Liban
Le Sud Liban libéré mais toujours abandonné
Un an après le retrait israélien (22-24 mai 2000), l¬ex-zone occupée au Sud Liban est aujourd¬hui plongée dans l¬inquiètude et la morosité. La région frontalière attend toujours l¬aide promise par l¬Etat libanais pour sortir du marasme économique. L¬heure est au désenchantement dans la population qui, en outre, supporte mal la main-mise du Hezbollah et de la milice Amal sur la sécurité et la vie quotidienne.
De notre envoyé spécial au Liban
«Pendant l¬occupation israélienne, nous avions l¬argent mais pas la dignité. Aujourd¬hui nous avons la dignité mais plus d¬argent.» Ce propos désabusé d¬un commercant de Kfar Kila, un village chiite de l¬ex-zone occupée par Israël, resume bien le désenchantement qui règne actuellement dans la région. Un an après le retrait des troupes israéliennes, la population se sent abandonnée par l¬Etat libanais. «Le changement a bien eu lieu, mais vers le vide, explique un médecin de Marjayoun. Regardez ces restaurants dessertés alors qu¬ils étaient toujours pleins avant le retrait. L¬activité économique est aujourd¬hui nulle et les gens pensent surtout à quitter la région.»
Pendant l¬occupation, la zone vivait sous perfusion financière israélienne. Ainsi, un membre d¬une famille intégré dans l¬Armée du Liban Sud (ALS), la milice supplétive de l¬Etat hébreu, et un autre travaillant en Israël pouvaient ramener 1 500 dollars par mois à la maison. Une carte de sécurité sociale à 60 dollars par an leur fournissait un accès bon marché aux soins médicaux tandis que l¬eau et l¬électricité étaient gratuites. Avec la fin de ce système, une grande partie de la population a perdu ses sources de revenus.
Or, pour des raisons tout autant politiques que financières û«les caisses de l¬Etat sont vides»- , les autorités libanaises n¬ont pas débloqué les investissements indispensables pour reconvertir l¬économie locale, reconstruire les infrastructures et créer de nouveaux emplois. Les routes sont toujours dans un état lamentable et les services publics absents des villages. A Marjayoun, quelques nouvelles lignes téléphoniques ont toutefois été installées et une poste s¬est ouverte. Mais l¬hôpital, lui, est resté fermé pendant un an faute de moyens financiers mais également à cause d¬une querelle entre le Hezbollah et la milice Amal pour son contrôle.
Car depuis la libération, «les deux milices chiites se sont partagées le gateau, explique un observateur local. L¬hôpital de Bint Jbail est passés aux mains du Hezbollah et celui de Marjayoun dans celles d¬Amal». Mais sur le terrain, ce sont les militants du Hezbollah qui tiennent le haut du pavé, même s¬ils sont discrets. La nuit, ils patrouillent le long de la frontière et dans les villages, parfois sur des motos. «L¬ancienne milice de l¬ALS a simplement été remplacée par une nouvelle, le Hezbollah», constate un habitant du village d¬Alma Al-Chaab, sur les hauteurs de Naqoura.
Un climat de peur et de suspicion
Le choix de cette cible par les Israéliens est lourd de signification : le col de Dahr el-Baïdar, par lequel passe la route internationale Beyrouth-Damas, commande l'accès à la capitale syrienne. En neutralisant la station radar qui s'y trouve, l'aviation israélienne est à deux minutes de vol de Damas qu'elle peut désormais attaquer pratiquement sans être détectée. Les avions peuvent en effet emprunter le couloir de la plaine de la Bekaa tout en étant protégés des radars syriens par les chaînes montagneuses du Mont-Liban et de l'Anti-Liban.
Cette escalade est intervenue au lendemain d'une attaque menée par le Hezbollah contre un char israélien dans le secteur des fermes de Chebaa. Cette région de 20 kilomètres carrés, occupée par Israël depuis 1967, est revendiquée par le Liban. Mais l'ONU estime qu'elle appartient à la Syrie et qu'elle n'est donc pas concernée par la résolution 425, du Conseil de sécurité exigeant le retrait immédiat des troupes israéliennes de tout le territoire libanais.
Israël, qui accuse depuis des années Damas de soutenir et d'encourager les actions du Hezbollah, a mis ses menaces à exécution. Désormais, l'armée syrienne n'est plus à l'abri au Liban et sera touchée par les représailles israéliennes. C'est «Cette situation est dangereuse car la sécurité, qui devrait être assuré par l¬Etat libanais, est devenue du ressort d¬une milice», ajoute le curé d¬un village chrétien. Sous la pression de Damas, le gouvernement libanais refuse en effet de sécuriser sa frontière avec Israël et de déployer son armée tant que les fermes de Chebaa resteront occupées par l¬Etat hébreu. Résultat : seuls 1000 soldats et gendarmes ont été affectés dans l¬ex-zone occupée. Ce vide étatique a créé au fil des mois un climat de peur et de suspicion dans la population.
Selon un expert des affaires du Sud Liban, le Hezbollah serait d¬ailleurs derrière les explosions récentes de voitures d¬ex-miliciens de l¬ALS dans les village musulmans de Houla, Ait Aroun, Addaissé et Kfar Hamam. Il ne s¬agirait pas de «vengeances personnelles» comme le prétendent les villageois car à Houla, 300 grammes d¬explosifs ont été déposés sous le véhicule d¬un ex-membre de l¬ALS. «On ne peut pas se procurer une telle quantité si on n¬appartient pas au Hezbollah, poursuit cet expert. Le Parti de Dieu adresse ainsi un double message. D¬abord, aux anciens miliciens de l¬ALS qui vont être prochainement libérés : ne rentrez pas dans vos villages. Ensuite, aux chrétiens, pour qu¬ils quittent la zone.» Une stratégie destinée, selon lui, à vider le Sud pour constituer un «Hezbollahland» menaçant la frontière israélienne.
