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Sénégal

La «révolution tranquille»

Avec la victoire écrasante du camp d'Abdoulaye Wade, la grande majorité des électeurs a voulu mettre un terme définitif au règne du Parti socialiste. Avec très probablement plus de 90 députés sur 120, la coalition présidentielle aura plus que les moyens de mener ses réformes. Le défi n'en sera que plus grand pour un chef de l'Etat toujours porteur de l'espoir de changement des Sénégalais.
De notre envoyé spécial au Sénégal

S'il fallait retenir une leçon des élections législatives du 29 avril, c'est qu'elles ont déjoué tous les pronostics. Si beaucoup s'attendaient à une victoire de la «Coalition Sopi», formée autour du Parti démocratique sénégalais (PDS) d'Abdoulaye Wade, personne, y compris parmi les proches du chef de l'Etat, n'avait prévu un tel raz-de-marée. A en croire les derniers résultats disponibles, le PDS devrait en effet remporter plus de 90 députés sur 120 à l'Assemblée nationale.

Qui du Parti socialiste de l'ancien président Diouf ou de l'AFP de l'ancien premier ministre Moustapha Niasse, remportera la deuxième place ? D'après des chiffres provisoires, ce mardi après-midi, l'ancien parti dirigeant est legèrement distancé par le mouvement du dissident socialiste. «Quoi qu'il en soit, à nous deux nous ne ferons pas plus de 25% de voix», estime, résigné, Khalifa Sall, secrétaire chargé des élections au PS. Mais le fait que celui-ci se voie disputer la place de première formation d'opposition confirme son effondrement. Le Parti socialiste, qui dominait le parlement sortant, subit une véritable claque électorale, y compris dans des anciens fiefs comme Thiès, Mbour (au sud de Dakar), la ville du secrétaire général du PS Ousmane Tanor Dieng, voire la Casamance, où le PDS a réussi une percée historique.

La descente aux enfers du PS

«Les Sénégalais ont voulu donner à Abdoulaye Wade les moyens de sa politique», admet, beau joueur, Khalifa Sall. Mais la pilule est dure à avaler : «Nous ne nous attendions pas à gagner mais à obtenir au moins un score nous permettant d'avoir un vrai rôle d'opposant, ce qui ne sera pas le cas.» Même état d'esprit dans la formation de Moustapha Niasse : «Nous pensions que ce pays avait ouvert des perspectives intéressantes pour la démocratie sénégalaise, le 19 mars 2000. Nous espérions alors la fin du parti dominateur. Nous veillerons à ce que la constitution soit respectée», nous a déclaré Mamadou Ly, secrétaire national chargé de l'administration de l'AFP.

Compte tenu de leur faible représentation au parlement, les trois principales formations revendiquant l'héritage du premier président sénégalais, Léopold Sédar Senghor, seront obligées de s'entendre pour espérer, sinon faire entendre leur voix, au moins récupérer des suffrages lors de futures échéances électorales. «Il est évident qu'il faut engager la refondation de notre parti. D'autre part, un camp socialiste divisé n'a aucune chance de revenir aux affaires dans cinq ans», reconnaît Khalifa Sall.

La victoire écrasante de la coalition présidentielle illustre en tous cas le rejet en bloc d'un Parti socialiste usé et miné par les affaires. Et ce malgré le bilan mitigé de la première année de pouvoir du président Wade. Les Sénégalais ont beau toujours attendre le «sopi», ils ont tout sauf sanctionné sa gestion, préférant au contraire lui laisser les mains libres pour mener ses réformes. Le défi n'en sera que plus grand. Face aux attentes immenses des Sénégalais, l'état de grâce pourrait être de courte durée. Coïncidence : les derniers décomptes de ces législatives interviennent en pleine fête du travail, où les syndicats en profitent généralement pour présenter leurs doléances.



par Christophe  Champin

Article publié le 01/05/2001