Algérie
Comment juger la «sale guerre» ?
Des dizaines d'intellectuels et personnalités d'Europe ont lancé une pétition pour demander la création d'un tribunal pénal international afin de juger les militaires soupçonnés de mener la «sale guerre» qui ensanglante le pays depuis 1992.
« Aujourd'hui il n'est plus possible de blanchir le régime d'Alger. Depuis plusieurs années, de nombreux témoignages ne laissent plus de place au doute : ce sont bien les quelques généraux à la tête de l'armée qui constituent le pouvoir réel en Algérie et qui sont les principaux responsables de la µsale guerre' ». Pour des dizaines d'intellectuels et personnalités d'Europe, le moment est venu de dénoncer « le silence et les atermoiements de l'Union européenne face aux événements en Algérie ». Pour cela ils ont lancé mardi 22 mai une pétition internationale qui préconise la mise en place d'un tribunal pénal international pour l'Algérie et demandé aux dirigeants de l'UE de sanctionner les responsables militaires au pouvoir dans ce pays.
«Ce sont eux qui ont décidé, froidement, de mettre en £uvre une guerre d'éradication de toute opposition, ne reculant devant aucune des exactions constitutives de la qualification de crime contre l'humanité : torture généralisée, exécutions extrajudiciaires, enlèvements, etc.» ont écrit ces intellectuels qui estiment aussi que le «cabinet noir» d'Alger aurait une fois de plus opté pour la «politique du pire», ces dernières semaines en Kabylie, en multipliant «les provocations de la gendarmerie». «En tuant des jeunes désarmés, ils confirment leur mépris absolu pour la vie de leurs concitoyens et ils montrent qu'ils sont prêts à tout pour conserver leurs scandaleux privilèges et leurs rentes de corruption».
«Une ingérence de la plus haute gravité»
Cette pétition a été publiée, en France, par le quotidien Le Monde et demande aux dirigeants de l'Unione uropéenne «d'intervenir auprès des Nations Unies pour obtenir la mise en place d'un tribunal pénal international ad hoc afin de juger les responsables, quels qu'ils soient, de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité en Algérie». Les signataires demandent aussi de «conditionner l'approbation de l'accord d'association entre l'UE et l'Algérie, laquelle serait imminente, au respect des droits de l'homme et à l'établissement de l'Etat de droit par l'Algérie et ses forces de sécurité». Ils réclament aussi la mise en place de mécanismes permettant aux Etats membres de l'UE «d'interpeller et de juger devant leurs propres juridictions les militaires présents sur leur territoire soupçonnés d'être responsables ou complices de graves violations des droits de l'homme». Une telle juridiction permettrait notamment à la France de traduire devant ses tribunaux de nombreux généraux algériens, qui se rendent régulièrement en France ou dans d'autres pays d'Europe, sans être nullement inquiétés. C'est le cas notamment du général (officiellement à la retraite) Khaled Nezzar, qui se trouvait récemment sur le sol français à l'occasion du lancement, à Paris, de ses «mémoires». Son séjour n'avait alors duré que quelques heures, et sa tournée prévue dans d'autres villes françaises avait dû être annulée. Le général Nezzar avait été embarqué sur un avion à destination d'Alger, aussitôt après la fin de sa conférence.
Les signataires de cette pétition ont dénoncé «l'attitude du gouvernement français qui a permis que le général Nezzar soit µexfiltré' le 25 avril dernier pour échapper aux plaintes déposées contre lui à Paris le jour même par des victimes de tortures». Cette pétition a été signée notamment par le député européen (vert) Daniel Cohn-Bendit, l'écrivain espagnol Juan Goytisolo, le sociologue belge François Houtart, l'historien français Pierre Vidal-Naquet, le sociologue français Pierre Bourdieu, le magistrat italien Ferdinando Imposimato, le professeur allemand Werner Ruf, l'écrivain yougoslave Predrag Matvejevic, l'économiste britannique William Byrd, le professeur suédois Ake Sander et le philosophe suisse Marie-Claire Caloz-Tschopp.
Du côté d'Alger, cette pétition européenne pourrait connaître le même sort que les précédentes prises de position officielles ou officieuses de l'Union européenne. Pour La Liberté, un quotidien proche du RCD, le parti de Said Saadi, il s'agit «d'une démonstration d'ingérence de la plus haute gravité qui, à l'évidence, instrumentalise les événements de Kabylie pour remettre au goût du jour le refrain du µqui tue qui' ?». La résolution adoptée le 18 mai par le Parlement européen contre l'utilisation de la violence en Kabylie continue quant à elle de susciter des réactions hostiles au sein de la classe politique algérienne. De nombreux partis considèrent que l'emploi par les parlementaires de Strasbourg de l'expression «peuple kabyle». Pour le FFS de Hocine Aït Ahmed cette résolution «constitue une manière de pervertir le sens politique véritable» de la mobilisation des habitants de la Kabylie et «conforte les intentions du pouvoir algérien qui a, de tout temps, tenté de créer une diversion berbériste en Kabylie». Pour le FLN cette prise de position vise «à saper l'unité nationale».