«Pendant l¬occupation israélienne, nous avions l¬argent mais pas la dignité. Aujourd¬hui nous avons la dignité mais plus d¬argent.» Ce propos désabusé d¬un commercant de Kfar Kila, un village chiite de l¬ex-zone occupée par Israël, resume bien le désenchantement qui règne actuellement dans la région. Un an après le retrait des troupes israéliennes, la population se sent abandonnée par l¬Etat libanais. «Le changement a bien eu lieu, mais vers le vide, explique un médecin de Marjayoun. Regardez ces restaurants dessertés alors qu¬ils étaient toujours pleins avant le retrait. L¬activité économique est aujourd¬hui nulle et les gens pensent surtout à quitter la région.»
Pendant l¬occupation, la zone vivait sous perfusion financière israélienne. Ainsi, un membre d¬une famille intégré dans l¬Armée du Liban Sud (ALS), la milice supplétive de l¬Etat hébreu, et un autre travaillant en Israël pouvaient ramener 1 500 dollars par mois à la maison. Une carte de sécurité sociale à 60 dollars par an leur fournissait un accès bon marché aux soins médicaux tandis que l¬eau et l¬électricité étaient gratuites. Avec la fin de ce système, une grande partie de la population a perdu ses sources de revenus.
Or, pour des raisons tout autant politiques que financières û«les caisses de l¬Etat sont vides»- , les autorités libanaises n¬ont pas débloqué les investissements indispensables pour reconvertir l¬économie locale, reconstruire les infrastructures et créer de nouveaux emplois. Les routes sont toujours dans un état lamentable et les services publics absents des villages. A Marjayoun, quelques nouvelles lignes téléphoniques ont toutefois été installées et une poste s¬est ouverte. Mais l¬hôpital, lui, est resté fermé pendant un an faute de moyens financiers mais également à cause d¬une querelle entre le Hezbollah et la milice Amal pour son contrôle.
Car depuis la libération, «les deux milices chiites se sont partagées le gateau, explique un observateur local. L¬hôpital de Bint Jbail est passés aux mains du Hezbollah et celui de Marjayoun dans celles d¬Amal». Mais sur le terrain, ce sont les militants du Hezbollah qui tiennent le haut du pavé, même s¬ils sont discrets. La nuit, ils patrouillent le long de la frontière et dans les villages, parfois sur des motos. «L¬ancienne milice de l¬ALS a simplement été remplacée par une nouvelle, le Hezbollah», constate un habitant du village d¬Alma Al-Chaab, sur les hauteurs de Naqoura.
Un climat de peur et de suspicion
Le choix de cette cible par les Israéliens est lourd de signification : le col de Dahr el-Baïdar, par lequel passe la route internationale Beyrouth-Damas, commande l'accès à la capitale syrienne. En neutralisant la station radar qui s'y trouve, l'aviation israélienne est à deux minutes de vol de Damas qu'elle peut désormais attaquer pratiquement sans être détectée. Les avions peuvent en effet emprunter le couloir de la plaine de la Bekaa tout en étant protégés des radars syriens par les chaînes montagneuses du Mont-Liban et de l'Anti-Liban.
Cette escalade est intervenue au lendemain d'une attaque menée par le Hezbollah contre un char israélien dans le secteur des fermes de Chebaa. Cette région de 20 kilomètres carrés, occupée par Israël depuis 1967, est revendiquée par le Liban. Mais l'ONU estime qu'elle appartient à la Syrie et qu'elle n'est donc pas concernée par la résolution 425, du Conseil de sécurité exigeant le retrait immédiat des troupes israéliennes de tout le territoire libanais.
Israël, qui accuse depuis des années Damas de soutenir et d'encourager les actions du Hezbollah, a mis ses menaces à exécution. Désormais, l'armée syrienne n'est plus à l'abri au Liban et sera touchée par les représailles israéliennes. C'est «Cette situation est dangereuse car la sécurité, qui devrait être assuré par l¬Etat libanais, est devenue du ressort d¬une milice», ajoute le curé d¬un village chrétien. Sous la pression de Damas, le gouvernement libanais refuse en effet de sécuriser sa frontière avec Israël et de déployer son armée tant que les fermes de Chebaa resteront occupées par l¬Etat hébreu. Résultat : seuls 1000 soldats et gendarmes ont été affectés dans l¬ex-zone occupée. Ce vide étatique a créé au fil des mois un climat de peur et de suspicion dans la population.
Selon un expert des affaires du Sud Liban, le Hezbollah serait d¬ailleurs derrière les explosions récentes de voitures d¬ex-miliciens de l¬ALS dans les village musulmans de Houla, Ait Aroun, Addaissé et Kfar Hamam. Il ne s¬agirait pas de «vengeances personnelles» comme le prétendent les villageois car à Houla, 300 grammes d¬explosifs ont été déposés sous le véhicule d¬un ex-membre de l¬ALS. «On ne peut pas se procurer une telle quantité si on n¬appartient pas au Hezbollah, poursuit cet expert. Le Parti de Dieu adresse ainsi un double message. D¬abord, aux anciens miliciens de l¬ALS qui vont être prochainement libérés : ne rentrez pas dans vos villages. Ensuite, aux chrétiens, pour qu¬ils quittent la zone.» Une stratégie destinée, selon lui, à vider le Sud pour constituer un «Hezbollahland» menaçant la frontière israélienne.
par Christian Chesnot
Article publié le 24/05/2001