Sénégal
Le «troisième tour» d'Abdoulaye Wade
Un peu plus d'un an après son arrivée au pouvoir, le leader du Parti démocrate sénégalais (PDS), s'apprête à connaître son premier véritable test électoral depuis sa victoire contre Abdou Diouf, à la présidentielle de mars 2000. Les Sénégalais ont encore du mal à percevoir ce que la victoire du pape du «sopi» leur a apporté. Mais le nouveau pouvoir assure que le véritable changement interviendra s'il remporte les législatives du 29 avril.
De notre envoyé spécial au Sénégal
Au volant de son taxi, Pape Sy a le sourire aux lèvres: «Dimanche je vote PDS. C'est vrai que Abdoulaye Wade n'a pas fait grand chose en un an. Mais c'est parce qu'il lui faut une majorité au parlement». Le propos résume bien le débat politique au Sénégal. Un an après son arrivée au pouvoir, les avis divergent sur le premier bilan du chef de l'Etat et sur la nécessité de lui offrir une seconde victoire.
Elu triomphalement après quarante ans de règne socialiste, le 19 mars 2000, l'ancien opposant «historique» a cristallisé l'espoir immense d'une vaste partie de la population lassée du régime d'Abdou Diouf. Mais à la veille des élections législatives anticipées du 29 avril, le sopi (changement en wolof), célèbre slogan du leader du Parti démocratique sénégalais, tarde à se concrétiser. «Les gens ont du mal à faire la différence entre avant et maintenant dans leur vie courante», constate Jacques Bugnicourt, secrétaire exécutif d'Enda, une organisation non-gouvernementale très active dans les quartiers défavorisés et les bidonvilles. Et de fait, souligne-t-il, «au moins trois cent milles personnes sur environ deux millions d'habitants de Dakar vivent toujours avec moins de 74 FCFA (74 centimes) par jour en cash».
Une majorité pour réformer
Dans l'entourage d'Abdoulaye Wade, on rétorque que c'est justement pour mettre fin à cette situation que son parti doit remporter le scrutin du 29 avril. «La majorité nous permettra d'engager des réformes en profondeur», assure Aziz Sow, conseiller spécial du président. Et ce proche d'Abdoulaye Wade de rétorquer à ceux qui l'accusent d'avoir déçu les électeurs d'énumérer les engagements tenus depuis un an: «Ce qui avait été assigné à cette première période de transition a été fait. L'ensemble des membres du Front pour l'alternance (FAL, coalition qui a porté l'actuel chef de l'Etat au pouvoir) s'étaient mis d'accord pour une réforme des institutions de la République, car il était difficile de bouleverser ce qui avait été fait pendant quarante ans».
En un an, ce sont principalement des réformes politiques qui ont été menées, avec l'adoption d'une nouvelle constitution en janvier, qui supprime notamment le Sénat et le Conseil économique et social, considérés comme inutiles et trop coûteux, mais n'instaure pas un régime parlementaire comme promis avant la présidentielle. Le nouveau pouvoir s'est par ailleurs lancé dans un audit des sociétés publiques, héritées de l'ancien régime, qui a déjà abouti à des arrestations dans le camp socialiste, où l'on crie au règlement de compte politique. Sur le plan social, le bilan est maigre, même si le nouveau régime a mis en place une réforme partielle des systèmes de recrutement de la fonction publique, gelés depuis plusieurs années, afin d'offrir des débouchés aux futurs enseignants.
«La coalition qui a chassé Diouf s'était mise d'accord sur des questions institutionnelles. Dans le programme s'étaient glissées des revendications sociales qu'ils ont eu tendance à oublier au profit des enjeux politiques. A commencer par la dissolution de l'Assemblée nationale (dominée par l'ancien parti dirigeant)», analyse Demba N'Diaye, journaliste à Sud quotidien et fin connaisseur de la politique sénégalaise. «Un an c'est court pour juger réellement le bilan économique de Wade», tempère Bira Guèye directeur du Journal de l'économie, même s'il estime que, sur ce plan, le pouvoir issu du scrutin de mars 2000 fait du «sur place». Le Sénégal a beau avoir bénéficié d'un taux de croissance non négligeable (5,3% en 1999, 5,5% en 2000), le pouvoir actuel vit selon lui encore largement sur les décisions prises par ses prédécesseurs.
L'opposition a donc beau jeu de crier à l'échec de l'alternance. Le Parti socialiste, comme l'Alliance des forces pour le progrès (AFP) de Moustapha Niasse, Premier ministre limogé en mars dernier, appellent de concert les électeurs à ne pas donner une majorité au PDS. Arrivé en troisième position au premier tour de la présidentielle, en février 2000, l'ancien cacique entré en dissidence du PS, avait soutenu Abdoulaye Wade au second tour. Mais la rupture est aujourd'hui consommée. Et le leader de l'AFP assure que le Sénégal est en «danger», menacé par un futur «Etat-PDS» qui succéderait à «l'Etat-PS».
Dans le camp présidentiel, on assure au contraire qu'en cas de victoire de la coalition de partis soutenant le chef de l'Etat, les choses sérieuses vont commencer. Les partisans d'Abdoulaye Wade entendent mettre en application son programme social-libéral, alliant efforts d'attraction des investissements étrangers, grands travaux et réformes des systèmes éducatifs et sanitaires. La tâche est immense, compte tenu de la misère d'une large part des sénégalais, à 75% âgés de moins de 35 ans. «Nous avons un coup à jouer, reconnaît Aziz Sow. Si nous le ratons nous sommes dehors dès les prochaines législatives». Et de fait, quels que soient les résultats du scrutin du dimanche, le camp du «vieux», comme l'appellent beaucoup de Sénégalais, joue gros.
