Liban
Le général Lahad, le mercenaire dont la France ne veut plus
L'ancien chef de l'ALS, la milice pro-israélienne, un an après le retrait israélien du Sud Liban, se sent abandonné par la France où il devait initialement vivre son exil.
De notre envoyé spécial à Tel-Aviv
En costume gris et polo noir, le général Antoine Lahad, 72 ans, ne paraît pas trop accablé. «On survit», sourit-il, en nous accueillant dans le hall d'un grand hôtel à Tel-Aviv. C'est là, face à la Méditerranée, que l'ancien chef de la milice pro-israélienne au Sud Liban (ALS) est installé sous un faux nom depuis le retrait de ses protégés, il y a un an. Le général Lahad est indésirable à Paris. Au moment du départ de Tsahal, sa retraite dans son vaste appartement du Trocadéro paraissait pourtant acquise. Son épouse et ses deux jeunes enfants y habitent depuis douze ans, après la tentative d'assassinat dont il avait été victime chez lui à Marjayoun.
«Nous ne pouvons pas vous accueillir actuellement». C'est par ces mots lapidaires qu'il apprend la nouvelle l'été dernier de la bouche de l'ambassadeur de France en Israël, Jacques Huntzinger, lors d'un déjeuner à la résidence. «Dans un mois peut-être», ajoute le diplomate, embarrassé. «Un mois politique ou un vrai mois militaire ?», demande Lahad. «Ma fille de quinze ans ne comprend pas, dit-il. Elle se demande pourquoi avant quand je travaillais pour les Israéliens, les Français m'autorisaient à venir les voir régulièrement, maintenant que je ne fais plus rien, c'est fini».
«Déçu», l'ex-mercenaire en est réduit aux supputations : «La France a ses intérêts dans le monde arabe, peut-être a-t-elle promis aux Syriens de ne pas m'accueillir. Je veux simplement finir mes jours près des miens, même si c'est en qualité de touriste. Certains de mes officiers se sont réfugiés chez vous avant le départ d'Israël. La DST (Direction de la sûreté du territoire) est venue m'interroger sur leurs cas. J'espère qu'avec le temps, mon problème va se régler». Il ne veut pas envenimer la situation, mais a du mal à cacher son amertume : «la veille de Noël, alors que je m'apprêtais à rejoindre ma famille à Bruxelles pour passer les fêtes avec eux, j'ai reçu un appel d'un diplomate me disant : bonnes nouvelles, vous allez pouvoir voir votre famille à Paris. Arrivé à Bruxelles, je reçois un autre appel: ce n'est pas encore possible: Matignon et le Quai d'Orsay refusent que vous veniez».
Le «lâchage» de la France
Son «lâchage» peut surprendre. En mars 2000, en visite à Tel-Aviv, Alain Richard, le ministre de la Défense, déclare que Paris pourrait accorder l'asile politique à un certain nombre de miliciens. La France serait-elle revenue sur ses promesses ? En échange de la libération en 1998 de Souha Bishara, la jeune libanaise emprisonnée depuis dix ans au sud-Liban pour avoir tenté de l'assassiner, Paris aurait alors assuré le chef de l'ALS de l'accueillir, une fois les Israéliens partis. «Si tel est le cas, note un diplomate, notre revirement n'est rien par rapport à celui des Israéliens», allusion à leur départ précipité du Sud-Liban, sans prévenir Lahad, qui se trouvait à Paris à ce moment-là.
Dans la foulée du retrait, le Hezbollah a demandé à la France de ne pas l'accueillir, avait alors rapporté la presse libanaise. Ses «contacts» à la DST lui ont fait comprendre que le veto venait directement de l'Elysée. Au moment où la tension était montée avec le mouvement chiite pro-iranien, après les propos de Lionel Jospin sur le Hezbollah «terroriste», Paris n'a pas voulu prendre de risque sur un dossier jugé secondaire. En lui refusant l'accès à l'Hexagone, «la France lui rend service», ajoute le diplomate. L'ex-collaborateur serait traduit devant la justice pour crimes contre l'humanité, voire livré au Liban, où il est condamné à mort.
Comparé à ses hommes confinés au nord d'Israël dans l'attente d'un hypothétique visa pour l'étranger, M. Lahad, qui est titulaire d'un passeport israélien, est loin d'être mal loti. L'Etat hébreu paie la facture de l'hôtel, et lui a même proposé de financer ses déplacements pour visiter les siens. «J'ai refusé». En fumant un Havana face à la mer, il a la nostalgie du Liban : «Dès que les Syriens partent, j'y retourne, je suis prêt à comparaître devant la justice. J'avais des contacts avec les autorités pendant l'occupation, avec Hariri, à qui j'ai envoyé, à toutes fins utiles, les cartes du Sud-Liban pour la préparation des élections législatives. Je veux écrire un livre, mais pas ici, je suis un peu prisonnier en Israël, je le ferai quand je serai en France».
