Italie
Rutelli sur les traces de Berlusconi
Son adversaire Silvio Berlusconi a une fois de plus refusé de participer à un duel télévisé avec Rutelli. Et pourtant, les deux candidats à la succession de Giuliano Amato ont de nombreux points en commun.
L'impôt sur le revenu comme le lieu de naissance opposent nettement Silvio Berlusconi et Francesco Rutelli. Le premier est plusieurs fois milliardaire et lombard, le second n'est même pas millionnaire et romain. Silvio est un redoutable financier, et les taux lombards n'ont jamais eu de secrets pour cet enfant d'un modeste employé d'une sulfureuse banque d'affaires milanaise. Francesco est le fils d'un architecte, n'a que 47 ans et a presque toujours fait de la politique, en changeant souvent de casquette.
Tous les deux savent parfaitement communiquer, à la télévision comme sur les estrades de la péninsule. Ils ont l'ambition d'accéder au pouvoir politique, mais Rutelli a une longueur d'avance sur le magnat de la télé-paillettes: il est plus jeune. Son arrivée inattendue sur le devant de la scène politique italienne, en octobre denier, a surpris tout le monde, à commencer par Berlusconi lui même, qui aurait préféré ferrailler avec un vrai «ennemi»: le «communiste D'Alema», comme il aime répéter, en faisant semblant d'oublier que l'ancien Premier ministre préside depuis longtemps le parti des Démocrates de gauche. En fait Rutelli a une fois de plus imitéà Berlusconi, qui en 1993 avait décidé soudainement «d'entrer en politique», suite à la mise en accusation de ses deux principaux «parrains»: le socialiste Craxi et le démocrate-chrétien Andreotti.
Y a-t-il une réelle différence entre Silvio et Francesco?
Après avoir subi deux importantes défaites lors des élections européennes et régionales (en 1999 et 2000), la coalition de l'Olivier au pouvoir depuis 1996 paraissait alors en lambeaux et sans timonier. Pire, avec trop de prétendants (officieux mais réels) à la direction d'une coalition affichant quotidiennement ses divisions et ses querelles de personnes. La législature avait démarrée sous la présidence de Romano Prodi, qui avait ensuite été victime d'une véritable conjuration politicienne ourdie par Massimo D'Alema, qui avait aussitôt pris sa place. Avant de connaître le même sort. C'est Giuliano Amato, autrefois bras droit de Craxi, qui lui a succédé à la présidence du conseil des ministres, mais ce n'est pas lui que les différents partis qui composent l'Olivier ont choisi pour mener la bataille électorale face à Berlusconi. Image oblige. A moins que les principaux ténors de l'Olivier n'aient décidé de ne pas affronter Berlusconi, par crainte de subir une défaite retentissante et mille fois annoncée par les sondages comme par les résultats électoraux. Une situation d'autant plus paradoxale et presque incompréhensible, que les gouvernements successifs de centre-gauche peuvent se targuer d'un bilan plutôt positif -et reconnu même à droite: entrée dans la zone euro, reforme de la poste comme des chemins de fer, réduction du taux de chômage et un PIB qui flirte avec le 3%. Mais, visiblement, ce «message» ne passait pas.
Ainsi, l'enfant gâté de la politique Francesco Rutelli, maire très consensuel d'une capitale plus que jamais provinciale, décide d'abandonner le Capitole pour se battre pour le Palais Chigi, le Matignon italien. Non sans atouts et en dépit du soutien très discret d'une coalition très loser, Rutelli est parvenu en quelques mois seulement à faire oublier son passé politique plutôt cahotant pour quelqu'un qui prétend devenir «le maire de tous les Italiens», parce qu'il a su administrer une ville difficile -sinon impossible- à gérer: Rome.
