Ciel africain
Les propositions de la Banque mondiale
La Banque mondiale vient d'adresser un courrier aux ministres des transports des Etats membres d'Air Afrique. Cette lettre présente deux hypothèses pour l'avenir, deux hypothèses déjà largement rejetées par la direction, les syndicats, les usagers, sur lesquelles les ministres devront se prononcer prochainement... Dans les deux cas, Air Afrique est censé disparaître dans sa forme actuelle.
Tout semble dire qu'Air Afrique entre dans des semaines cruciales pour son avenir... «La liquidation d'Air Afrique n'est plus un cas d'école», affirmait il y a peu le ministre ivoirien des transports, Aimée Apiah Kabran de passage à Paris... Il était d'ailleurs venu rencontrer les créanciers de la compagnie pour leur demander de prendre patience. Le discours des syndicalistes s'est également durci et laisse transparaître l'urgence de la situation : «Nous sentons que les chefs d'Etat [des pays membres de la compagnie] traînent les pieds. Or, chaque minute qui passe peut nous amener vers le dépôt de bilan ou la cessation d'activité» déclare, très amer, Adoté Akweï, le secrétaire général de l'intersyndicale.
Air Afrique était déjà, ces dernières semaines, très mal en point. La compagnie vit à crédit, et doit porter le fardeau d'une dette multiforme : une «dette-avion», contractée lors de l'achat de quatre airbus A-310-A300 en 1990, et qui court toujours en partie bien que la compagnie ait restitué les appareils en cause. Une dette envers les fournisseurs habituels de l'exploitation : carburant, pièces détachées. Une autre envers l'IFLC, l'International Leasing & Financing corp qui a loué et loue toujours des avions à la compagnie (deux A330 qui sont constamment sous la menace d'une saisie). Et puis il y a les dettes financières à l'égard d'institution comme la BAD, la Banque Africaine de Développement. Cette situation «comateuse» durait cependant depuis tellement longtemps qu'on avait fini par croire qu'Air Afrique pouvait tout de même continuer à voler dans un tel contexte.
Et puis il y a eu cette lettre de la banque mondiale, véritable douche froide. Le courrier (lire le fac-similé) est signé du vice-président de la Banque Mondiale, Callisto Madavo. Il présente aux ministres une note technique établie par les services du groupe banque mondiale en collaboration avec SH&E, le cabinet chargé de l'administration provisoire d'Air Afrique. Premier constat : le plan de Washington, qui avait été présenté comme un «plan de la dernière chance» ne parviendra manifestement pas à déboucher. «les informations les plus récentes recueillies montrent que la situation financière et le compte d'exploitation d'Air Afrique rendent cette compagnie techniquement insolvable et rendent difficile sinon impossible de la restructurer et de la privatiser contrairement à ce qui avait été envisagé initialement.» Deuxième constat : «La compagnie est déjà de facto dans une première phase de mise en faillite». Troisième constat : de nouveaux opérateurs se positionnent actuellement sur le marché aérien régional, notamment dans la perspective d'une disparition d'Air Afrique.
La lettre de la Banque mondiale
La Banque mondiale tire de ces analyses deux scenarii pour l'avenir d'Air Afrique, des pistes qu'elle désigne sous le terme d'«options structurelles» : 1. «Liquidation de la compagnie Air Afrique sans reconstitution d'une nouvelle société» 2. «maintien d'une compagnie régionale soit par redressement judiciaire d'Air Afrique, soit par sa liquidation et constitution d'une nouvelle société». Dans les deux cas, Air Afrique semble vouée à disparaître. Soit pour renaître de ses cendres, mais sous la forme d'une compagnie régionale. Soit pour s'éteindre définitivement. Et c'est bien ce qui provoque la colère sur le terrain.
La direction provisoire, bien qu'elle ait été mandatée par la banque mondiale a réagi. Elle a fait savoir que ces propositions ne correspondaient pas à son mandat. Les syndicats ont fait connaître leur point de vue sur ces deux options : «dans l'un et l'autre cas, c'est une mise à mort d'Air Afrique. Nous avons des inquiétudes parce que certains responsables politiques que nous avons rencontrés nous disent qu'en dehors de l'option de la banque mondiale, il n'y a pas de solution...» Les médiateurs, Gabdibé Passoré et Cheickna Sylla : «Nous en appelons à Laurent Gbagbo, en tant que président en exercice de la conférence des chefs d'Etat-membre. Il ne faut pas laisser mourir Air Afrique. Il faut dépolitiser, il faut privatiser.»
Du côté de l'association des usagers d'Air Afrique, le président Cheick-Ousmane Diallo propose, lui, un troisième scénario : «S'il faut priver Air Afrique de certaines de ses lignes, et bien que la compagnie se resserre sur les liaisons intercontinentales ! C'est là qu'il y a de l'argent. Laissons les vols régionaux aux compagnies locales... Réduire Air Afrique à une compagnie régionale serait en fait la transformer en compagnie feeder au service des grandes compagnies internationales, c'est à dire qu'Air Afrique se contenterait d'amener les passagers aux compagnies internationales...»
