rôle aux différentes régions du monde. Après deux mandats consécutifs, l'Afrique devrait donc passer la main au groupe asiatique. Seul problème : ils ne se sont accordé sur aucun candidat crédible. Et maintenant que Kofi Annan s'est déclaré, qui voudra tenter sa chance ?

Dans le concert de louanges qui l'entoure à l'ONU, difficile de trouver une voix dissonante. Ses collaborateurs louent sa gentillesse et sa patience. Le secrétaire général incarne une communauté internationale sereine, posée, "morale" assurent certains. Depuis des mois, un consensus semblait se dessiner autour de lui. Aujourd'hui, tout le monde le donne gagnant. «Il maintient des relations courtoises, mais il n'est pas homme à s'incliner, explique un membre du Conseil de sécurité. Il prend ses responsabilités, et c'est un diplomate excellentissime. Il fait progresser ses dossiers car personne n'éprouve l'envie de lui résister». Certains vont jusqu'à voir dans ce «magnétisme» quelque chose de «papal».

Rénovation et ouverture

Le charme du personnage n'explique pas tout. A bientôt 63 ans, Kofi Annan affiche un bilan enviable. Issu d'une lignée aristocratique, le Ghanéen a ouvert l'ONU sur le monde et le secteur privé. Il a modernisé son administration à marche forcée, et a su prendre le contre-pied des Américains sur des dossiers comme l'Irak, faisant taire ceux qui le présentaient comme leur marionnette. Contre l'avis de beaucoup de pays du sud, il a développé une doctrine d'ingérence humanitaire. Après avoir reconnu les erreurs tragiques de l'ONU en Bosnie et au Rwanda, il a lancé un vaste chantier de rénovation du département de maintien de la paix. Mea culpa ou non, certains ne lui pardonneront jamais d'avoir dirigé les opérations à l'époque de ces tragédies. «Sa responsabilité ne peut pas être effacée, concède le diplomate du Conseil de sécurité, mais c'est aussi celle de toute la structure à l'époque». D'autres, dont la Chine, lui reprochent d'être trop proche des occidentaux, dont il est exclusivement entouré.

Quoi qu'il en soit, sa candidature a été saluée par des pays aussi différents que la France, les Etats-Unis, qui appuient officiellement sa candidature, Israël ou les Palestiniens. «Cela n'a pas été une décision facile à prendre, a expliqué Kofi Annan. Je me suis demandé si j'étais désireux et capable de poursuivre ce travail durant cinq années supplémentaires, avec la même énergie et le même engagement. La réponse est oui».

Son objectif sera d'appliquer avec «dynamisme» les promesses du sommet du millénaire : envoyer chaque enfant à l'école primaire, lutter contre la misère, stopper le Sida. Il s'est dit très «touché» du soutien de nombreux gouvernements et «tout particulièrement du groupe africain.» De fait, les 53 pays qui le composent commençaient à s'impatienter. La semaine dernière, ils ont publiquement appelé leur champion à se présenter. «Il est le meilleur choix possible, et nous espérons qu'il prendra sa décision le plus tôt possible», expliquait alors l'ambassadeur de Djibouti Roble Olhaye.

Kofi Annan a-t-il fait assez pour l'Afrique durant son mandat ? «Je crois que les Africains se rendent compte aujourd'hui que les Nations unies et le Conseil s'occupent davantage de leurs problèmes, a-t-il expliqué. Aujourd'hui, il y a quatre opérations de maintien de la paix en Afrique. Après l'expérience de la Somalie, les Nations unies avaient presque quitté le continent. Sur le plan économique et social, la lutte contre le Sida, l'ONU est là avec eux.»

Pour être réélu, il ne manque plus à Kofi Annan que l'aval des trois autres membres permanents du Conseil de sécurité, la Russie, la Chine et le Royaume-Uni, puis celui des Etats membres avant l'automne.



par Philippe  Bolopion

Article publié le 24/03/2001