Francesco Rutelli est entré en politique à 17 ans, aux cotés d'un autre bourgeois-bohème: Marco Pannella, qui dirige toujours un parti radical engagé surtout dans des batailles pour «faire bouger la société italienne» (droit au divorce et à l'avortement, référendums et grèves de la faim à répétition). Rutelli est alors anti-clérical et anti-militariste. Mais, il n'y a pas de place pour deux vedettes masculines, au parti radical de Marco Pannella et d'Emma Bonino. Dix ans plus tard, Rutelli adhère au parti des Verts et accède au Parlement. Il n'a alors que 29 ans. Quelques années plus tard, le voilà ministre de l'Environnement et maire de Rome.
Dès que Romano Prodi s'impose sur la scène politique italienne, Rutelli change une fois de plus de monture: il quitte les Verts pour le petit parti des Démocrates du futur président de la Commission européenne. Avant de mettre sur pied, tout récemment, une mini-coalition -appelée Marguerite- qui regroupe, au sein de l'Olivier, quatre petits partis de centre-gauche. Ce papillonnage quelque déconcertant ne l'a pour autant pas empêché de se faire apprécier par les Romains. Et même par le pape, dont l'ancien maire se dit aujourd'hui «ami» . En fait, à l'occasion du Jubilé 2000, Rutelli a su gérer avec succès, en tant que Commissaire du gouvernement, un dossier délicat qui aurait pu provoquer de nombreuses frictions entre les deux rives politiques du Tibre: l'Etat du Vatican et l'Italie républicaine.
En proposant aujourd'hui aux Italiens de «rénover l'Italie ensemble», Rutelli ne prend pas trop de risques. Sinon celui de mécontenter tous ceux qui, sur sa gauche, auraient souhaité un programme plus conforme à leurs attentes politiques ou idéologiques. Ceux-ci vont vraisemblablement porter leur choix sur Fausto Bertinotti, qui dirige Refondation communiste: un parti qui a repris le flambeau de toutes l'extrême-gauche italienne et a d'ores et déjà choisi d'être à l'opposition. Quant aux autres, ils pourraient rejoindre les rangs, de plus ne plus fournis, des abstentionnistes.
Ces déçus de la gauche post-communiste pourraient ainsi sanctionner une coalition qui a perdu son âme -et ses électeurs- en cours de route. Ils ont du mal à se reconnaître dans un leader post-moderne que certains médias osent comparer à l'acteur Alberto Sordi, auquel il ressemblerait quelque peu. La plupart des Italiens aiment beaucoup cicciobello, le «beau gosse» des bourgades romaines, mais nombreux sont ceux qui ont du mal à percevoir la différence réelle qui sépare Francesco et Silvio.
Tous les deux savent parfaitement communiquer, à la télévision comme sur les estrades de la péninsule. Ils ont l'ambition d'accéder au pouvoir politique, mais Rutelli a une longueur d'avance sur le magnat de la télé-paillettes: il est plus jeune. Son arrivée inattendue sur le devant de la scène politique italienne, en octobre denier, a surpris tout le monde, à commencer par Berlusconi lui même, qui aurait préféré ferrailler avec un vrai «ennemi»: le «communiste D'Alema», comme il aime répéter, en faisant semblant d'oublier que l'ancien Premier ministre préside depuis longtemps le parti des Démocrates de gauche. En fait Rutelli a une fois de plus imitéà Berlusconi, qui en 1993 avait décidé soudainement «d'entrer en politique», suite à la mise en accusation de ses deux principaux «parrains»: le socialiste Craxi et le démocrate-chrétien Andreotti.
Y a-t-il une réelle différence entre Silvio et Francesco?