En costume gris et polo noir, le général Antoine Lahad, 72 ans, ne paraît pas trop accablé. «On survit», sourit-il, en nous accueillant dans le hall d'un grand hôtel à Tel-Aviv. C'est là, face à la Méditerranée, que l'ancien chef de la milice pro-israélienne au Sud Liban (ALS) est installé sous un faux nom depuis le retrait de ses protégés, il y a un an. Le général Lahad est indésirable à Paris. Au moment du départ de Tsahal, sa retraite dans son vaste appartement du Trocadéro paraissait pourtant acquise. Son épouse et ses deux jeunes enfants y habitent depuis douze ans, après la tentative d'assassinat dont il avait été victime chez lui à Marjayoun.
«Nous ne pouvons pas vous accueillir actuellement». C'est par ces mots lapidaires qu'il apprend la nouvelle l'été dernier de la bouche de l'ambassadeur de France en Israël, Jacques Huntzinger, lors d'un déjeuner à la résidence. «Dans un mois peut-être», ajoute le diplomate, embarrassé. «Un mois politique ou un vrai mois militaire ?», demande Lahad. «Ma fille de quinze ans ne comprend pas, dit-il. Elle se demande pourquoi avant quand je travaillais pour les Israéliens, les Français m'autorisaient à venir les voir régulièrement, maintenant que je ne fais plus rien, c'est fini».
«Déçu», l'ex-mercenaire en est réduit aux supputations : «La France a ses intérêts dans le monde arabe, peut-être a-t-elle promis aux Syriens de ne pas m'accueillir. Je veux simplement finir mes jours près des miens, même si c'est en qualité de touriste. Certains de mes officiers se sont réfugiés chez vous avant le départ d'Israël. La DST (Direction de la sûreté du territoire) est venue m'interroger sur leurs cas. J'espère qu'avec le temps, mon problème va se régler». Il ne veut pas envenimer la situation, mais a du mal à cacher son amertume : «la veille de Noël, alors que je m'apprêtais à rejoindre ma famille à Bruxelles pour passer les fêtes avec eux, j'ai reçu un appel d'un diplomate me disant : bonnes nouvelles, vous allez pouvoir voir votre famille à Paris. Arrivé à Bruxelles, je reçois un autre appel: ce n'est pas encore possible: Matignon et le Quai d'Orsay refusent que vous veniez».
Le «lâchage» de la France
Son «lâchage» peut surprendre. En mars 2000, en visite à Tel-Aviv, Alain Richard, le ministre de la Défense, déclare que Paris pourrait accorder l'asile politique à un certain nombre de miliciens. La France serait-elle revenue sur ses promesses ? En échange de la libération en 1998 de Souha Bishara, la jeune libanaise emprisonnée depuis dix ans au sud-Liban pour avoir tenté de l'assassiner, Paris aurait alors assuré le chef de l'ALS de l'accueillir, une fois les Israéliens partis. «Si tel est le cas, note un diplomate, notre revirement n'est rien par rapport à celui des Israéliens», allusion à leur départ précipité du Sud-Liban, sans prévenir Lahad, qui se trouvait à Paris à ce moment-là.
Dans la foulée du retrait, le Hezbollah a demandé à la France de ne pas l'accueillir, avait alors rapporté la presse libanaise. Ses «contacts» à la DST lui ont fait comprendre que le veto venait directement de l'Elysée. Au moment où la tension était montée avec le mouvement chiite pro-iranien, après les propos de Lionel Jospin sur le Hezbollah «terroriste», Paris n'a pas voulu prendre de risque sur un dossier jugé secondaire. En lui refusant l'accès à l'Hexagone, «la France lui rend service», ajoute le diplomate. L'ex-collaborateur serait traduit devant la justice pour crimes contre l'humanité, voire livré au Liban, où il est condamné à mort.
Comparé à ses hommes confinés au nord d'Israël dans l'attente d'un hypothétique visa pour l'étranger, M. Lahad, qui est titulaire d'un passeport israélien, est loin d'être mal loti. L'Etat hébreu paie la facture de l'hôtel, et lui a même proposé de financer ses déplacements pour visiter les siens. «J'ai refusé». En fumant un Havana face à la mer, il a la nostalgie du Liban : «Dès que les Syriens partent, j'y retourne, je suis prêt à comparaître devant la justice. J'avais des contacts avec les autorités pendant l'occupation, avec Hariri, à qui j'ai envoyé, à toutes fins utiles, les cartes du Sud-Liban pour la préparation des élections législatives. Je veux écrire un livre, mais pas ici, je suis un peu prisonnier en Israël, je le ferai quand je serai en France».
par Georges Malbrunot
Article publié le 26/05/2001