«Ce sont eux qui ont décidé, froidement, de mettre en £uvre une guerre d'éradication de toute opposition, ne reculant devant aucune des exactions constitutives de la qualification de crime contre l'humanité : torture généralisée, exécutions extrajudiciaires, enlèvements, etc.» ont écrit ces intellectuels qui estiment aussi que le «cabinet noir» d'Alger aurait une fois de plus opté pour la «politique du pire», ces dernières semaines en Kabylie, en multipliant «les provocations de la gendarmerie». «En tuant des jeunes désarmés, ils confirment leur mépris absolu pour la vie de leurs concitoyens et ils montrent qu'ils sont prêts à tout pour conserver leurs scandaleux privilèges et leurs rentes de corruption».
«Une ingérence de la plus haute gravité»
Cette pétition a été publiée, en France, par le quotidien Le Monde et demande aux dirigeants de l'Unione uropéenne «d'intervenir auprès des Nations Unies pour obtenir la mise en place d'un tribunal pénal international ad hoc afin de juger les responsables, quels qu'ils soient, de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité en Algérie». Les signataires demandent aussi de «conditionner l'approbation de l'accord d'association entre l'UE et l'Algérie, laquelle serait imminente, au respect des droits de l'homme et à l'établissement de l'Etat de droit par l'Algérie et ses forces de sécurité». Ils réclament aussi la mise en place de mécanismes permettant aux Etats membres de l'UE «d'interpeller et de juger devant leurs propres juridictions les militaires présents sur leur territoire soupçonnés d'être responsables ou complices de graves violations des droits de l'homme». Une telle juridiction permettrait notamment à la France de traduire devant ses tribunaux de nombreux généraux algériens, qui se rendent régulièrement en France ou dans d'autres pays d'Europe, sans être nullement inquiétés. C'est le cas notamment du général (officiellement à la retraite) Khaled Nezzar, qui se trouvait récemment sur le sol français à l'occasion du lancement, à Paris, de ses «mémoires». Son séjour n'avait alors duré que quelques heures, et sa tournée prévue dans d'autres villes françaises avait dû être annulée. Le général Nezzar avait été embarqué sur un avion à destination d'Alger, aussitôt après la fin de sa conférence.
Les signataires de cette pétition ont dénoncé «l'attitude du gouvernement français qui a permis que le général Nezzar soit µexfiltré' le 25 avril dernier pour échapper aux plaintes déposées contre lui à Paris le jour même par des victimes de tortures». Cette pétition a été signée notamment par le député européen (vert) Daniel Cohn-Bendit, l'écrivain espagnol Juan Goytisolo, le sociologue belge François Houtart, l'historien français Pierre Vidal-Naquet, le sociologue français Pierre Bourdieu, le magistrat italien Ferdinando Imposimato, le professeur allemand Werner Ruf, l'écrivain yougoslave Predrag Matvejevic, l'économiste britannique William Byrd, le professeur suédois Ake Sander et le philosophe suisse Marie-Claire Caloz-Tschopp.
Du côté d'Alger, cette pétition européenne pourrait connaître le même sort que les précédentes prises de position officielles ou officieuses de l'Union européenne. Pour La Liberté, un quotidien proche du RCD, le parti de Said Saadi, il s'agit «d'une démonstration d'ingérence de la plus haute gravité qui, à l'évidence, instrumentalise les événements de Kabylie pour remettre au goût du jour le refrain du µqui tue qui' ?». La résolution adoptée le 18 mai par le Parlement européen contre l'utilisation de la violence en Kabylie continue quant à elle de susciter des réactions hostiles au sein de la classe politique algérienne. De nombreux partis considèrent que l'emploi par les parlementaires de Strasbourg de l'expression «peuple kabyle». Pour le FFS de Hocine Aït Ahmed cette résolution «constitue une manière de pervertir le sens politique véritable» de la mobilisation des habitants de la Kabylie et «conforte les intentions du pouvoir algérien qui a, de tout temps, tenté de créer une diversion berbériste en Kabylie». Pour le FLN cette prise de position vise «à saper l'unité nationale».
par Elio Comarin
Article publié le 22/05/2001