Les propositions de la banque mondiale ont commencé à susciter une mobilisation sur le terrain. Reste à voir quelle réponse les politiques leur donneront. Une réunion des ministres des transports est prévue dans les semaines qui viennent. Elle doit se prononcer sur les deux options structurelles proposées par la Banque mondiale. «Nous n'attendrons pas qu'ils déposent le bilan, affirme Adoté Akweï. Nous avons déjà identifié Air France [principal actionnaire non étatique d'Air Afrique, NdlR] comme un complice hypocrite qui assiste à ce qui se passe pour en tirer profit. Nous avons déjà commencé à boycotter les vols d'Air France au départ des aéroports d'Air Afrique. Nous avons dit à la direction d'Air France, lors de notre passage à Paris qu'ils vont devoir marcher sur les cadavres des 4 200 travailleurs d'Air Afrique avant d'enterrer la compagnie».
Air Afrique était déjà, ces dernières semaines, très mal en point. La compagnie vit à crédit, et doit porter le fardeau d'une dette multiforme : une «dette-avion», contractée lors de l'achat de quatre airbus A-310-A300 en 1990, et qui court toujours en partie bien que la compagnie ait restitué les appareils en cause. Une dette envers les fournisseurs habituels de l'exploitation : carburant, pièces détachées. Une autre envers l'IFLC, l'International Leasing & Financing corp qui a loué et loue toujours des avions à la compagnie (deux A330 qui sont constamment sous la menace d'une saisie). Et puis il y a les dettes financières à l'égard d'institution comme la BAD, la Banque Africaine de Développement. Cette situation «comateuse» durait cependant depuis tellement longtemps qu'on avait fini par croire qu'Air Afrique pouvait tout de même continuer à voler dans un tel contexte.
Et puis il y a eu cette lettre de la banque mondiale, véritable douche froide. Le courrier (lire le fac-similé) est signé du vice-président de la Banque Mondiale, Callisto Madavo. Il présente aux ministres une note technique établie par les services du groupe banque mondiale en collaboration avec SH&E, le cabinet chargé de l'administration provisoire d'Air Afrique. Premier constat : le plan de Washington, qui avait été présenté comme un «plan de la dernière chance» ne parviendra manifestement pas à déboucher. «les informations les plus récentes recueillies montrent que la situation financière et le compte d'exploitation d'Air Afrique rendent cette compagnie techniquement insolvable et rendent difficile sinon impossible de la restructurer et de la privatiser contrairement à ce qui avait été envisagé initialement.» Deuxième constat : «La compagnie est déjà de facto dans une première phase de mise en faillite». Troisième constat : de nouveaux opérateurs se positionnent actuellement sur le marché aérien régional, notamment dans la perspective d'une disparition d'Air Afrique.
La lettre de la Banque mondiale
La Banque mondiale tire de ces analyses deux scenarii pour l'avenir d'Air Afrique, des pistes qu'elle désigne sous le terme d'«options structurelles» : 1. «Liquidation de la compagnie Air Afrique sans reconstitution d'une nouvelle société» 2. «maintien d'une compagnie régionale soit par redressement judiciaire d'Air Afrique, soit par sa liquidation et constitution d'une nouvelle société». Dans les deux cas, Air Afrique semble vouée à disparaître. Soit pour renaître de ses cendres, mais sous la forme d'une compagnie régionale. Soit pour s'éteindre définitivement. Et c'est bien ce qui provoque la colère sur le terrain.
La direction provisoire, bien qu'elle ait été mandatée par la banque mondiale a réagi. Elle a fait savoir que ces propositions ne correspondaient pas à son mandat. Les syndicats ont fait connaître leur point de vue sur ces deux options : «dans l'un et l'autre cas, c'est une mise à mort d'Air Afrique. Nous avons des inquiétudes parce que certains responsables politiques que nous avons rencontrés nous disent qu'en dehors de l'option de la banque mondiale, il n'y a pas de solution...» Les médiateurs, Gabdibé Passoré et Cheickna Sylla : «Nous en appelons à Laurent Gbagbo, en tant que président en exercice de la conférence des chefs d'Etat-membre. Il ne faut pas laisser mourir Air Afrique. Il faut dépolitiser, il faut privatiser.»
Du côté de l'association des usagers d'Air Afrique, le président Cheick-Ousmane Diallo propose, lui, un troisième scénario : «S'il faut priver Air Afrique de certaines de ses lignes, et bien que la compagnie se resserre sur les liaisons intercontinentales ! C'est là qu'il y a de l'argent. Laissons les vols régionaux aux compagnies locales... Réduire Air Afrique à une compagnie régionale serait en fait la transformer en compagnie feeder au service des grandes compagnies internationales, c'est à dire qu'Air Afrique se contenterait d'amener les passagers aux compagnies internationales...»
Les propositions de la banque mondiale ont commencé à susciter une mobilisation sur le terrain. Reste à voir quelle réponse les politiques leur donneront. Une réunion des ministres des transports est prévue dans les semaines qui viennent. Elle doit se prononcer sur les deux options structurelles proposées par la Banque mondiale. «Nous n'attendrons pas qu'ils déposent le bilan, affirme Adoté Akweï. Nous avons déjà identifié Air France [principal actionnaire non étatique d'Air Afrique, NdlR] comme un complice hypocrite qui assiste à ce qui se passe pour en tirer profit. Nous avons déjà commencé à boycotter les vols d'Air France au départ des aéroports d'Air Afrique. Nous avons dit à la direction d'Air France, lors de notre passage à Paris qu'ils vont devoir marcher sur les cadavres des 4 200 travailleurs d'Air Afrique avant d'enterrer la compagnie».
par Laurent Correau
Article publié le 23/05/2001