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Balkans

Le choix des Albanais du Monténégro

La minorité albanaise du Monténégro s'apprête à voter ce dimanche 22 avril en exprimant sa préférence pour Milo Djukanovic et pour l'indépendance de la petite république vis à vis de Belgrade.
De notre correspondant dans les Balkans

«Nous nous sentons Monténégrins avant tout. Monténégrins de langue albanaise, même si ce n'est pas facile à expliquer à nos copains français. Nous sommes issus de la petite minorité d'un petit pays», expliquent Elvir et Ismael, deux jeunes Albanais d'Ulcinj, installés en France, de passage au pays pour quelques jours. Les Albanais forment 7 à 8% de la population totale du Monténégro, soit environ 50 000 personnes, répartis entre Tuzi, un faubourg de la capitale Podgorica, le bourg montagneux de Gusinje, dans le nord du pays, et la ville côtière d'Ulcinj.

Existerait-il un «modèle monténégrin» ? Pour l'historien Rifat Rastoder, lui-même issu de la communauté slave musulmane, «le Monténégro est la seule république des Balkans où les différentes communautés nationales et confessionnelles vivent véritablement ensemble, et pas seulement côte à côte comme en Macédoine». Les 17% de Slaves musulmans, principalement concentrés dans le nord du pays, et les 8% d'Albanais du Monténégro n'ont, jusqu'à présent, jamais mégoté leur soutien au président Milo Djukanovic. Certains analystes, plus critiques, reconnaissent l'efficacité du système de pouvoir mis en place par le président et ses proches: tout le monde a part aux trafics, et les communautés minoritaires ne sont pas oubliées.

Les Albanais représentent 85% de la population d'Ulcinj, qui vivait autrefois du tourisme. Les touristes étrangers boudent le Monténégro depuis dix ans, mais chaque soir ou presque, une flottille de bateaux rapide met le cap sur l'Italie, chargée de cigarettes ou de réfugiés clandestins. «Les Albanais du Monténégro sont encore loin de disposer de tous les droits qui leur reviennent. Le Monténégro est un pays terriblement centralisé, sans aucun échelon de pouvoir entre les communes et le gouvernement central, et les communes ont bien peu de moyens», s'indigne Fuad Nimani, président de l'Union démocratique des Albanais du Monténégro (UDSh), mais il ajoute aussitôt : «une défaite de Milo Djukanovic serait une catastrophe pour le Monténégro et les Balkans tout entiers».

Cinq sièges de députés garantis pour les Albanais

L'actuel ministre des minorités nationales dans le gouvernement monténégrin est un Albanais issu des rangs de l'UDSh. Les trois partis politiques albanais du pays se présenteront tous aux élections sous leurs propres couleurs, sans grand risque politique. La loi garantit en effet cinq mandats aux Albanais dans un Parlement qui compte un total de 71 membres, mais les partis «citoyens» pourraient supplanter les partis «ethniques» au sein même du corps électoral albanais. C'est du moins l'espoir d'Ibrahim Cungu, ancien chef de la police d'Ulcinj, qui a quitté le service public pour ouvrir un petit cabinet d'avocat, juste en face de la mairie. Albanais, Ibrahim Cungu est un ancien communiste et un militant, depuis sa création, du Parti social-démocrate, l'aile la plus clairement indépendantiste de la coalition gouvernementale monténégrine. «La coalition démocratique qui soutient le président Djukanovic présente quatre candidats albanais. Nous espérons bien supplanter les partis ethniques. Entre eux et nous, le problème tient surtout à l'ordre des priorités : nous pensons qu'il faut effectivement décentraliser le pays, mais avant tout, nous devons achever de construire l'Etat monténégrin, un Etat où les minorités nationales auront tous les droits».
Pour Fuad Nimani, l'éventuelle apparition d'une guérilla albanaise au Monténégro n'est pas à l'ordre du jour. «Cela ne pourrait être qu'une provocation. Et qui a intérêt à multiplier les provocations contre le Monténégro ? La Serbie !». Les Albanais du Monténégro savent bien une chose: sans leur soutien, l'option de l'indépendance n'a aucune chance de l'emporter.



par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 22/04/2001