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Guerre d''Algérie

Chirac veut sanctionner le tortionnaire d'Alger

En France, le livre-confession du général Aussaresses provoque des réactions «horrifiées». Jacques Chirac réclame des sanctions disciplinaires contre l'ancien responsable des services de renseignement français au moment de la guerre d'Algérie.
Un sentiment d'horreur. C'est ce qu'exprime Jacques Chirac dans un communiqué diffusé ce vendredi. Le chef de l'Etat «condamné une nouvelle fois les atrocités, les actes de torture, les exécutions sommaires et les assassinats qui ont pu être commis pendant la guerre d'Algérie». «Rien ne saurait jamais les justifier», poursuit le texte publié par l'Elysée.

Le chef de l'Etat ne s'en tient pas à cette condamnation de principe après l'aveu du général Aussaresses qui reconnaît dans son livre («Services spéciaux, Algérie 1955-1957») avoir pratiqué la torture et avoir organisé l'assassinat du chef du FLN algérois, Larbi Ben M'Hidi dont la famille envisage de porter plainte à la suite de ces révélations. Jacques Chirac demande que «des sanctions disciplinaires contre ce général» lui soient proposées par le ministre de la Défense. Le président français réclame également la suspension du général Aussaresses dans l'ordre de la légion d'honneur. «On va regarder les sanctions disciplinaires qui peuvent être prises», a aussitôt répondu Alain Richard, le ministre de la Défense.

Aussaresses: «pas de repentance»

Pour sa part, le général Aussaresses persiste et signe. Il se refuse à «tout acte de repentance» car «ce comportement est contraire à l'histoire». Et le général tortionnaire d'expliquer dans un texte adressé à l'AFP qu'il a été appelé «à son corps défendant» pour lutter contre les attentats aveugles du FLN «sachant qu'on ne pouvait arriver à un tel résultat sans malheureusement se salir les mains».

Les révélations du général Aussaresses et son attitude (il n'exprime pas de regrets) ont provoqué l'indignation d'une partie de la classe politique. Le Premier ministre, Lionel Jospin fait part de sa «totale condamnation morale». La ministre de la Justice Marylise Lebranchu a exprimé son «effroi» tout en soulignant que «les poursuites judiciaires semblent a priori difficiles eu égard aux règles de prescription (et) à l'amnistie propre aux événements d'Algérie».

De Londres, Amnesty International a appelé la France à «respecter ses obligations juridiques» et à poursuivre les auteurs de crimes contre l'humanité. Le témoignage «répugnant» du général Aussaresses tend à confirmer aux yeux de Michel Tubiana, le président de la Ligue des droits de l'homme, que «la responsabilité des autorités politiques françaises était pleine et entière».

L'autre volet du témoignage du général Aussaresses concerne le rôle de François Mitterrand qui était ministre de la Justice à l'époque des faits et que le militaire affirme avoir tenu informé de son activité de tortionnaire par l'intermédiaire d'un émissaire. Il s'agit des «affabulations d'un vieillard et tout cela est un tissu de mensonges», répond André Rousselet l'ancien chef de cabinet de François Mitterrand lorsque ce dernier était Garde des sceaux.

Dans la classe politique, commentaire acide de la part de Jean-Louis Debré président du groupe RPR à l'Assemblée nationale: «il a 83 ans et il m'a plutôt fait pitié». Mais le chef de file des gaullistes dans l'hémicycle appelle à ne pas rouvrir les blessures: «ne redéchirons pas la France avec cette affaire. Laissons les historiens faire leur travail (à) ce n'était pas une période glorieuse». Le député Vert Noël Mamère réclame pour sa part la constitution d'une commission d'enquête parlementaire sur les tortures pendant la guerre d'Algérie. Une demande contestée par François Loncle, président socialiste de la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale pour qui «le Parlement n'a pas vocation à se transformer en institut d'histoire permanent».




par Philippe  Couve

Article publié le 04/05/2001