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Etats-Unis

Birmingham règle ses comptes avec le Ku Klux Klan

Le procès d'un ex-membre du Ku Klux Klan s'est ouvert à Brimingham, dans l'Alabama. Thomas Blanton, 62 ans, est jugé pour un attentat raciste commis en 1963 contre une église noire, dans laquelle quatre jeunes filles avaient péri. Cette ville ségrégationniste, surnommée «Bombigham», tente d'enterrer son passé raciste.
De notre correspondant aux Etats-Unis

Ces derniers jours, Birmingham n'a guère d'autre choix que de renouer avec un passé peu glorieux. Un passé récent, dans lequel la ville s'était collé le surnom de «Bombigham», ou «Dynamite city», en référence aux attentats racistes dont elle était le théâtre. C'est là que s'est ouvert lundi le procès de Thomas Blanton, 62 ans. Cet ex-membre du Ku Klux Klan est accusé d'avoir participé à un des attentats racistes les plus révoltants de l'Amérique moderne. Le 15 septembre 1963, une charge de 19 bâtons de dynamite explose dans une église baptiste fréquentée par des Noirs. Denise McNair, 11 ans, est tuée. Ironie de l'histoire, elle est alors voisine et amie de la jeune Condoleeza Rice, aujourd'hui conseillère pour la sécurité nationale du président Bush. Addie Mae Collins, Cynthia Weslay et Carole Robertson, 14 ans, périssent également.

A l'époque, Birmingham est un symbole de l'Amérique sudiste raciste et ségrégationniste, hermétique aux cris de la communauté noire en pleine bataille pour l'égalité civique et la déségrégation. Le Ku Klux Klan est alors influent, violent, capable de faire régner la terreur et la loi du silence. Le gouverneur de l'époque, George Wallace, promet la «segregation for ever». La police disperse les femmes et les enfants qui manifestent aux côtés de Martin Luther King avec des chiens et des lances à incendie. Les émeutes raciales font rage, mais le meurtre des quatre fillettes agit comme un électrochoc sur l'opinion. Il dope le mouvement des droits civiques, et conduit les blancs modérés à se faire entendre. Toute une génération de Blancs du sud est façonnée par cette période. Une génération qui a produit Doug Jones, le procureur qui a rouvert le dossier trop longtemps enterré.

Un film de Spike Lee relance l'affaire

La justice a été curieusement lente. En 1965, quatre suspects sont identifiés, mais pas poursuivis. Le directeur du FBI de l'époque, J. Edgar Hoover, juge le cas fragile et classe le dossier -en 1980, un rapport du département de la justice révèlera qu'il avait dissimulé des preuves. Finalement, en 1977, un membre du Ku Klux Klan, Robert Chambliss, est inculpé de meurtre. Il est affublé d'un surnom digne de la ville qui l'a produit : «Dynamite Bob». Il meurt en prison huit ans plus tard, alors qu'il purge une peine à vie. Rares sont ceux qui pensent que Chambliss a agi seul, mais le dossier se perd de nouveau. Il faut un documentaire poignant de Spike Lee, en 1997, pour relancer l'affaire. Le film s'appelle «Quatre petites filles», il est nominé pour les Oscars. Le lendemain de sa sortie, le FBI s'attaque de nouveau à l'affaire, en parlant de «plaie ouverte dans l'histoire de l'Amérique».

«Un retard de 38 ans n'est pas vraiment une source d'allégresse ou d'encouragement, écrit la congrégation en charge de l'église. Mais nous croyons vraiment qu'il n'est jamais trop tard pour faire ce qui est bien». Pourtant, le deuxième suspect meurt en 1994 sans jamais avoir été inquiété par la justice. Quant au troisième, Bobby Frank Cherry, il n'a pour l'instant pas eu à affronter les jurés, les médecins l'ayant déclaré mentalement incompétent. Restait donc Thomas Blanton, aujourd'hui derrière les barreaux. «Il est nerveux, effrayé comme le serait tout être humain sous une telle attention», a déclaré son avocat. Mais il nie les faits de meurtre avec circonstances aggravantes, pour lesquels il risque la prison à vie. Le procès n'en est toutefois qu'à ses prémices. Les avocats se penchent actuellement sur des questionnaires remplis par les jurés potentiels, pour tenter de déterminer leur impartialité. La procédure n'est pas anodine. Si le juge James Garrett estime qu'il ne peut rassembler un jury impartial, il envisage de délocaliser le procès, ce qui épargnerait à la ville un douloureux examen de conscience.



par Philippe  Bolopion

Article publié le 18/04/2001