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Corée

Triste journée à Pyongyang

Pays fermé, interdit à la presse, la Corée du Nord vient de faire une exception en accueillant quelques journalistes. Notre envoyée spéciale a pu se rendre à Pyongyang, la capitale du dernier pays stalinien de la planète.
De notre envoyée spéciale en Corée du Nord

Il est 7 heures, une sirène retentit dans les rues de Pyongyang, une nouvelle journée commence. Quelques rares voitures et bus circulent. Sur les trottoirs, une foule silencieuse se presse. Même ceux qui vont par deux échangent rarement une parole. Les regards sont vagues, tristes et les chants patriotiques diffusés par de gigantesques haut-parleurs ne semblent plus convaincre personne.

La morosité ambiante est encore accentuée par les tenues des habitants de la capitale. Des vêtements ternes et sombres, la plupart du temps usagés. Tout laisse à croire que les garde-robes n'ont pas été renouvelées depuis trente ans. Même les uniformes des écoliers sont restés les mêmes: une jupe ou un pantalon bleu, un foulard rouge et une chemise blanche à laquelle chacun accroche un badge des jeunesses communistes. Les adultes, eux, arborent un petit portrait de Kim Il-Sung, le grand leader. Ces pin's, ajoutés aux drapeaux nationaux qui bordent les avenues et aux gigantesques fresques de propagande à la gloire de l'éternel dirigeant de Corée du Nord, constituent quasiment la seule touche de couleur dans la ville. Pyongyang est sombre. Ses immeubles gris et vétustes, ses monuments massifs, ses larges avenues, ses places vides dégagent une atmosphère glaciale. Il n'y a pas la moindre vie de quartier: pas une terrasse de café, pas un marchand de journaux ou de tabac, pas un stand de nourriture.

Grands magasins lugubres

Entre le Koryo Hôtel et la gare, en plein centre, se trouve l'un des grands magasins de Pyongyang. Un bâtiment sinistre qui, a priori, n'incite pas au lèche-vitrine. Aucune enseigne ne clignote pour attirer l'oeil du passant, les produits exposés derrière les vitres semblent installés là depuis des années: les étiquettes sont jaunies, les boîtes de conserve rouillées. A l'intérieur, la lumière qui traverse les fenêtres constitue le seul éclairage. On est loin de la cohue: seuls quelques badauds errent de stands en stands, mais ils n'achètent rien. Les prix exorbitants ne les poussent pas à la dépense. Avec le salaire mensuel moyen, 100 won (50 dollars) les habitants de Pyongyang peuvent s'offrir 7 T-shirts pour enfants, 5 cartables ou 5 mètres de coton. «Un tissu de luxe ici parce qu'il est importé», nous explique-t-on.

En ressortant dans la rue, on croise quelques restaurants, une pharmacie. Là encore, pas le moindre éclairage. Personne n'en pousse la porte, même à l'heure du déjeuner. Pourtant, on se trouve dans l'une des artères les plus renommées de la capitale nord-coréenne, à deux pas de ce que l'on surnomme «la ville interdite», ce pâté d'immeubles où vit la Nomenklatura et au sein duquel ni la population locale, ni les étrangers n'ont le droit de pénétrer.

La nuit tombe vers 20 heures. Pyongyang se trouve alors plongée dans l'obscurité la plus totale. Faute de ressources suffisantes en électricité, l'éclairage public est inexistant. Même en pleine journée, dans les souterrains qui permettent de traverser les grandes avenues, on ne voit pas à un mètre devant soi. Le soir, l'atmosphère est plus angoissante encore. Les habitants qui déambulent dans les rues font penser à une armée de fantômes qui errent sans but. Sur les bords de la rivière Taedong, qui partage la ville en deux, quelques badauds pêchent. Depuis leur emplacement, ils aperçoivent les lumières de l'hôtel Yanggakdo, l'un des deux hôtels internationaux de la capitale. Son sous-sol vaut le détour: il abrite le seul casino de Pyongyang, une discothèque et un sauna. On y croise uniquement des étrangers. L'entrée est, en effet, interdite aux nord-coréens moyens. Ces derniers ne pourraient de toutes façons pas s'y divertir: le règlement des consommations et les mises se font en dollars.



par Nathalie  Tourret

Article publié le 19/05/2001