Au volant de son taxi, Pape Sy a le sourire aux lèvres: «Dimanche je vote PDS. C'est vrai que Abdoulaye Wade n'a pas fait grand chose en un an. Mais c'est parce qu'il lui faut une majorité au parlement». Le propos résume bien le débat politique au Sénégal. Un an après son arrivée au pouvoir, les avis divergent sur le premier bilan du chef de l'Etat et sur la nécessité de lui offrir une seconde victoire.
Elu triomphalement après quarante ans de règne socialiste, le 19 mars 2000, l'ancien opposant «historique» a cristallisé l'espoir immense d'une vaste partie de la population lassée du régime d'Abdou Diouf. Mais à la veille des élections législatives anticipées du 29 avril, le sopi (changement en wolof), célèbre slogan du leader du Parti démocratique sénégalais, tarde à se concrétiser. «Les gens ont du mal à faire la différence entre avant et maintenant dans leur vie courante», constate Jacques Bugnicourt, secrétaire exécutif d'Enda, une organisation non-gouvernementale très active dans les quartiers défavorisés et les bidonvilles. Et de fait, souligne-t-il, «au moins trois cent milles personnes sur environ deux millions d'habitants de Dakar vivent toujours avec moins de 74 FCFA (74 centimes) par jour en cash».
Une majorité pour réformer
Dans l'entourage d'Abdoulaye Wade, on rétorque que c'est justement pour mettre fin à cette situation que son parti doit remporter le scrutin du 29 avril. «La majorité nous permettra d'engager des réformes en profondeur», assure Aziz Sow, conseiller spécial du président. Et ce proche d'Abdoulaye Wade de rétorquer à ceux qui l'accusent d'avoir déçu les électeurs d'énumérer les engagements tenus depuis un an: «Ce qui avait été assigné à cette première période de transition a été fait. L'ensemble des membres du Front pour l'alternance (FAL, coalition qui a porté l'actuel chef de l'Etat au pouvoir) s'étaient mis d'accord pour une réforme des institutions de la République, car il était difficile de bouleverser ce qui avait été fait pendant quarante ans».
En un an, ce sont principalement des réformes politiques qui ont été menées, avec l'adoption d'une nouvelle constitution en janvier, qui supprime notamment le Sénat et le Conseil économique et social, considérés comme inutiles et trop coûteux, mais n'instaure pas un régime parlementaire comme promis avant la présidentielle. Le nouveau pouvoir s'est par ailleurs lancé dans un audit des sociétés publiques, héritées de l'ancien régime, qui a déjà abouti à des arrestations dans le camp socialiste, où l'on crie au règlement de compte politique. Sur le plan social, le bilan est maigre, même si le nouveau régime a mis en place une réforme partielle des systèmes de recrutement de la fonction publique, gelés depuis plusieurs années, afin d'offrir des débouchés aux futurs enseignants.
«La coalition qui a chassé Diouf s'était mise d'accord sur des questions institutionnelles. Dans le programme s'étaient glissées des revendications sociales qu'ils ont eu tendance à oublier au profit des enjeux politiques. A commencer par la dissolution de l'Assemblée nationale (dominée par l'ancien parti dirigeant)», analyse Demba N'Diaye, journaliste à Sud quotidien et fin connaisseur de la politique sénégalaise. «Un an c'est court pour juger réellement le bilan économique de Wade», tempère Bira Guèye directeur du Journal de l'économie, même s'il estime que, sur ce plan, le pouvoir issu du scrutin de mars 2000 fait du «sur place». Le Sénégal a beau avoir bénéficié d'un taux de croissance non négligeable (5,3% en 1999, 5,5% en 2000), le pouvoir actuel vit selon lui encore largement sur les décisions prises par ses prédécesseurs.
L'opposition a donc beau jeu de crier à l'échec de l'alternance. Le Parti socialiste, comme l'Alliance des forces pour le progrès (AFP) de Moustapha Niasse, Premier ministre limogé en mars dernier, appellent de concert les électeurs à ne pas donner une majorité au PDS. Arrivé en troisième position au premier tour de la présidentielle, en février 2000, l'ancien cacique entré en dissidence du PS, avait soutenu Abdoulaye Wade au second tour. Mais la rupture est aujourd'hui consommée. Et le leader de l'AFP assure que le Sénégal est en «danger», menacé par un futur «Etat-PDS» qui succéderait à «l'Etat-PS».
Dans le camp présidentiel, on assure au contraire qu'en cas de victoire de la coalition de partis soutenant le chef de l'Etat, les choses sérieuses vont commencer. Les partisans d'Abdoulaye Wade entendent mettre en application son programme social-libéral, alliant efforts d'attraction des investissements étrangers, grands travaux et réformes des systèmes éducatifs et sanitaires. La tâche est immense, compte tenu de la misère d'une large part des sénégalais, à 75% âgés de moins de 35 ans. «Nous avons un coup à jouer, reconnaît Aziz Sow. Si nous le ratons nous sommes dehors dès les prochaines législatives». Et de fait, quels que soient les résultats du scrutin du dimanche, le camp du «vieux», comme l'appellent beaucoup de Sénégalais, joue gros.
par Christophe Champin
Article publié le 27/04/2001