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Balkans

Monténégro: la gueule de bois des indépendantistes

Les résultats des élections législatives au Monténégro dessinent un électorat coupé en deux entre les partisans du président Djukanovic et ceux qui sont favorables au maintien de la petite république au sein de la fédération yougoslave.
Dès minuit, dimanche soir, les militants pro-yougoslaves ont investi les rues de la capitale monténégrine Podgorica. Concert de klaxons, drapeaux serbes et yougoslaves, feux d'artifices, et un slogan répété sans fin: «Jugoslavija! Jugoslavija!» Tous les cas de figures avaient été prévus par les analystes et les instituts de sondage, sauf ce coude à coude. Selon des résultats encore partiels, la coalition «Ensemble pour la Yougoslavie» talonne les partisans du président monténégrin Milo Djukanovic. Les deux grands blocs devraient respectivement disposer de 33 et 35 sièges sur les 77 que compte le Parlement monténégrin. Les indépendantistes inconditionnels de l'Alliance libérale du Monténégro (LSCG), en légère progression, devraient obtenir près de 10% des voix et 6 sièges. Avec l'appui des Libéraux et des deux élus albanais, les partisans de Milo Djukanovic peuvent donc constituer une majorité parlementaire.

D'ores et déjà, ces élections font figure de d'échec pour le président monténégrin, qui est bien loin d'obtenir la majorité absolue qu'il escomptait. Milo Djukanovic se retrouve face à une véritable quadrature du cercle. Il n'obtiendra le soutien des Libéraux qu'à la condition de convoquer au plus vite un référendum d'autodétermination, mais les résultats de cet éventuel référendum paraissent plus aléatoires que jamais. En effet, le bloc pro-serbe a montré qu'il conservait toute sa force, et choisirait probablement, en cas de référendum, une stratégie de boycott qui ôterait toute légitimité à la consultation.

Les minorités ont voté pour l'indépendance

Dimanche soir, un nouvel électeur monténégrin ne cachait pas son amertume. Le Prince Nikola Petrovic Njegos de Monténégro a pu en effet accomplir pour la première fois son devoir électoral dans le pays de ses ancêtres. «Toute l'espérance qui s'était développée ces dernières années semble être réduite à néant. Le Monténégro se retrouve à la case départ», estime le Prince qui est aussi un architecte qui a passé toute sa vie en France. Beaucoup d'analystes de Podgorica partagent en effet cette analyse: le pays semble toujours traversé par les lignes de fracture ancestrales entre clans et tribus «serbophiles» et monténégrinistes».

Le camp de l'indépendance peut compter sur le soutien des minorités nationales, Slaves musulmans ou Albanais, mais parmi les Monténégrins orthodoxes, les pro-serbes se révèlent nettement majoritaires. C'est ainsi que de nombreuses communes où Milo Djukanovic s'était imposé ces dernières années ont basculé à nouveau dans le camp serbe, comme Bar ou Budva sur la côte adriatique, Berane dans le nord du pays. Pour le Prince Nikola, «le traumatisme de la guerre du Kosovo a puissamment joué contre Milo Djukanovic: comment se vouloir pro-occidental quand l'Occident a mené une telle guerre?» Le Prince reconnaît aussi que les changements démocratiques intervenus «ont permis aux apparatchiks autrefois liés à Slobodan Milosevic de se racheter à bon prix une virginité». Au lendemain de ce scrutin aux résultats inattendus, les indépendantistes monténégrins ont tous la gueule de bois.



par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 23/04/2001