Après avoir subi deux importantes défaites lors des élections européennes et régionales (en 1999 et 2000), la coalition de l'Olivier au pouvoir depuis 1996 paraissait alors en lambeaux et sans timonier. Pire, avec trop de prétendants (officieux mais réels) à la direction d'une coalition affichant quotidiennement ses divisions et ses querelles de personnes. La législature avait démarrée sous la présidence de Romano Prodi, qui avait ensuite été victime d'une véritable conjuration politicienne ourdie par Massimo D'Alema, qui avait aussitôt pris sa place. Avant de connaître le même sort. C'est Giuliano Amato, autrefois bras droit de Craxi, qui lui a succédé à la présidence du conseil des ministres, mais ce n'est pas lui que les différents partis qui composent l'Olivier ont choisi pour mener la bataille électorale face à Berlusconi. Image oblige. A moins que les principaux ténors de l'Olivier n'aient décidé de ne pas affronter Berlusconi, par crainte de subir une défaite retentissante et mille fois annoncée par les sondages comme par les résultats électoraux. Une situation d'autant plus paradoxale et presque incompréhensible, que les gouvernements successifs de centre-gauche peuvent se targuer d'un bilan plutôt positif -et reconnu même à droite: entrée dans la zone euro, reforme de la poste comme des chemins de fer, réduction du taux de chômage et un PIB qui flirte avec le 3%. Mais, visiblement, ce «message» ne passait pas.
Ainsi, l'enfant gâté de la politique Francesco Rutelli, maire très consensuel d'une capitale plus que jamais provinciale, décide d'abandonner le Capitole pour se battre pour le Palais Chigi, le Matignon italien. Non sans atouts et en dépit du soutien très discret d'une coalition très loser, Rutelli est parvenu en quelques mois seulement à faire oublier son passé politique plutôt cahotant pour quelqu'un qui prétend devenir «le maire de tous les Italiens», parce qu'il a su administrer une ville difficile -sinon impossible- à gérer: Rome.
Francesco Rutelli est entré en politique à 17 ans, aux cotés d'un autre bourgeois-bohème: Marco Pannella, qui dirige toujours un parti radical engagé surtout dans des batailles pour «faire bouger la société italienne» (droit au divorce et à l'avortement, référendums et grèves de la faim à répétition). Rutelli est alors anti-clérical et anti-militariste. Mais, il n'y a pas de place pour deux vedettes masculines, au parti radical de Marco Pannella et d'Emma Bonino. Dix ans plus tard, Rutelli adhère au parti des Verts et accède au Parlement. Il n'a alors que 29 ans. Quelques années plus tard, le voilà ministre de l'Environnement et maire de Rome.
Dès que Romano Prodi s'impose sur la scène politique italienne, Rutelli change une fois de plus de monture: il quitte les Verts pour le petit parti des Démocrates du futur président de la Commission européenne. Avant de mettre sur pied, tout récemment, une mini-coalition -appelée Marguerite- qui regroupe, au sein de l'Olivier, quatre petits partis de centre-gauche. Ce papillonnage quelque déconcertant ne l'a pour autant pas empêché de se faire apprécier par les Romains. Et même par le pape, dont l'ancien maire se dit aujourd'hui «ami» . En fait, à l'occasion du Jubilé 2000, Rutelli a su gérer avec succès, en tant que Commissaire du gouvernement, un dossier délicat qui aurait pu provoquer de nombreuses frictions entre les deux rives politiques du Tibre: l'Etat du Vatican et l'Italie républicaine.
En proposant aujourd'hui aux Italiens de «rénover l'Italie ensemble», Rutelli ne prend pas trop de risques. Sinon celui de mécontenter tous ceux qui, sur sa gauche, auraient souhaité un programme plus conforme à leurs attentes politiques ou idéologiques. Ceux-ci vont vraisemblablement porter leur choix sur Fausto Bertinotti, qui dirige Refondation communiste: un parti qui a repris le flambeau de toutes l'extrême-gauche italienne et a d'ores et déjà choisi d'être à l'opposition. Quant aux autres, ils pourraient rejoindre les rangs, de plus ne plus fournis, des abstentionnistes.
Ces déçus de la gauche post-communiste pourraient ainsi sanctionner une coalition qui a perdu son âme -et ses électeurs- en cours de route. Ils ont du mal à se reconnaître dans un leader post-moderne que certains médias osent comparer à l'acteur Alberto Sordi, auquel il ressemblerait quelque peu. La plupart des Italiens aiment beaucoup cicciobello, le «beau gosse» des bourgades romaines, mais nombreux sont ceux qui ont du mal à percevoir la différence réelle qui sépare Francesco et Silvio.
par Elio Comarin
Article publié le 10/05/2001