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Etats-Unis

La sortie ratée de Bill Clinton

Dernier épisode d'une série de scandales assombrissant le départ des Clinton de la Maison blanche : l'ex-président a accordé son pardon présidentiel à Marc Rich, un milliardaire réfugié en Suisse pour fraude fiscale. Or, Denise Rich, ex-épouse du financier, a fait de nombreux cadeaux aux époux Clinton, et au parti démocrate. La justice fédérale a ouvert une enquête criminelle.
De notre correspondant à New York

Aux dernières heures de sa présidence, Bill Clinton a signé un document de trop. Le 19 février dernier, il reconnaissait avoir menti à la justice, se prémunissant ainsi contre des poursuites ultérieures dans l'affaire Lewinsky. Ce même jour, il accordait son pardon présidentiel à un multi-milliardaire délinquant, le financier Marc Rich. Cette décision devait le ramener dans le collimateur de la justice. La presse a d'abord alerté l'opinion publique sur une décision jugée choquante.

Marc Rich n'a pas fait face à la justice de son pays, il n'a jamais payé pour ses crimes : fraude fiscale de 48 millions de dollars et participation à des contrats pétroliers illégaux avec l'Iran. En 1983, il a fui en Suisse où il coule des jours paisibles.

Les éditorialistes étaient sur le point de lâcher l'affaire, la grâce présidentielle étant un droit régalien. Mais des éléments nouveaux ont conduit le Sénat et la Chambre des représentants à ouvrir une enquête parlementaire. Denise Rich, l'ex-épouse de Marc Rich, a très généreusement contribué à la cause démocrate.

Elle a notamment fait don de 450 000 dollars pour la future bibliothèque d'archives présidentielles de Bill Clinton, elle a financé le Parti démocrate pour plus d'un million de dollars et la campagne sénatoriale d'Hillary Clinton pour au moins 109 000 dollars. Délicate attention, elle a même offert des meubles aux Clinton.

Les Clinton ont-ils emporté la vaisselle de la Maison blanche?

C'en était trop, pour le procureur fédéral de Manhattan, Mary Joe White, encore fâchée de n'avoir pas été consultée avant sur ce pardon. Avec le directeur du FBI, elle a annoncé l'ouverture d'une enquête criminelle. La justice devra déterminer si Denise Rich a servi d'intermédiaire illégal à des dons émanant en fait de son mari.

En d'autres termes, M. Rich a-t-il ou non acheté sa grâce présidentielle de manière indirecte ? Pour l'instant, la défense de Bill Clinton est un peu légère : "Comme je l'ai répété, j'ai pris la décision de pardonner Marc Rich en pensant que c'était la bonne chose à faire (...). Toutes les allégations selon lesquelles des facteurs malhonnêtes, comme la levée de fonds pour (le Parti démocrate) ou ma bibliothèque, ont eu quelque chose à voir avec ma décision sont complètement fausses". Même les ténors démocrates commencent à lâcher Clinton. Pour le sénateur de New York, Charles Schumer, "la grâce accordée à un fugitif chamboule notre système judiciaire criminel et le réduit à une farce". Il ne reste guère que le président Bush, sans doute lassé d'être éclipsé de la Une des journaux par son encombrant prédécesseur, pour proposer de "tourner la page".

Depuis son départ, le couple le plus populaire d'Amérique ne cesse de défrayer la chronique. Les Clinton ont quitté la Maison Blanche avec l'équivalent de 190 000 dollars en vaisselle, tapis, meubles, électro-ménager (etc.) qui ne leurs appartenaient vraisemblablement pas tous. Ils ont remboursé 86 000 dollars, avant de restituer provisoirement pour 28 000 dollars de cadeaux. Bill Clinton a ensuite été villipendé pour avoir tenté d'installer ses bureaux d'ancien président au 56ème étage d'un gratte-ciel avec vue sur l'Hudson et sur Central Park. Coût de la fantaisie pour le contribuable : 650 000 dollars par an, plus que tous les loyers des anciens présidents réunis.
Il regarde maintenant du côté du quartier plus populaire de Harlem. De là, si ses clients ne sont pas rebutés par une image de marque pour le moins ternie, il préparera ses discours facturés aux grandes entreprises plus de 100 000 dollars pièce. La sénateur Hillary pourrait aussi baisser dans l'estime des Américains. Non seulement elle a profité des cadeaux, mais elle a rentabilisé ses années noires à la maison blanche, en signant avec un éditeur un contrat de 8 millions de dollars, pour un livre sur le sujet dont elle n'a pas encore écrit une ligne. C'est légalement très limite et moralement inacceptable, selon les médias qui promettent de s'en souvenir si elle est un jour candidate à la présidence.



par Philippe  Bolopion

Article publié le 16/02/2001